dimanche 31 mai 2020

Carnet de voyage académicien d'un historien de la médecine

Carnet de voyage académicien d'un historien de la médecine 

Xavier Riaud


L'Harmattan
Collection : Médecine à travers les siècles
Date de publication : 13 avril 2020 
Broché - format : 13,5 x 21,5 cm • 128 pages
ISBN : 978-2-343-20053-8


Doublement académicien, l'auteur a eu la chance de présenter ses travaux auprès d'institutions prestigieuses. Cet ouvrage collecte l'ensemble de ces travaux académiciens. L'histoire de la médecine est le lien qui unit tous ces textes, tous ces univers, tous ces instants devenus intemporels. De la Grande Armée à la Première Guerre mondiale, de la médecine à la dentisterie vétérinaire, voici offert un condensé de ses recherches, de ses articles parmi les plus aboutis.



samedi 30 mai 2020

Les remèdes à la passion amoureuse

Discite sanari. Les remèdes à la passion amoureuse de l’Antiquité au XVIIIe siècle

Appel à communications 

De Sappho à Proust, le motif de la maladie d’amour est probablement l’un des topoi les plus importants de la littérature occidentale et a fait l’objet de nombreux travaux spécifiques[i]. À l’occasion de ce colloque, nous souhaitons mettre en lumière un aspect de la topique bien moins étudié par la critique, celui des remèdes à l’amour tel qu’il est travaillé et traité dans les textes littéraires et scientifiques, de l’Antiquité à l’âge classique. Si l’étude du modèle antique des Remedia amoris d’Ovide et de ses différentes réélaborations postérieures pourra constituer un des axes de recherche, il s’agira également de s’intéresser, plus largement, aux prescriptions qui sont délivrées à l’amant pour soigner sa passion amoureuse tant dans la poésie érotique et la littérature amoureuse que dans les traités théoriques et scientifiques.

La question des remèdes à l’amour prend cependant relief sur fond d’une opinio communis inverse selon laquelle la passion amoureuse est précisément incurable. En creux se dessine alors une discussion sur la nature même de l’amour. L’amour, sentiment a priori naturel et spontané, peut-il faire l’objet d’une maîtrise ? Peut-on remédier de manière définitive aux souffrances de l’amour ? Soigner les douleurs amoureuses implique-t-il forcément de mettre fin au(x) sentiment(s), ou peut-on substituer à un érôs nocif d’autres visions, d’autres versions de l’amour, jugées positives ou curatives, se rapprochant davantage de ce qui relève de la philia ou de l’agapê grecques ?

Nous envisageons la notion de remèdes à l’amour dans une dynamique double et complémentaire : d’une part, en tant que moyens participant d’un art de la rupture (des recettes pharmaceutiques aux artifices psychologiques) visant à mettre fin au sentiment amoureux ; d’autre part, en tant que manières de remédier à une relation amoureuse défectueuse en rendant celle-ci saine et heureuse. Les deux visions convergent néanmoins et s’accordent à considérer la passion amoureuse comme un état pathologique source de douleurs, physiques ou psychologiques, auxquelles il convient de remédier. En quoi consistent alors les thérapies prescrites ? Quant à leurs auteurs, sont-ils médecins, poètes, philosophes ? Au nom de quel(s) savoir(s) ou de quelle(s) expérience(s) s’expriment-ils sur le sujet ? Quelles sont les modalités du traitement du motif selon la nature des discours et leurs influences mutuelles ? 


Axes thématiques

Les propositions de communication pourront s’inscrire dans un ou plusieurs axe(s) d’étude parmi les suivants :
Sources et réceptions du modèle ovidien des Remedia amoris

