samedi 30 juin 2018

La psychiatrie humanitaire

Outside the Asylum: A Memoir of War, Disaster and Humanitarian Psychiatry 

Lynne Jones


Hardcover: 368 pages
Publisher: Weidenfeld & Nicolson (June 5, 2018)
Language: English
ISBN-13: 978-1474605748


What happens if the psychiatric hospital in which you have lived for ten years is bombed and all the staff run away? What is it like to be a twelve-year-old and see all your family killed in front of you? Is it true that almost everyone caught up in a disaster is likely to suffer from post-traumatic stress disorder? What can mental health professionals do to help? How does one stay neutral and impartial in the face of genocide? Why would a doctor support military intervention?

Outside the Asylum is Lynne Jones's personal exploration of humanitarian psychiatry and the changing world of international relief; a memoir of more than twenty-five years as a practicing psychiatrist in war and disaster zones around the world. From her training in one of Britain's last asylums, to treating traumatized soldiers in Gorazde after the Bosnian war, helping families who lost everything in the earthquake in Haiti, and learning from traditional healers in Sierra Leone, Lynne has worked with extraordinary people in extraordinary situations. This is a book that shines a light on the world of humanitarian aid, and that shows us the courage and resilience of the people who have to live, work and love in some of the most frightening situations in the world.

Science et spiritisme

Science and Spiritualism, 1750-1930


Call for Papers 


The Leeds Centre for Victorian Studies is pleased to announce a two-day conference, to take place at Leeds Trinity University on 30 and 31 May 2019. We are delighted to have Professor Christine Ferguson (University of Stirling), and Professor Roger Luckhurst (Birkbeck, University of London) as our keynote speakers.


Description: 
Since the emergence of modern mediumship in the middle of the nineteenth century, science and spiritualism have been interwoven. Sceptics and believers alike have investigated spirit and psychic phenomena to determine its legitimacy. This two-day interdisciplinary conference will explore the history of the intersection of science and spiritualism during the long nineteenth century.

Key scholarship includes:
Ferguson, Christine, Determined Spirits: Eugenics, Heredity and Racial Regeneration in Anglo-American Spiritualist Writings 1848-1930, Edinburgh University Press, 2012.
Lamont, Peter, Extraordinary Beliefs: A Historical Approach to a Psychological Problem, Cambridge University Press, 2013
Luckhurst, Roger, The Invention of Telepathy, 1870-1901, Oxford University Press, 2002
McCorristine, Shane, Spectres of the Self: Thinking about Ghosts and Ghost-Seeing in England, 1750-1920, Cambridge University Press, 2010
Oppenheim, Janet, The Other World: Spiritualism and Psychical Research in England, 1850-1914, Cambridge University Press, 1985
Owen, Alex, The Darkened Room: Women, Power and Spiritualism in Late Victorian England, University of Chicago Press, 2004

We welcome proposals from any discipline, covering any geographic region. 

Possible topics include:
  • Scientific investigations at séances
  • Scientific literature on spirit and psychic phenomena
  • Technology and spiritualism (such as photography, telegraphy, telephony)
  • Medicine and spiritualism (such as studies in physiology and psychology)
  • Shamanism, animism and spiritualism in anthropology
  • Science, spiritualism and the periodical press
  • Cultures of science and religion and its connection to spiritualism
  • Spiritualism and material culture (such as haunted objects or locations)
  • Contesting cultural authority in spiritualism cases
  • Scientific experiments on spiritualism
  • Crisis of evidence in spirit and psychic investigations
  • Magicians and spiritualism (such as exposing fraud through replicating tricks)
  • Science and spiritualism in literature (such as Browning’s Mr Sludge)
  • Scientists as spiritualists and spiritualists as scientists
Please send a 250-word abstract, along with contact information to e.sera-shriar@leedstrinity.ac.uk. The Deadline for submission is 15 November 2018

Some small travel bursaries will be available to postgraduate and early career scholars. If you would like to be considered for one,please include a short expression of interest detailing your research, and how this conference will be of benefit to you.

If you have any questions about the event please get in touch via email at e.sera-shriar@leedstrinity.ac.uk

vendredi 29 juin 2018

Le sang en Espagne

Le sang en Espagne. Trésor de vie, vecteur de l’être XVe-XVIIIe siècles 


Christine Orobitg

Aix-en-Provence
Presses Universitaires d’Aix-Marseille
2018
Nombre de pages: 418
ISBN: 9791032001660



Le sang fascine. Encore aujourd’hui, il renferme une charge d’émotion et de mystère, qui trouve ses racines dans les anciens systèmes de représentation, de la fin du Moyen Age au XVIIIe siècle. L’ancienne médecine inscrit le sang dans le système des quatre humeurs et en fait un véritable «trésor de vie». Elle l’associe aux «esprits» -qui constituent l’interface entre l’âme et le corps-, au cœur, aux émotions. Le sang est également relié aux questions de genre et d’identité sexuelle. Le sang féminin ne vaut pas le sang masculin. Le sang menstruel, objet d’une véritable mythologie, est associé la souillure, au déchet et au poison. Mais le sang est aussi à la base d’un aliment aussi essentiel que symbolique, le lait, évoqué dans les discours dédiés à l’allaitement et au choix des nourrices. Le sang ne relève pas uniquement du domaine sanitaire : sa représentation convoque des notions-clés comme l’articulation entre le corps et l’âme, la définition et la transmission de l’identité. Il intervient dans la construction d’un véritable « déterminisme hématologique » -dans lequel les caractéristiques physiques et morales se transmettent par le sang-, dans des pratiques d’exclusion, mais aussi dans des discours de tolérance et de la solidarité. Cette rapide évocation des perceptions et des enjeux du sang révèle la densité et la complexité des représentations qui y sont associées. C’est cet héritage ancien, mais jamais oublié, que cet ouvrage se propose d’explorer.

Des usages du vin dans les sociétés

In Vino Humanitas. Des usages du vin dans les sociétés

Appel à contribution Interrogations N° 29

Numéro coordonné par Florent Schepens et Maylis Sposito-Tourier

http://www.revue-interrogations.org/AAC-No-29-In-Vino-Humanitas-Des

« Il y a plus de philosophie dans une bouteille de vin que dans tous les livres »
Louis Pasteur

Le vin est l’alcool préféré des Français. En 2015, ont été produits 240 millions d’hectolitres de vin dans le monde, ce qui représente, selon l’Office Interprofessionnel des Vins (OIV), un marché mondial de 73 milliards d’euros. La France y tient une place particulière : 1er exportateur mondial, elle produit 16% des quantités disponibles (Qqf1, 2017).

S’il est une « boisson totem » (Barthes, 2010 [1957]) pour l’Hexagone, il est aussi une substance psychoactive dangereuse (Nahoum-Grappe, 2016). On estime qu’environ 10% des décès – par accident ou maladie – sur le territoire national sont dus à l’alcool, chiffre auquel on peut ajouter la dégradation des conditions sanitaires et sociales des personnes souffrant d’alcoolisme (Fainzang, 1996 ; Pedersen, 2015). Pour autant, les risques encourus n’empêchent pas les Français de boire – 11,7 litres d’alcool pur par an quand la moyenne européenne est de 10,3 litres (Richard et al., 2015a) – et, de surcroît, de boire à la santé d’autrui.

Les usages du vin et les représentations sanitaires qui lui sont accolées ont considérablement changé à travers les siècles. Considérée, fin XIXe- début XXe comme une boisson salubre, un aliment aux vertus microbicides voire comme un bouclier contre l’alcoolisme – à l’inverse de l’alcool industriel distillé (Lucand, 2015) – la consommation de vin mène aujourd’hui à des questionnements sur la santé humaine et environnementale. Parler de « risque alcool » (Berger, 2008) ou, a contrario, promouvoir la vinothérapie et questionner l’usage intensif de produits phytosanitaires sont des éléments qui interrogent le vin tout autant que ceux qui le produisent et le consomment.

L’alcool en général et le vin en particulier développent un univers complexe qui semble avoir une influence sur de nombreux aspects de la vie humaine. Ce numéro de la revue ¿ Interrogations ? vise à interroger le vin, de son élaboration à sa consommation, en passant par sa vente ou encore par les injonctions sanitaires dont il fait l’objet. Pour ce faire, d’autres thématiques ou produits pourront être présentés dans les articles avec pour objectif d’analyser les usages du vin – vin et bière, vin et gastronomie, vin et culture, vin et santé, vin et paysage…

Quelques pistes non exhaustives :

D’abord, le consommateur

Boit-on les mêmes vins pour les mêmes raisons à travers des pratiques semblables ? Si le vin est un produit particulier, c’est aussi qu’en matière d’alcool en France, on ne fait pas ce que l’on veut. Refuser le verre qui vous est tendu peut revenir à refuser la relation. Refuser de boire quand on est un homme, c’est prendre le risque de voir sa virilité mise en doute. En effet, il faut « tenir l’alcool » car « boire comme un homme » est une preuve de sa puissance (Goussot et al. 2015 ; Le Hénaff, 2016). A l’inverse, le fait de « trop » boire pour une femme met en péril sa respectabilité (Goussot et al., 2015 ; Déroff, Fillaut, 2015). Aussi nous pouvons nous demander si l’alcool donne un genre (Gaussot et al., 2016) et, si tel est le cas, en quoi il est un marqueur sexué. Si alcools forts et bières sont d’usage majoritairement masculins, hommes et femmes boivent du vin (Richard et al., 2015b). L’alcool peut aussi marquer la classe sociale. Tandis que les hommes en consomment davantage dans les catégories socioprofessionnelles (CSP) les moins favorisées, la tendance est inversée pour les femmes : leur consommation augmente avec leur CSP (Beck, Legleye, De Peretti, 2006). Ceci nous donne l’occasion d’interroger le sens de la consommation elle-même. Si les différentes formes de consommation d’alcool étaient jusqu’à maintenant fortement genrées – les hommes buvant plus souvent et en plus grande quantité que les femmes – l’écart semble se réduire, notamment via les pratiques des étudiantes (Déroff, Fillaut, 2015). La consommation de vin est-elle un marqueur d’âge, une pratique qui souligne une transition (Diasio, 2015) ?

Que recherche-t-on dans la consommation de vin ? Pour le moins la sensation d’ivresse2 (Nahoum-Grappe, 1991), sinon ne consommerions-nous pas que de l’eau ? Il semble qu’en France, « boire un coup » ne se fait pas avec du soda ou du café. Est-ce pareil dans les autres pays ? Que permettent ces bouteilles partagées ? Entre hommes et femmes ? Entre « riches » et « pauvres » ? Entre « jeunes » et « vieux » ? En France et à l’étranger ?

Le consommateur peut être étudié dans son rapport au vin à partir d’autres entrées : consommation qualitative / quantitative, usages culturels, symboliques du vin, marketing, réputationnel (« boire l’étiquette »)…

Ensuite, le vendeur

Le marché du vin (Chiffoleau, Laporte, 2004) est étonnant : parfois produit de luxe où une bouteille unique peut se négocier plusieurs dizaines de milliers d’euros, parfois produit de consommation courante, le vin est l’objet de pratiques distinctives.

Si, en France, le vin est vendu majoritairement dans les supermarchés (88% - Vin et Société, 2018), est-il un produit de consommation comme un autre ? Les magasins jouent sur les codes de la tradition pour mettre les bouteilles en scène (présence de tonneaux, rayonnage en bois, etc.). Ce sont les mêmes éléments que l’on retrouve chez les cavistes (6% des ventes) et chez les vignerons (4% des ventes). Ces derniers peuvent s’inscrire dans des circuits œnotouristiques au développement récent en France (Rigaux, 2018) : à côté de la visite de la cave et de la vigne, il est maintenant possible de déguster les vins dans le restaurant du vigneron et, parfois, de visiter des musées. Le vin se veut-il produit culturel ? Culture que l’on retrouve derrière la création de « cités du vin » à Bordeaux, à Beaune, etc., cités visant à promouvoir le vin et ses terroirs, mais aussi les savoirs liés à la vigne.

De nombreuses autres questions peuvent être posées : quelles bouteilles consomme-t-on chez les restaurateurs ? Quelle est la place du sommelier ? Qui construit les classements, les palmarès, les revues et livres spécialisés qui sont aussi des outils de vente (mais pas uniquement…) ? Permettent-ils de réduire la distance entre « experts » et « amateurs » plus ou moins éclairés, notamment à travers une démocratisation des discours spécialisés sur le vin ? Quelle influence a ce « nouveau » savoir sur les pratiques d’achat et de consommation ?

Qui vend et comment ? Qui achète et où ? Quelles reconfigurations du marché implique l’usage d’internet et de la vente en ligne ? Quel rôle l’État, les différentes associations catégorielles et ligues jouent-ils dans la valorisation des vignobles, dans la régulation des consommations voire dans leur interdiction ? Qu’en est-il hors de France ?

Pour finir, le producteur

De multiples acteurs sont présents dans le monde de la production des vins : viticulteur, vigneron, maître de chai, coopérateur, œnologue… Ceci souligne une division du travail et de l’expertise complexe. Aussi, qui fait du vin et comment ?

Si le vin était une affaire d’hommes – dans la plupart des civilisations, les femmes étaient exclues des situations où l’on consomme de l’alcool (Douglas, 1987) – les femmes se font progressivement une place dans les vignobles. Leur prénom, parfois leur nom mais le plus souvent accolé à celui de leur conjoint, apparaît maintenant sur de nombreuses étiquettes. Parfois cantonnées à la vente et à la communication, elles peuvent aussi participer aux travaux de la vigne et à l’élaboration du vin. Les premières œnologues, maîtresses de chai ou vigneronnes ont investi ce milieu et y sont légitimes. Il faut dire qu’elles sont actives et s’organisent pour donner de la visibilité à leur travail – le cercle Femmes de vin regroupe par exemple 200 vigneronnes en France.