L’identification des sources probables, grecques comme latines, du poème ovidien et de ses intertextes pourra faire l’objet d’une étude. Se pose ainsi la question de savoir dans quelle tradition littéraire, scientifique ou philosophique le poète de Sulmone inscrit son traité. Il conviendra, par ailleurs, d’examiner la réception du poème ovidien de l’Antiquité jusqu’au XVIIIe siècle, sur une période déterminée ou à travers l’exemple d’un cas particulier. Si la critique s’est principalement intéressée à la postérité de l’Ars amatoria dans la culture littéraire européenne, les Remedia amoris d’Ovide semblent également avoir suscité un intérêt et une attention peut-être même plus importante que le premier poème didactique, en particulier à l’époque médiévale[iii]. Pourquoi s’est-on alors intéressé au poème du medicus amoris ? Quelles sont les lectures qui ont été faites du texte ? Quelle autonomie accordent-elles en particulier aux Remèdes à l’amour par rapport à L’Art d’aimer ? En quoi a-t-on pu déceler une ambiguïté dans le propos des Remedia amoris, tantôt considérés comme prolongement, tantôt comme palinodie de l’Ars ? Quels sont les effets produits par les écarts et les reprises d’une réécriture par rapport au modèle original ovidien ? On envisagera également d’étudier les différentes traductions des Remedia amoris du Moyen-Âge à l’âge classique. 


Réflexions sur les remèdes amoureux et hybridations des discours et des disciplines

La question littéraire des remèdes amoureux s’inscrit dans une littérature essentiellement ouverte à d’autres domaines de réflexion. Se pencher sur le sentiment amoureux dans une perspective pratique, telle qu’Ovide a pu la mettre en forme, implique souvent une certaine hybridation générique ou disciplinaire. Le texte littéraire vient alors volontiers s’allier à des considérations philosophiques, éthiques, morales, sociales ou encore médicales et scientifiques, pour essayer de réfléchir à différentes manières de soigner ou maîtriser l’amour à l’aide de remèdes et de pratiques variés. Lucrèce comme Horace n'hésitent pas à tresser leur écriture poétique aux discours philosophiques, légaux et juridiques de leur temps[ii] ; les réflexions sur les codes amoureux médiévaux n’oublient pas de s’adapter à un contexte social particulier ; l’époque moderne n’est pas en reste avec ses réflexions érotiques autant littéraires que philosophiques et scientifiques. Il s’agira alors de s’intéresser à ces textes qui écrivent et réfléchissent à l’amour (pensons, par exemple, aux productions d’André le Chapelain ou de Marsile Ficin et à leur postérité) comme aux textes de la tradition antérotique (qui se développent en Italie et en France au XVe et XVIe siècles) dans cette perspective singulière des remèdes amoureux. Quelle place occupent-ils ? Comment sont-ils envisagés et construits dans une pratique d’hybridation des discours ? Ainsi, si le sentiment amoureux est un ressort littéraire traditionnel, il est aussi l’objet d’un questionnement qui se fait tout à la fois depuis l’espace littéraire et depuis une certaine idée de ce que doit, ou devrait être le réel. La question du remède amoureux pourra alors s’envisager depuis ce double espace littéraire et extra-littéraire, dans la mesure où ces réflexions peuvent relever à la fois d’un geste théorique et prescriptif.


La réflexion scientifique et médicale sur les traitements thérapeutiques de l’amour

Dans cette perspective, on s’interrogera sur la nature scientifique des remèdes amoureux en lien avec la culture et les discours médicaux de chaque époque. Chez les Anciens, le motif de l’élaboration depharmaka (qu’il s’agisse des remèdes pharmaceutiques, des prescriptions diététiques anaphrodisiaques ou des pratiques magiques) nourrit les discours littéraires qui traitent des moyens de guérir de l’amour. Dans les écrits médicaux autant que dans les textes littéraires, la question du traitement médical de pathologies amoureuses n’est pas moins absente des préoccupations modernes (pensons aux réflexions scientifiques sur les cas de mélancolie et d’érotomanie telles qu’on les trouve, par exemple, dans le texte de Jacques Ferrand, Traicté de l'Essence et Guérison de l'Amour ou de la Mélancholie Érotique, publié en 1610). Quelles sont alors les influences mutuelles entre discours littéraires et médicaux sur la question des remèdes amoureux ? Quelle est la nature scientifique des prescriptions thérapeutiques données ? Que disent les remèdes de ce qu’est la science médicale elle-même et des représentations collectives sur certaines formes d’amour ?