Le vin est également un marqueur identitaire et notamment un marqueur régional (Schlienger, Braun, 2004), les producteurs ainsi que les consommateurs étant souvent attachés à leur terroir et donc, à leur vin. Il est aussi une mise en forme particulière des territoires (Jacquet, Laferté, 2005), des paysages à travers lesquels ont été notamment organisés des parcours pour favoriser le développement de l’œnotourisme (Rigaux, 2018) – dix mille caves touristiques ont accueilli près de 10 millions d’œnotouristes en France en 2015 (Qqf, 2017). Cependant, la fabrication du vin, c’est aussi beaucoup de chimie plus ou moins nocive pour l’environnement et l’être humain (consommateurs, riverains, professionnels…). Quels effets engendrent ces produits sur la représentation que l’on se fait du vin ? Qu’en est-il pour les vins « bio » ?

La revue étudiera toute proposition provenant des sciences humaines et sociales centrée sur cette thématique du vin.
Références bibliographiques

Barthes Roland (2010), Mythologies, Paris, Seuil.

Beck François et al. (2006), « L’alcool donne-t-il un genre ? », Travail, genre et sociétés, n° 15, pp. 141-160.

Berger Raphaël (2008), « Le vin, un produit à risque qui s’embourgeoise », Crédoc, Consommation et modes de vie, n°216.

Chiffoleau Yuna, Laporte Catherine (2004), « La formation des prix : le marché des vins de Bourgogne », Revue française de sociologie, vol. 45, n° 4, pp. 653-680.

Corbeau Jean-Pierre (2004,) « Réflexions sociologiques « en vrac » sur le vin », Anthropology of food, n° 3 [En ligne]

Déroff Marie-Laure, Fillaut Thierry (2015), Boire : Une affaire de sexe et d’âge, Paris, EHESP.

Douglas Mary (1987), Constructive Drinking : Perspectives On Drink From Anthropology, Cambridge, Cambridge University Press.

Gaussot Ludovic, Palierne Nicolas, Le Minor Loïc (2016), « Rapport au boire et au risque en milieu étudiant : dépassement ou déplacement du genre ? », SociologieS, http://journals.openedition.org/soc… (consulté le 10 mai 2018).

Gaussot Ludovic, Palierne Nicolas, Le Minor Loïc (2015), « Modération et sobriété chez les étudiants : entre ethos de vie et résistance aux normes », Cahiers interne de psychologie sociale, vol. 3, n° 107, pp. 341-73.

Jacquet Olivier, Laferté Gilles (2005), « Appropriation et identification des territoires du vin », Cahiers d’économie et sociologie rurales, n° 6, pp. 10-27.

Le Henaff Yannick, Routier Guillaume (2013), « Les conduites d’alcoolisation dans le monde étudiant », Cahiers de l’ireb, n° 21, pp. 213-217.

Le Henaff Yannick (2016), « Apprendre à « gérer » sa consommation : une approche biographique de l’alcoolisation chez les étudiants », Agora débat/jeunesses, vol. 1, n° 72, pp. 61-74.

Le Henaff Yannick (2013), « Les conduites d’alcoolisation dans le monde étudiants : une approche en terme de processus », Cahiers de l’ireb, n° 21, pp. 213-7.

Lucand Christophe (2015), Le Pinard des poilus. Une histoire du vin en France durant la Grande Guerre (1914-1918), Dijon, EUD.

Musset de Alfred (1863), Premières poésies. Charpentier, Bibliothèque de Catalogne.

Nahoum-Grappe Véronique (1991), La culture de l’ivresse, Paris, Quai Voltaire.

Nahoum-Grappe Véronique (2016), « Le sens de l’ivresse », Revue de la BNF, vol 2, n° 53, pp. 12-17.

Pedersen Line (2015), Expertises et addictions. Trajectoires de déprise à l’épreuve des groupes d’entraide et des centres de soin en addictologie (CSAPA), Thèse de doctorat, 2015, Université de Franche-Comté.

Pineau Christelle (2015), « Vin à vendre, femmes « objets » de convoitise » dans Déroff Marie-Laure et Fillaut Thierry (Dir.), Boire : Une affaire de sexe et d’âge, Paris, EHESP, pp. 95-104.

Richard Jean-Baptiste, Palle Christophe, Guignard Romain, NguyenThanh Viet, Beck François, Arwidson Pierre (2015a), « La consommation d’alcool en France en 2014 », Evolutions, n° 32.

Richard Jean-Baptiste, Beck François, Spilka Stanislas (2015b), « La consommation d’alcool des 18-25 ans en 2010 en France : spécificités et évolutions depuis 2005 », Bull. Epidemio. Hébdo, n° 16-17-18, pp. 176-179.

Schlienger Jean-Louis, Braun André (2004), Le buveur alsacien : Petite histoire de l’art de boire entre Vosges et Rhin, Strasbourg, La nuée bleue.

Vin et Société : http://www.vinetsociete.fr/
Modalités de soumission des articles

Les articles, rédigés aux normes de la revue, devront être envoyés jusqu’au 15 décembre 2018, aux deux adresses électroniques suivantes :

florent.schepens@univ-fcomte.fr

maylis.sposito@univ-lorraine.fr

Ils ne doivent pas dépasser 50 000 signes (notes et espaces compris) et doivent être accompagnés d’un résumé et de cinq mots-clés en français et en anglais.

Les articles devront répondre aux normes de rédaction présentées à l’adresse suivante : http://www.revue-interrogations.org…

Publication du numéro : Décembre 2019

jeudi 28 juin 2018

Une histoire des sciences du travail

Pourquoi les hommes se fatiguent-ils ? Une histoire des sciences du travail (1890-1920)

Marco Saraceno

Octarès Éditions
ISBN : 978-2-36630-080-2





Pourquoi les hommes se fatiguent-ils ? La réponse à cette question peut se faire selon une logique « explicative », en cherchant les « causes » objectives de la baisse de l’activité dans le temps, et d’après une démarche « compréhensive », en définissant les « raisons » qui conduisent l’homme à se dépenser.

La tension entre ces deux niveaux de réflexion est le fil rouge de cet ouvrage qui suit leur dialectique dans la tentative de fonder une « science du travail humain » à cheval entre le XIXe et le XXe siècle siècle. Répondre à la question : « pourquoi les hommes se fatiguent-ils ? » signifie à la fois définir les conditions optimales de travail et réfléchir à la spécificité anthropologique de l’activité productive qui semble échapper à la loi du « moindre effort ». En effet, selon les mots du physiologiste italien Angelo Mosso, dont les recherches sont le point de départ de cet ouvrage, si l’homme se fatigue c’est parce qu’il « n’est pas comme un locomoteur qui consomme un kilogramme de charbon pour chaque kilomètre parcouru ». Cela signifie, d’une part, qu’il existe un mécanisme physico-chimique spécifique aux « moteurs animés » qui fait augmenter la dépense d’énergie dans le temps et donc baisser le rendement, mais aussi, d’autre part, qu’à différence de la machine, l’homme régule « volontairement » son effort en fonction de la valeur qu’il attribue à son activité.

Cet ouvrage suit l’histoire des mesures mécaniques, énergétiques et psychophysiologiques du fonctionnement organique, par lesquelles la science a expliqué le phénomène de la fatigue. Il montre que ces techniques métrologiques n’arrivent jamais à saisir leur objet puisque la force de la contraction musculaire ou la vitesse de l’influx nerveux ne sont du « travail » que si l’on prend en compte le but pour lequel elles ont été appliquées. Toutefois cela ne signifie pas que ces mesures seraient « fausses », au contraire, elles contribuent au débat de valeurs par lequel l’homme individuellement et collectivement oriente son activité. En s’inspirant de la lecture que Max Weber a faite de la science du travail, l’histoire retracée dans cet ouvrage est une invitation épistémologique à éviter l’opposition entre explication et compréhension, homme-machine et homme-acteur, rationalité instrumentale et rationalité axiologique

L'impact des politiques sur la santé sexuelle et reproductive

The Impact of Politics on Sexual and Reproductive Health and Rights


Call for contributions


Volume 27 Number 54, May 2019

Submission deadline 31 October 2018

RHM is compiling a themed issue to be published in May 2019 on the impact of politics on sexual and reproductive health and rights (SRHR). The purpose of the issue is to assimilate and highlight the consequences of and interconnections between political activities, systems or change on SRHR – whether at global, regional, state, or local levels, and at their intersections, especially in low- and middle-income settings.

The definition of politics is diverse and wide-ranging. Put succinctly by Lasswell in 1936, politics is about ‘who gets what, when and how’1, indicating its close association with power and influence. Politics has many facets. It can be an effective means of expanding evidence-informed action, representation, voice, agency, community engagement, co-operation, and opportunity for progressive change. Perceptions of politics can be negatively and emotionally charged; associated with ideology, dishonesty, self-interest, deceit and the unresponsiveness of institutions. Political activities and their impacts occur at different levels: they may be momentous global events, or they may take place locally, with effects at regional, national or local level. Politics may cause problems, solve them, or both, at the same time. Unintended and unforeseen consequences may result. People and population groups can be differentially affected by political actions in many ways: influencing laws and rights; determining war or peace; defining the distribution of information, wealth and health care; or shaping social cohesion2,3. Political decisions or expressions can have consequences impacting on the lives of individuals, including women and girls, and their ability to exercise and access SRHR. Institutions (such as multilateral organisations or non-government organisations) can also be affected, with changes to funding, established donor mechanisms, programmatic areas and capacity of organizations to engage with SRHR.

We live in a world of constant flux. The quickly changing political contexts of recent years have influenced SRHR discourse, access to rights, funding, services and lived experiences, and will continue to do so. In this call for papers, RHM will accept reviews, research articles, perspectives, commentaries and personal narratives which discuss and highlight positive, negative or mixed impacts of global, regional, national or local politics on SRHR. Submissions which make connections between these different levels will be of interest, for example, how global or regional politics can impact on the national and local. Papers submitted may identify political determinants of SRHR, document different forms of activism or resistance, explore interactions, trace pathways for change, or describe short term, intermediate, long term or ultimate outcomes.

Examples of relevant topics in SRHR related to contemporary political events include:
  • The shift towards right-wing and/or populist politics occurring across many countries and regions
  • The power of the #MeToo social media movement against sexual assault and harassment
  • Reinstatement of the Global Gag Rule prohibiting US funding to foreign organizations that offer abortion services or information
  • Demographic transition in China and its U-turn from a harsh one-child policy, to plans for boosting birth rates
  • The recurrence of widespread violence in Congo, with rape and sexual abuse used to intimidate in a context where lack of public services and transgressions of SRHR committed in the wake of the war in the 1990s remain unaddressed
  • The role of political activism and civil society in Senegal, with documented successes in the control of HIV/AIDS, despite its low-income status as a country
  • The rise in popularity of right wing politics in Costa Rica after the Inter-American Court of Human Rights ruled that gay marriage should be legalised
  • Protests in Iran by women against compulsory covering of their heads in public

The relevance of today’s politics on SRHR is clear, but not always well-documented. In this RHM collection, we aspire to compile and generate a diverse range of perspectives and evidence to inspire debate, inform intervention and effect change that will lead to better lives for people. Politics will determine whose SRHR are protected, when universal health care and respect for rights can be realised, and how it will be achieved.

We would like to remind potential authors of articles that in addition to our regular calls for themed papers, RHM also accepts other papers related to SRHR on an ongoing basis. Some of these may later be brought together or listed as key topics. We accept a wide range of article types, from full research reports to short personal perspectives, letters and book reviews. Please see instructions for authors at: https://www.tandfonline.com/action/authorSubmission?journalCode=zrhm20&page=instructions



References
Lasswell H. Politics: Who Gets What, When, How. London, Whittlesey House, 1936.
Miller AM, Gruskin S, Cottingham J, Kismödi E. Sound and Fury ‒ engaging with the politics and the law of sexual rights. Reproductive Health Matters, 2015; 23: 46, 7-15, DOI: 10.1016/j.rhm.2015.11.006

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mercredi 27 juin 2018

Perspectives culturelles sur les plantes et la science psychédélique

Plant Medicines, Healing and Psychedelic ScienceCultural Perspectives

Labate, Beatriz Caiuby, Cavnar, Clancy (Eds.)

Springer International Publishing
2018
978-3-319-76719-2

This is a book about the intersections of three dimensions. The first is the way social scientists and historians treat the history of psychiatry and healing, especially as it intersects with psychedelics. The second encompasses a reflection on the substances themselves and their effects on bodies. The third addresses traditional healing, as it circles back to our understanding of drugs and psychiatry. The chapters explore how these dimensions are distinct, but deeply intertwined, themes that offer important insights into contemporary healing practices.
The intended audience of the volume is large and diverse: neuroscientists, biologists, medical doctors, psychiatrists, psychologists; mental health professionals interested in the therapeutic application of psychedelic substances, or who work with substance abuse, depression, anxiety, and PTSD; patients and practitioners of complementary and alternative medicine; ethnobotanists and ethnopharmacologists; lawyers, criminologists, and other specialists in international law working on matters related to drug policy and human rights, as well as scholars of religious studies, anthropologists, sociologists, and historians; social scientists concerned both with the history of science, medicine, and technology, and concepts of health, illness, and healing. It has a potentially large international audience, especially considering the increasing interest in “psychedelic science” and the growing spread of the use of traditional psychoactives in the West.