Enjeux didactiques et génériques

A l’aune de ces remarques, il semble alors judicieux d’interroger également cette littérature dans sa dimension didactique. Ces textes posent la question centrale de la possibilité même d’un remède au sentiment amoureux. Il s’agira alors de voir comment cette problématique est traitée et appréhendée dans nos textes. Leur discours est-il toujours clairement prescriptif et limpide ? Le texte est-il une « recette » ou le remède lui-même ? Comment se construit l’efficacité de ces textes ? L’analyse du fonctionnement curatif (ou non) de ces textes s’attachera alors également au sujet de la valeur de l’œuvre (et de son remède) et à celui de leur place dans le canon littéraire des époques concernées, de l’Antiquité jusqu’au XVIIIe siècle.

Ainsi surgit également une autre manière d’appréhender le sujet en envisageant la ou les traditions littéraires qui s’intéressent ou participent totalement à la réflexion d’une médecine érotico-amoureuse. La postérité du texte ovidien constituera un axe évident de cette réflexion, mais plus largement, il s’agirait également de voir comment des traditions littéraires se forment autour de cette question, s’y tressent, et participent à la formation d’un corpus amoureux singulier. Ainsi, analyser la tradition philosophico-littéraire des trattati d’amore importés d’Italie en France à la Renaissance à la lumière de cette réflexion ainsi que leur importance pour la littérature en France à cette époque pourrait être fertile, tout comme cela serait le cas pour la production des moralistes du XVIIe siècle ou des philosophes comme des libertins du XVIIIe siècle. L’objectif serait de rendre compte de mécanismes de créations de veine(s) littéraire(s) de ces réflexions amoureuses, littéraires et pragmatiques.


Modalités de proposition

Les propositions (titre et résumé de 400 mots maximum) peuvent-être envoyées aux organisateurs
jusqu’au 31 octobre 2020

aux adresses suivantes : gautier.amiel@yahoo.fr, adelinelionetto@hotmail.com, dimitri.meziere@gmail.com

Les communications du colloque pourront être présentées en anglais, en français, ou en italien.

Comité d’organisation
Gautier Amiel (Sorbonne Université)
Adeline Lionetto (Sorbonne Université) 
Dimitri Mézière (Sorbonne Université)
Comité scientifique
Dominique Brancher (Université de Bâle)
Hélène Casanova-Robin (Sorbonne Université)
Michèle Gally (Aix-Marseille Université)
Stéphanie Loubère (Sorbonne Université)
Jean-Charles Monferran (Sorbonne Université)

Références

[i] Voir en particulier M. Ciavolella, La “malattia d’amore” dall’Antichità al Medioevo, Bulzoni, Rome, 1976

[ii] Voir pour cela le récent ouvrage de Bénédicte Delignon, La Morale de l’amour dans les Odes d’Horace, PUPS, Paris, 2019.

[iii] Voir sur ce point, S. Viarre, La survie d’Ovide dans la littérature scientifique des XIIe et XIIIe siècles, Publications du C.E.S.C.M., Poitiers, 1966, p.131 sq.

vendredi 29 mai 2020

Jenner et la globalisation de la vaccination

War Against Smallpox. Edward Jenner and the Global Spread of Vaccination


Michael Bennett


Publisher: Cambridge University Press
Expected online publication date: June 2020
Print publication year: 2020
Online ISBN: 9781139019569 

Michael Bennett provides the first history of the global spread of vaccination during the Napoleonic Wars, offering a new assessment of the cowpox discovery and Edward Jenner's achievement in making cowpox inoculation a viable and universally available practice. He explores the networks that took the vaccine around the world, and the reception and establishment of vaccination among peoples in all corners of the globe. His focus is on the human story of the horrors of smallpox, the hopes invested in vaccination by medical men and parents, the children put arm-to-arm across the world, and the early challenges, successes and disappointments. He presents vaccination as a quiet revolution, genuinely emancipatory, but also the sharp end of growing state power. By the end of the war in 1815, millions of children had been vaccinated. The early success of the war against smallpox paved the way to further advances towards eradication.

Délinquances, crimes et répression dans l'histoire

Délinquances, crimes et répression dans l'histoire


Appel à communications

Tunisian-Mediterranean Association for Historical, Social and Economic Studies & Tunisian World Center for Studies, Research, and Development organiseront le 17, 18, et 19 décembre 2020 le treizième colloque international sur le thème : « Délinquances, Crimes et Répression dans L’Histoire ».