Les substances psychoactives dans l'Histoire

Changing Minds: Societies, States, the Sciences and Psychoactive Substances in History

Call for Papers

Shanghai University
13-16 June 2019

The 2019 Alcohol and Drugs in History Society conference takes its cue from recent shifts in attitudes towards, and understandings of, intoxicants and psychoactive substances to explore the drivers of change throughout history in ideas about, and actions on, such materials.

Over the last two decades or so physiological models of drug and alcohol use have claimed to provide definitive accounts of the actions of these substances on human bodies, and how they function to literally change our minds. In much the same period ideas about certain substances, from alcohol to cannabis, have begun to fundamentally shift and with this has come political change as many consumers, scientists, doctors and policy-makers change their minds, even as others refuse to do so. The conference stops to ask 'haven't we seen this all before'?

After all, experts offering definitive accounts of such substances, vacillating bureaucrats and politicians, unyielding moralists and fickle consumers are all among the figures familiar to historians from other periods and a range of places. The conference brings together those working in the field to examine the latest research into why ideas, attitudes and approaches towards intoxication and psychoactive substances have changed in historical contexts, and why they have not. It will also establish how far these historical understandings can provide a clearer sense of just what lies behind practices, perceptions and policies today.

Where and When
For the first time the ADHS will host its conference in Asia, at Shanghai University in China, one hundred and ten years after the Opium Commission in the city that did so much to shape future control regimes. The event will also mark the centenary of the Treaty of Versailles which saw the establishment of the first permanent international mechanisms for monitoring and making policy on psychoactive and intoxicating substances at the new League of Nations. The David F. Musto Center for Drugs and National Security Studies at Shanghai University, in partnership with the ADHS and the Centre for the Social History of Health and Healthcare (CSHHH) Glasgow at the University of Strathclyde, looks forward to welcoming all those conducting research on any aspects of the consumption or control of alcohol or drugs in the past, anywhere in the world.

The event will take place between 13 and 16 June 2019.

Call for Papers
For individual papers please submit a one-page cv, a title and an abstract of no more than 200 words.

For panel proposals please provide a panel title and a list of four participants, together with a one-page cv, a title and an abstract of no more than 200 words for each participant.

The deadline for proposals is Monday, 5 November 2018.

These should be submitted to caroline.marley@strath.ac.uk

mardi 26 juin 2018

La médecine et la race dans l'empire britannique du 18e siècle

Difference and Disease: Medicine, Race, and the Eighteenth-Century British Empire 

Suman Seth

Hardcover: 336 pages
Publisher: Cambridge University Press (7 Jun. 2018)
Language: English
ISBN-13: 978-1108418300

Before the nineteenth century, travellers who left Britain for the Americas, West Africa, India and elsewhere encountered a medical conundrum: why did they fall ill when they arrived, and why – if they recovered - did they never become so ill again? The widely accepted answer was that the newcomers needed to become 'seasoned to the climate.' Suman Seth explores forms of eighteenth-century medical knowledge, including conceptions of seasoning, showing how geographical location was essential to this knowledge and helped to define relationships between Britain and her far-flung colonies. In this period, debates raged between medical practitioners over whether diseases changed in different climes. Different diseases were deemed characteristic of different races and genders, and medical practitioners were thus deeply involved in contestations over race and the legitimacy of the abolitionist cause. In this innovative and engaging history, Seth offers dramatically new ways to understand the mutual shaping of medicine, race, and empire.

Histoire de la fécondité

Espace social et différentiels de fécondité (XIXe-XXe s)

Appel à articles pour le numéro 2019-2 de Annales de Démographie Historique


Fabrice Cahen et Lionel Kesztenbaum (Ined)


La première et la seconde « transitions démographiques » sont souvent pensées comme des chemins uniques et nécessaires conduisant inexorablement les populations et les groupes qui les composent vers un horizon commun. Mais de nombreuses formes d’hétérogénéité – entre centres et périphéries, riches et pauvres, nationaux et immigrés, hommes et femmes, etc. – échappent largement à ce lissage, même si les éléments d’opposition varient dans leur nature, dans leur définition et au cours du temps. Les schémas analytiques trop globalisants (l’optique modernisatrice du milieu du XXe siècle ou le diffusionnisme plus récent) ont déjà été abondamment critiqués pour leur implicite politique et normatif sans, pour autant, que l’histoire des populations et la démographie historique parviennent totalement à s’en affranchir. Le dialogue avec d’autres disciplines, notamment la sociologie ou l’histoire sociale, a permis de progresser sur la façon d’historiciser et de contextualiser ces questions. Il conduit à s’intéresser non pas simplement au déploiement objectif des processus, à la vitesse relative de leur « aboutissement » ou à la convergence – indéniable - de certaines courbes (Dribe, Hacker, et Scalone 2014), mais à la manière dont elles s’incarnent sociologiquement : les stratégies des acteurs comme les significations sociales (absolues ou relatives) rattachées aux comportements ou pratiques doivent être mieux documentées et mieux comprises.

Ce volume entend ainsi reconnecter population et structure sociale. Cette dernière est particulièrement complexe à cerner et à conceptualiser : on ne peut en effet s’en tenir à une stratification plate et désincarnée qui ignorerait les conflits et relations de pouvoir, les représentations mutuelles (notamment sous la forme « eux et nous »), ou les interactions individuelles ou collectives. L’histoire sociale des populations que nous proposons ici n’est pas une entreprise classificatoire, même enrichie des modèles de mobilité ou de diffusion. Elle ne peut se limiter à une morphologie objectiviste déconnectée de toute problématisation historique. Parce qu’elle relève de l’histoire, elle ne recherche pas à dépeindre une stratification figée mais à capter les polarités en situation, à éclairer les actions et leurs effets. Plutôt que de partir d’une chimérique “essence” des groupes sociaux, nous proposons de combiner les angles d’attaque pour confronter entités théoriques, catégories statistiques (ou sur le papier) et pratiques observées.
La remontée des inégalités flagrante depuis les années 1990 et le rejeu de la question sociale, laquelle se heurte à la fois à l’éclatement des statuts et des situations socio-économiques, à l’affirmation des minorités et au paradigme individualiste qui accompagne le mouvement de fond néolibéral, ont donné lieu à un nouvel élan de recherches en SHS. La recherche actuelle a abandonné la piste de la « moyennisation », comme elle se distancie des dimensions atomistiques et utilitaristes de la micro-économie. Cependant, ce regain d’intérêt pour les rapports (de groupes) sociaux – qui ne peut laisser indifférents les historiens – soulève un certain nombre de questions. L’étude des comportements, des normes et des faits démographiques peut constituer un bon point d’accroche pour se prémunir à la fois contre les catégorisations a priori et contre une induction insuffisamment armée théoriquement. Mais ce n’est jamais sans risque que les historiens peuvent rouvrir le dossier de la structure sociale (voir notamment la discussion dans Prost 2014). Il faut ainsi faire preuve de vigilance pour ne pas revenir aux errances méthodologiques du passé. Pour cela, il importe en premier lieu de définir les termes : sans refaire toute l’histoire des débats sémantiques et théoriques en la matière, on prend le parti ici de distinguer la notion relativement neutre et souple de « groupes sociaux » et celle de « classes sociales » que l’on réservera aux situations où la conscience, les mobilisations et/ou les conflits de classe sont manifestes. Enfin, en s’appuyant sur les acquis des dernières décennies en sociologie et histoire sociale, on invite à injecter dans l’analyse d’autres lignes de division (degré de scolarisation, parenté et histoires de familles, origines géographiques, insertion et implication religieuse, « gens du privé » versus « gens du public », « ouvriers à statut » versus précaires, etc.) qui, en matière de comportements familiaux et/ou démographique peuvent s’avérer aussi structurantes que les appartenances macro-sociales postulées ou apparentes. Enfin, on doit également éviter l’enfermement des questionnements dans la thématique trop exclusive de la domination (y compris sous la forme de l’« intersectionnalité »), en veillant à se prémunir contre toute tentation populiste ou misérabiliste.