Argumentaire

La question de la délinquance, dans l’acception la plus générale du terme, se révèle particulièrement complexe car les criminologues, sociologues, psychologues, psychanalystes, médecins, juristes, historiens qui ont abondamment étudié ce sujet ont émis des opinions souvent très différentes, voire contradictoires. Les difficultés surgissent dès qu’il s’agit de qualifier le phénomène. En droit français, le mot délinquance désigne tous les types d’infractions. Celles-ci se répartissent en trois catégories : les contraventions qui constituent les infractions les plus légères, les délits qui se situent à un niveau intermédiaire et les crimes parmi lesquels on distingue les meurtres, homicides volontaires non prémédités, et les assassinats, homicides volontaires prémédités. Depuis quelques années, dans beaucoup de pays, le viol est entré dans la catégorie des crimes. La langue arabe établit une différence entre la délinquance (inhiraf) qui désigne les délits mineurs et le crime (jarima) qui s’applique aux délits et aux infractions les plus graves. Selon Ibn-Mandhour, le mot "jurm" signifie une infraction ("jinayà"), un péché ("dhenb"), un crime ("jarimà"), ou une mécréance ("Kufr")[1]. Le terme "inhiraf" désigne en gros la mauvaise conduite ; il est l’opposé de l'honnêteté ou de la droiture[2]. En anglais courant, le mot crime recouvre généralement toutes les infractions, en tout cas les délits et les crimes proprement dits. Cependant, dans certains pays de culture anglo-saxonne, on emploie le mot felony pour qualifier une infraction grave, punie d’une peine de prison, et le mot misdemeanor pour une infraction mineure relevant en principe d’une peine financière.

I. Origines de la délinquance et des crimes

Emile Durkheim, l’un des fondateurs de la sociologie moderne, écrit en 1894 : « Le crime est normal parce qu’une société qui en serait exempte est tout-à-fait impossible ». Pour Durkheim, le crime est non seulement inévitable dans tout groupe humain, mais il se révèle nécessaire. En effet, l’infraction appelle des sanctions et l’existence de celles-ci – la punition du coupable – rassure les individus qui se sentent protégés, ce qui renforce la cohésion du groupe[3].

Les origines de la délinquance apparaissent obscures et controversées. Au XVIII° siècle, pour Jean-Jacques Rousseau, l’homme est naturellement bon, mais il est corrompu par la vie en société, plus précisément par l’amour-propre qui stimule la compétition entre les individus et donc les conflits[4]. Mais, au XIX° siècle, certains théoriciens croient à l’existence de caractères innés conduisant à la délinquance et au crime, ce qui revient à invoquer une sorte de déterminisme social.

Aujourd’hui, la majorité des spécialistes ne croit pas possible de tracer les contours d’une théorie générale du crime. Ils n’écartent certes pas le rôle de certaines pathologies et caractères héréditaires pouvant affecter les délinquants, mais ils mettent surtout l’accent sur les caractères sociaux. Ainsi sont cités la force ou le relâchement des liens établis entre les divers individus du groupe, l’influence de la famille, de l’école, de la religion, du sexe, de l’âge, des habitudes acquises, du lieu de résidence, du niveau de vie, de la qualification professionnelle, du chômage, de la culture dispensée par la classe sociale et parfois l’ethnie… Le rôle du hasard, des circonstances fortuites, de la tentation inopinée peut aussi expliquer le délit, ce qui illustre en somme le proverbe « L’occasion fait le larron », adaptation du vieil adage latin Occasio fiat furem.

Les délits collectifs résultent particulièrement d’un effet d’entraînement, d’imitation, de propagande venant du groupe, de la bande, du parti politique, du guide moral, voire de l’Etat. Les conjonctures de crise, guerre, invasion, occupation de territoires, dépression économique sévère peuvent contribuer au passage à l’acte délictueux en raison du bouleversement de toutes les structures politiques, économiques et sociales. Ainsi, pendant la Première Guerre mondiale, la délinquance juvénile prit des proportions considérables car les pères mobilisés étaient absents, de même que les policiers et les enseignants, les mères travaillaient souvent, l’éclairage public était très fortement réduit, l’obligation scolaire n’était plus strictement observée[5].