Parmi les diverses entrées possibles, c’est la fécondité qui a été retenue pour ce volume collectif. Le lit du pauvre plus prolifique que celui du riche: cette idée rebattue, qui court de Malthus à nos jours (par exemple Clark 2007), en passant par la littérature eugéniste mais également par les analyses de Bourdieu et Darbel (1966) sur le baby-boom (attentives aux valeurs différentielles des groupes), n’est-elle pas une simplification abusive ? Le modèle de la « courbe en U » de la fécondité, tant évoqué et invoqué, a pourtant rarement été examiné de manière critique. Il est toujours plus ou moins entaché par un présupposé : celui d’un primat de la sexualité comme fait de nature et sur la distance relative aux nécessités biologiques qui caractériserait les différentes catégories sociales selon leur degré de civilisation ou leur propension à se projeter dans l’avenir (de ce point de vue Bourdieu et Darbel renversent la logique puisque, dans leur analyse, c’est bien de concevoir qui est un choix). Le « lit du pauvre », lieu d’intempérance qui conduit à l’excès de progéniture ; celui du riche, où se prépare la transmission du patrimoine ; entre les deux celui du petit bourgeois prévoyant et obsédé par l’ascension sociale : malthusiens, néo-malthusiens, eugénistes et natalistes ont, depuis deux siècles, largement alimenté ce type de représentations sur lequel ils étaient rarement en désaccord. Cette grille de lecture pose des problèmes de réalisme historique. Ainsi, la restitution de la genèse des grandes enquêtes sur la fécondité en Grande-Bretagne à fin du XIXe et le minutieux travail de réexamen des données du recensement de 1911 dans l’ouvrage de Simon Szreter (1996) a permis à ce dernier de réfuter le schéma selon lequel les niveaux de fécondité des Britanniques étaient strictement corrélés aux appartenances de classe. Démontant brillamment une construction intellectuelle ancrée dans l’eugénisme et renforcée par la théorie classique de la transition démographique, Szreter défaisait cet “artefact créé par agrégation” et reconfectionnait avec un niveau plus fin de “résolution”, un découpage selon lui plus conforme à la réalité. En prolongeant les propositions de Szreter, il s’agit d’explorer les facteurs liés à la communauté professionnelle ou locale, à la famille ou encore à la socialisation scolaire. Mais les discussions soulevées par le livre de Szreter participent également de notre réflexion. Charles Tilly, notamment, avait reproché à son auteur de céder au “particularisme” là où il fallait selon lui s’en tenir, à partir d’un cadre sociologique approprié, à l’identification de régularités (Tilly 1996). Plus récemment Barnes et Guinnane (2012), après s’être replongés dans les données maniées par Szreter, ont réfuté une partie de ses analyses : s’il existait bien des continuités entre catégories contiguës, les valeurs centrales de chaque classe étaient très nettement distinctes.

Les comportements de fécondité ne sont plus expliqués aujourd’hui sous le seul angle du calcul maximisateur et du contrôle, qui s’opposeraient à l’imprévoyance et à l’irresponsabilité. Ils peuvent notamment être étudiés au prisme de la rationalité pratique (Zelizer 1994), comme compensation aux duretés de la vie voire comme voies d’insertion ou de reconnaissance sociales (Schwartz 2012).
Un élément central de ce dossier est de comprendre dans quelle mesure les calculs économiques guident ou, précisément, ne guident pas la décision d’avoir un enfant ou d’en avoir un nombre déterminé (les deux pouvant être confondus en première approximation mais devant sans doute être distingués par la suite). Cette question peut être déclinée dans différentes directions. Dans un premier cas, il s’agit d’affronter le déterminant quasi mécanique des économistes où les parents optimisent leurs ressources (sur toute la vie) en tenant compte du coût d’élever chaque enfant et des revenus qu’il pourra apporter (y compris, d’ailleurs, sous forme d’aide pour les vieux jours ou autres). Mais il convient d’aller plus loin : les enfants peuvent être également une source d’affection, de pouvoir, de réseau, de respectabilité ; simultanément ils peuvent créer un ensemble de coûts symboliques comme matériels qui nuisent au statut et donc à la mobilité sociale. Plus fondamentalement, il s’agit de les étudier en relation avec d’autres domaines de la vie des individus et des ménages : comment les “choix” reproductifs s’articulent concrètement avec les calculs budgétaires ; comment la logique coûts/bénéfices est appréhendée dans l’expérience ordinaire ; comment la salarisation ou les transferts sociaux (dont les allocations familiales), ainsi que la scolarisation et l’allongement des études, organisent les attitudes comptables. Sur d’autres plans, que nous disent des clivages sociaux les pratiques de restriction des naissances (jusqu’à l’infanticide) ou encore la préférence pour le garçon ? Dans quelle mesure la restriction des naissances a-t-elle effectivement été source de mobilité sociale ? Il ne faut pas oublier le rôle des normes comme l’illustre le stigmate de la famille nombreuse populaire (De Luca Barrusse 2008).

Une autre façon de dépasser la réduction au ménage comme unité de décision autonome et optimisatrice consiste à faire intervenir d’autres intermédiaires sociaux ou socio-culturels (Hilevych 2016) : locaux ou non, directs ou indirects, institutionnels ou informels ; des nourrices, sages-femmes et médecins aux agents du planning familial en passant par les réseaux affinitaires, ils permettent d’expliciter les mécanismes concrets par lesquels les couples relient – ou en viennent à relier – contraintes économiques et pratiques de fécondité. Ces éléments suggèrent des pistes pour repenser le lien (apparent) entre groupe social et fécondité et la linéarité (apparente également) de la baisse de la fécondité.