Ainsi, selon les analyses contemporaines, l’acte délictueux résulte surtout de facteurs sociaux, au sens le plus large, facteurs qui peuvent s’additionner selon les circonstances et le parcours de chacun.

II. Types et formes de délinquance et de crime

« Ainsi que la vertu, le crime a des degrés ». Cet alexandrin de Jean Racine dans Phèdre souligne la nécessité d’établir une typologie des délits. De multiples grilles d’analyse sont possibles. Ainsi, selon la gravité des actes, on peut distinguer la petite, la moyenne et la grande délinquance. En fonction des victimes on individualise les délits commis contre les personnes, contre les biens, contre la chose publique. Classique apparaît la différenciation entre la délinquance de droit commun qui porte atteinte aux intérêts particuliers et la délinquance politique dirigée contre les intérêts publics. En fait, il s’avère délicat de proposer une typologie totalement satisfaisante car de nombreux délits se recoupent et les qualifications sont multiformes.

La criminalité politique menace les institutions publiques et la sûreté de l’Etat. Elle recouvre de nombreux délits : fraude électorale, trahison, espionnage, sabotage d’installations stratégiques, insurrection, coup d’Etat appelé putsch ou pronunciamiento quand il est fomenté par des militaires. L’assassinat politique, qualifié de régicide quand la victime est un monarque, a causé de nombreuses victimes illustres de Jules César jusqu’au président Habyarimana du Rwanda, en passant par Henri IV, roi de France, le tsar Alexandre II, le révolutionnaire Léon Trotski, Lincoln et Kennedy, présidents des Etats-Unis, Patrice Lumumba, Premier ministre du Congo…[6]

Les crimes de guerre qualifient les violations du droit de la guerre : assassinats ou mauvais traitements infligés aux prisonniers de guerre et aux populations civiles, déportations et exécutions d’otages, pillages et destruction de villes ou de villages, destruction planifiée de sites et de monuments historiques… La notion de crime de guerre s’est formée progressivement pendant la Première Guerre mondiale, mais la sanction ne connut pas alors d’application internationale. Celle-ci naquit en 1945 avec le Tribunal militaire de Nuremberg qui jugea les criminels allemands et le Tribunal de Tokyo qui jugea les Japonais.

Les crimes liés à l’impérialisme et à l’expansion coloniale découlent de la volonté de domination de certains Etats sur d’autres. Les peuples d’Amérique, d’Afrique et d’Asie ont été plus ou moins décimés par les guerres de conquête. Les peuples opprimés ont été souvent poussés à la révolte et à la violence. L’impérialisme, adossé à des idéologies – capitalisme ou communisme – a fait naître de nombreux foyers de guerre dans le monde, comme en Angola ou au Mozambique.

Les crimes contre l’humanité sont des crimes de guerre qui atteignent une gravité exceptionnelle : persécutions systématiques pour des raisons politiques, raciales, religieuses, violences de toute nature et extermination méthodique et planifiée. Quand le crime vise à détruire un groupe national, ethnique ou religieux, à l’humilier gravement, à le priver de ses enfants ou à empêcher les naissances, le délit est qualifié de génocide.

Les crimes contre la paix, appelés crimes d’agression depuis 2010, sont commis par des individus ou des Etats qui préparent et déclenchent une agression armée contre la souveraineté, l’intégrité territoriale, l’indépendance d’un Etat. Ces actes doivent constituer des violations manifestes de la Charte des Nations Unies.

La criminalité organisée dans le domaine des délits de droit commun est le fait de groupes structurés qui commettent des infractions graves. Ces groupes portent souvent des noms : Mafia en Italie, Cartel au Mexique et en Colombie, Triades en Chine, Yakuzas au Japon… Leurs activités illégales portent sur le trafic de stupéfiants, d’armes, de fausse monnaie, d’êtres humains. Les objectifs visés sont le contrôle de vastes territoires et la conquête du monopole dans le domaine d’exercice. Les méthodes impliquent la violence et l’obtention de complicités dans l’appareil administratif et politique. Les gains se révélant importants, les groupes recherchent des paradis fiscaux et des facilités pour le blanchiment d’argent.

La criminalité financière, parfois appelée criminalité en col blanc, repose sur l’escroquerie, souvent à l’échelle internationale, et prend de nombreuses formes : fraude fiscale, faillite frauduleuse, délit d’initié, abus de biens sociaux, détournements de fonds, blanchiment d’argent. Les délits de grande ampleur peuvent entraîner des crises à l’échelle internationale[7].