Une autre approche consistera à s’appuyer sur un cadre longitudinal (ou de cycle de vie) pour examiner la façon dont les ressources économiques peuvent influencer les décisions de fécondité. En effet, la contrainte économique pèse différemment à un moment ou à un autre selon les groupes sociaux ; elle peut alors être beaucoup moins importante sur l’ensemble du cycle de vie qu’à un instant t. Autrement dit, les pauvres limitent davantage leur fécondité en période de tension financière – ce que l’on va alors observer en cross-section – mais cet effet disparait si on regarde l’ensemble de la vie.

Un dernier axe, enfin, sera consacré à la façon dont les différenciations internes – diversité selon la nationalité, la profession ou le lieu de résidence par exemple – peuvent servir de cas d’étude pertinents. Plutôt que d’y voir des réfutations ou des résidus, les situations atypiques doivent permettre d’entrevoir les mécanismes à travers lesquels la position sociale des individus agit, ou non, sur leurs pratiques de fécondité. In fine, au lieu de s’enfermer dans la recherche de causes expliquant des variables dépendantes (comme le nombre d’enfants, le taux de natalité ou l’Indice synthétique de fécondité), il s’agit de considérer la fécondité de manière relationnelle. Un on exemple de cette approche est celui des pratiques comme la contraception, l’avortement, voire l’infanticide –voir par exemple l’analyse de la fécondité japonaise sur 300 ans par Fabian Drixler (2013) qui resitue l’infanticide dans les pratiques de fécondité en étudiant finement l’enchevêtrement entre politiques, discours, pratiques et perceptions.


Cet appel s’adresse autant aux historiens (sociaux et économiques, du genre, de la médecine, etc.) qu’aux démographes. Nous pensons en particulier que c’est à partir de sources originales, de terrains décentrés, de combinaisons originales de matériaux d’enquête, que l’on peut se donner les chances de redécouvrir la réalité sociodémographique hors des stéréotypes classiques.


Bibliographie
Barnes, Geoffrey A., et Timothy W. Guinnane. 2012. « Social class and the fertility transition: a critical comment on the statistical results reported in Simon Szreter’s Fertility, class and gender in Britain, 1860–1940 ». The Economic History Review 65 (4): 1267-79.

Bourdieu, Pierre, et Alain Darbel. 1966. « La fin d’un malthusianisme? » In Le partage des bénéfices, expansion et inégalités en France, par Darras, Minuit, 135-54. Paris.

Clark, Gregory. 2007. A Farewell to Alms: A Brief Economic History of the World. The Princeton Economic History of the Western World. Princeton, NJ: Princeton Univ. Press.

De Luca Barrusse, Virginie de. 2008. Les familles nombreuses: une question démographique, un enjeu politique : France, 1880-1940. Rennes: Presses universitaires de Rennes.

Dribe, Martin, J. David Hacker, et Francesco Scalone. 2014. « The impact of socio-economic status on net fertility during the historical fertility decline: A comparative analysis of Canada, Iceland, Sweden, Norway, and the USA ». Population Studies 68 (2): 135-49.

Drixler, Fabian Franz. 2013. Mabiki: infanticide and population growth in eastern Japan, 1660-1950. Asia: local studies/global themes 25. Berkeley: University of California Press.

Hilevych, Yuliya. 2016. « Strong Families and Declining Fertility: A Comparative Study of Family Relations and Reproductive Careers in Soviet Ukraine ».

Prost, Antoine. 2014. « Des registres aux structures sociales en France. Réflexions sur la méthode ». Le Mouvement Social 246 (1): 97.

Schwartz, Olivier. 2012. Le monde privé des ouvriers. Paris: PUF.

Szreter, Simon. 1996. Fertility, class, and gender in Britain, 1860-1940. Cambridge studies in population, economy, and society in past time 27. Cambridge ; New York: Cambridge University Press.

Tilly, Charles. 1996. « Why Birth Rates Fell: A Review Essay on Simon Szreter’s Fertility Class and Gender in Britain, 1860-1940 ». Population and Development Review 22 (3): 557-62.

Zelizer, Viviana A. Rotman. 1994. Pricing the priceless child: the changing social value of children. Princeton, N.J: Princeton University Press.

Calendrier
15 septembre 2018 : remise des propositions d’articles
15 octobre 2018 : information aux auteurs sur l’acceptation de la proposition.
30 mars 2019 : remise des articles complets, envoi en relecture par le comité de rédaction.
30 juin 2019 : retour des relecteurs, avis des ADH.
1 septembre 2019 : articles définitifs.

Modalités
Envoi d’une proposition d’article –4 pages maximum– précisant le thème général et la problématique abordée, la méthode que l’on se propose d’utiliser et, éventuellement, les résultats attendus. Les propositions seront sélectionnées par les responsables du numéro et tous les articles seront ensuite soumis à deux lecteurs et examinés par le comité de rédaction de la revue.

Proposition à envoyer par mail uniquement à :

lundi 25 juin 2018

Les malades et leurs proches

Les malades et leurs proches. L’histoire de la santé au ras de l’expérience vécue de la maladie, de l’Antiquité à nos jours.

Appel à communications  


Colloque bisannuel du réseau de recherche Historiens de la santé


9 et 10 mai 2019
Montréal, UQAM

L’histoire de la médecine ne fut longtemps que le récit glorieux de la vie des grands médecins, de leurs découvertes, de leurs théories et de leurs exploits. Il fallut attendre les dernières décennies du XXe siècle pour voir émerger une histoire de la santé qui ne se limite pas à être l’histoire des seules sciences médicales, de leurs héros et de leurs institutions. En 1974, Jacques Revel et Jean-Pierre Peter[1] affirmaient ainsi que le corps vécu de l’homme malade appartenait désormais aux nouveaux objets de l’histoire. Pourtant, peu nombreux furent les historien.ne.s francophones à entendre cet appel, tout comme d’ailleurs celui lancé quelques années plus tard par l’historien britannique Roy Porter pour l’écriture d’une histoire de la médecine « par le bas »[2]. L’histoire de la médecine dans l’espace francophone resta en effet longtemps éloignée (particulièrement en France) de ce renouveau historiographique qui mettait l’accent sur le vécu « profane » de la maladie et sur l’expérience subjective du soin.

Depuis le début du XXIe siècle, l’histoire de la santé en français connaît heureusement un renouveau qui fait la part belle à cette perspective historiographique « au ras du sol »[3]. Les projets de recherche explorant l’expérience vécue de ceux que l’on nomme, selon les époques, les laïcs, les profanes ou simplement les non-médecins, se sont multipliés et plusieurs monographies marquantes ont vu le jour pour rappeler le rôle central de ces acteurs à part entière de l’exercice des soins de santé[4]. De plus, au-delà de l’histoire de la santé, l’intérêt renouvelé des historiens et historiennes pour les égodocuments contribue également à mettre de l’avant l’expérience subjective de la maladie et du soin comme des dimensions essentielles de l’histoire sociale et culturelle. Force est néanmoins de constater que ces travaux, s’ils sont de plus en plus nombreux, restent éparpillés, que ce soit du fait de la séparation des historiographies, par exemple entre l’histoire de la santé et l’histoire de la famille, ou à cause de l’absence de cursus ou d’espaces institutionnels propres à l’histoire de la santé dans la majorité des pays francophones.