Les vols et cambriolages consistent à s’approprier des biens appartenant à autrui. Le recours à la violence, l’utilisation d’une arme, l’effraction impliquent la qualification de vol aggravé. On distingue de nombreuses catégories de vols : à la tire consistant à puiser dans les poches ou le sac de la victime, à l’esbroufe à la faveur d’une mise en scène comme une bousculade provoquée, à la roulotte dans les véhicules garés, au rat dans les chambres d’hôtel, au narcotique grâce à l’endormissement provoqué de la future victime, à l’étalage dans les magasins, à l’entôlage commis par les prostituées au détriment des clients inattentifs ou endormis, à l’américaine reposant sur la vente, à un prix élevé, d’objets dépourvus de valeur… Il existe une délinquance spécifique au milieu rural : vols de récoltes et de bétail, braconnage.

La délinquance juvénile désigne le comportement illégal des enfants ou des adolescents. Dans la plupart des pays, ce type de délinquance est soumis à des procédures judiciaires particulières. Les jeunes délinquants se livrent le plus souvent aux vols, au trafic de stupéfiants, au vandalisme comme les incendies de poubelles ou d’automobiles. A l’époque contemporaine, les jeunes participent de plus en plus aux violences urbaines qui éclatent surtout dans les banlieues. Se sentant défavorisés, victimes de violences policières ou de racisme, ils se laissent emporter par des explosions collectives de colère au cours desquelles ils s’en prennent aux bâtiments publics, au mobilier et aux transports urbains, à la police et aux pompiers[8].

La délinquance sexuelle désigne les comportements s’écartant de la norme : exhibitionnisme, viol, abus exercés sur des enfants et des personnes non consentantes, homosexualité dans les pays où ce type de relation est pénalisé. La prostitution est généralement rangée dans cette catégorie.

Les délits environnementaux sont de plus en plus réprimés. Ils comprennent les activités de pêche illégale, le trafic d’espèces animales et végétales protégées, les exportations illégales de bois exotiques, l’orpaillage clandestin, le lotissement non autorisé sur des terrains non constructibles, les détournements d’eau… La lutte contre ces délits prend de plus en plus une dimension internationale sous l’impulsion d’Interpol et de diverses ONG. En septembre 2018, fut réunie à Lyon une Conférence mondiale sur la criminalité forestière.

La cybercriminalité constitue une nouvelle forme de délinquance qui, située dans un espace virtuel, s’appuie sur des moyens informatiques. Fréquents deviennent les détournements de données, les escroqueries et chantages en ligne, les prises de contrôle des cartes bancaires, la pédopornographie, les incitations au terrorisme et à la haine raciale. En 2001 a été réunie une Convention internationale sur la cybercriminalité à Budapest[9].

Les crimes rituels sont généralement commis dans les sociétés traditionnelles ou en milieu rural. Dans quelques sociétés africaines précoloniales certains enfants étaient considérés comme des « porte malheur » et étaient assassinés. De tels rituels sont aussi pratiqués par des sociétés secrètes qui espèrent accroître ainsi leur puissance, ou par des gens en quête de pouvoir mystique et de richesse. On peut citer le cas particulier du crime d’honneur qui consiste à enlever la vie à une personne accusée d’avoir déshonoré une famille, par exemple en séduisant une jeune fille.

Les spécialistes distinguent toute une série d’infractions qui font l’objet de qualifications particulières. Les délits complexes résultent de la combinaison de plusieurs actes illégaux de nature différente commis simultanément ou de manière échelonnée dans le temps. Les délits connexes se rattachent les uns aux autres comme le vol suivi de recel. Le délit continu désigne une infraction commise en connaissance de cause et prolongée volontairement. Le délit d’imprudence résulte d’une négligence qui n’est pas forcément délibérée. Le délit d’omission ou d’inaction est imputable à un individu qui s’abstient de dénoncer un acte illégal ou de secourir une personne en danger.

III. Les types de délinquants et de criminels

Les études relatives au sexe des délinquants soulèvent plus de questions qu’elles n’apportent de réponses. La seule certitude est que les femmes commettent beaucoup moins de délits que les hommes, même si une augmentation apparaît aujourd’hui dans certains pays.