C’est pour lutter contre cet éparpillement et pour tenter de dresser un état des lieux des travaux francophones sur l’histoire de l’expérience vécue de la maladie par les malades et leurs proches que le réseau Historiens de la santé a choisi d’organiser son quatrième colloque bisannuel sur ce thème. Cette rencontre vise en effet à rassembler les chercheur.e.s en histoire de la santé qui s’intéressent, indépendamment de leur approche comme de l’époque ou de l’espace géographique de leur étude, à l’expérience vécue de la maladie et de la santé par les malades, leurs familles ou leurs proches. L’objectif est d’ouvrir un espace d’échanges et de débats autour du vécu de ces « profanes », de leur rôle dans l’histoire des soins de santé, et de leur place dans son historiographie actuelle.

Parmi les thématiques pouvant être abordées, on retiendra ainsi, sans exhaustivité aucune :

1. Les représentations « profanes » de la santé et de la maladie
Comment les malades, mais aussi leurs proches, conçoivent la maladie et l’expérience du soin ? Quelles visions ont-ils de la guérison et de la santé ? Quels rapports ces représentations entretiennent avec les représentations médicales des « experts » ? Comment interviennent-elles dans le travail du soin ?

2. Les relations des malades avec leurs proches
Comment s’organisent les relations intrafamiliales ou amicales pendant la maladie ? La famille peut-elle être un espace de soin ? Comment se comportent les malades à l’égard de leurs proches et comment les proches réagissent à l’intrusion du mal ? La maladie favorise-t-elle le resserrement des liens ou conduit-elle au contraire à leur relâchement ? Comment les proches interviennent-ils dans l’expérience de la maladie ou du soin ? Quels rôles jouent les proches auprès du malade lorsqu’il ou elle est en relation avec un.e soignant.e ?

3. Les relations des malades et de leurs proches avec les soignant.e.s
Quel rôle jouent les proches dans le choix d’un.e soignant.e ? Quelle place ont-ils dans la relation soignant-soigné ? Comment la présence de la famille ou des amis interagit-elle avec le travail du soin ? Comment les soignant.e.s perçoivent les proches et leur influence sur le ou la malade, sa maladie ou son traitement ? Quel rôle jouent les proches dans l’adoption ou le rejet de la posture de patient.e ?

4. Les proches comme soignant.e.s et les soignant.e.s comme proches
Les soignant.e.s peuvent-ils devenir des proches ? Comment s’organise la relation de soin lorsque le ou la soignante est un.e proche du ou de la malade ? Les proches peuvent-ils faire de bons soignant.e.s ? Quelle est la place de l’amitié ou de l’amour dans la relation de soin ? Quel regard l’éthique porte-t-elle sur ces questions ?

5. Les malades et leurs proches face aux services gestionnaires de soins
Comment les malades et leurs proches vivent leurs relations avec le système de santé ? Quelle expérience font-ils des services de santé, depuis le guichet d’accueil jusqu’au service de paiement, en passant par la salle d’attente, la rencontre de différents intervenants ou les démarches administratives ? Comment perçoivent-ils et sont-ils perçus par l’administration hospitalière ou les gestionnaires de la santé ? Qu’est-ce, au final, qu’être un usager du système de santé ?


6. Les sources de l’histoire de cette expérience « profane » de la maladie
Où trouver la trace de l’expérience vécue de la maladie et du soin par les malades et les proches ? Les égodocuments sont-ils les seules sources d’une histoire de la maladie « par le bas » ? Les dossiers de patients ou les cas présentés dans les traités médicaux peuvent-ils nous permettre d’accéder à l’expérience vécue des malades ou de leurs proches ? Comment se consigne, s’archive ou se raconte l’expérience de la santé et de la maladie chez les « profanes » ?

Toutes les propositions se rattachant au sujet de la rencontre sans entrer dans ces thématiques sont bien sûr également les bienvenues.


Modalités de soumission

Les propositions de communications incluant un titre, un résumé d’environ 300 mots et une courte biographie de l’auteur (précisant son rattachement institutionnel et disciplinaire) sont à adresser à historiens.sante@gmail.com avant le 31 décembre 2018.

Les réponses du comité de sélection seront adressées au début du mois de février 2019.


Les frais de déplacements et de logement sont à la charge des intervenant.e.s retenu.e.s.


Contact : http://histoiresante.blogspot.com/ ou alexandre.klein.1@ulaval.ca


[1] REVEL, Jacques, PETER, Jean-Pierre, 1972, « Le corps. L’homme malade et son histoire », dans LE GOFF, Jacques, NORA, Pierre, (dir.), 1974, Faire l’histoire. III. Nouveaux objets, Paris, Gallimard, 1974, p. 169-191.

[2] PORTER, Roy, 1985, « The Patient’s View: doing medical history from below », Theory and Society, 14 (2), p. 175-195.

[3] REVEL, Jacques, 1989, « L’histoire au ras du sol », dans LEVI, Giovanni, 1989, Le Pouvoir au village. Histoire d’un exorciste dans le Piémont du XVIIe siècle, Paris, Gallimard, trad. fr. M. Aymard, p. i-xxxiii.

[4] Par exemple : CELLARD André et THIFAULT, Marie-Claude, 2007, Une toupie sur la tête : visages de la folie à Saint-Jean-de-Dieu, Montréal, Boréal ; NOOTENS, Thierry, 2007, Fous, prodigues et ivrognes. Familles et déviance à Montréal au XIXe siècle, Montréal et Kingston, McGill-Queen’s University Press ; RIEDER, Philip, 2010, La figure du patient au XVIIIe siècle, Genève, Droz ; RIPA, RIPA Yannick, 2010, L’Affaire Rouy. Une femme contre l’asile au xixe siècle, Paris, Tallandier ; PILLOUD, Séverine, 2013, Les mots du corps. Expérience de la maladie dans les lettres de patients à un médecin du XVIIIe siècle : Samuel-Auguste Tissot, Lausanne. Éditions de la BHMS ; COSTE Joël, 2014, Les écrits de la souffrance. La consultation médicale en France (1550-1825), Paris, Champ Vallon ; RICHELLE Sophie, 2014, Les « folles » de Bailleul. Expériences et conditions d’internement dans un asile français (1880-1914), Bruxelles, Université des femmes, coll. « Cahiers de l’UF », n°10 ; HANAFI, Nahema, 2017, Le frisson et le baume. Expériences féminines du corps au Siècle des lumières, Rennes, Presses universitaires de Rennes ; GUILLEMAIN, Hervé, 2018, Schizophrènes au XXe siècle. Des effets secondaires de l’histoire, Paris, Alma, 2018.