Les explications qui ont été proposées sont pour la plupart relativisées ou annulées par d’autres analyses. Au XIX° siècle, les femmes, vues surtout dans leur dimension conjugale et maternelle, étaient jugées moins susceptibles que les hommes de commettre des délits car elles étaient surtout absorbées par les tâches familiales et, soumise à un contrôle souvent rigoureux, elles disposaient d’une faible liberté et étaient peu exposées aux tentations. Aussi l’infraction féminine était-elle alors considérée comme le résultat d’une maladie ou, en tout cas, d’une anormalité. En revanche, les hommes étaient censés avoir trouvé dans la délinquance un moyen d’exprimer leur virilité inculquée par l’éducation. D’autres travaux ont essayé d’expliquer les différences de comportement entre les sexes par des facteurs biologiques, notamment le taux de testostérone particulièrement élevé chez les hommes et réputé engendrer de l’agressivité. Les déterminations psychologiques parfois invoquées ont été jugées peu convaincantes. La relative hausse de la délinquance enregistrée chez les femmes a été mise sur le compte de l’émancipation féminine qui conduirait les femmes à adopter des comportements masculins. En tout état de cause, toutes ces théories ont été combattues à coup de statistiques et de contre-expertises[10].

L’étude de la criminalité rapportée à l’âge des délinquants soulève aussi beaucoup d’interrogations. D’une manière générale, il semble que le pic de la déviance se situe entre 20 et 30 ans, puis décroit avec l’âge. L’entrée dans la vie active, le mariage, l’arrivée d’enfants, l’accroissement des responsabilités semblent expliquer la décrue. Certaines études paraissent montrer que beaucoup d’adultes délinquants ont commis leurs premiers méfaits avant 18 ans. Mais, dans le domaine de l’âge, il faut également observer une grande prudence et se garder des déterminismes rigoureux.

Un grand nombre d’études établissent une corrélation entre le niveau de vie et la criminalité : la pauvreté, le chômage, la résidence dans des quartiers défavorisés, la dureté des contrôles policiers expliqueraient l’entrée en délinquance. Certains travaux peuvent venir à l’appui de cette démonstration : dans une thèse récente consacrée à l’application de la peine de mort en France, jusqu’à son abolition en 1981, il apparaît que la majorité des personnes décapitées étaient des hommes jeunes, pauvres et marginaux[11]. Les chercheurs ont souvent relevé que les prostituées sont presque toutes issues des couches défavorisées de la société. Le débat s’est trouvé instrumentalisé par les milieux politiques : l’idée d’un lien automatique entre pauvreté et délinquance a séduit les militants de gauche. Les sociologues américains Richard Cloward et Lloyd Ohlin ont soutenu dans les années 1970 que la délinquance juvénile représentait une forme de critique sociale : les jeunes, privés de perspectives d’ascension, se jetteraient dans la criminalité comme pour formuler une réponse en forme de violence. Mais les conservateurs ont objecté que l’idée du passage de la pauvreté à la délinquance constituait une thèse démagogique et une offense pour les personnes à faible revenu qui observent les normes. Heather Mac Donald a répondu aux sociologues américains que la récession enregistrée aux Etats-Unis en 2008-2009 aurait dû, selon leur théorie, multiplier le nombre des criminels ; or les effectifs de ceux-ci ont reculé[12]. On peut remarquer que la corrélation entre deux phénomènes, pauvreté et déviance, ne signifie pas détermination obligatoire. La discussion reste donc ouverte[13].

IV. Les réactions de la société face à la délinquance et au crime

Les réactions de la société à l’égard de la délinquance doivent s’appuyer sur des statistiques fiables. Or, en ce domaine, subsistent des incertitudes. Les délits ne sont pas tous détectés et ne font pas l’objet de plaintes systématiques. Les gouvernements, obéissant à des motivations en relation avec les réactions de l’opinion publique, modifient parfois les chiffres, les seuils, les qualifications, les modes d’enregistrement des plaintes, la politique pénale, pour paraître fermes face à l’insécurité.

L’exemple de la délinquance des étrangers en France, considérée sous l’angle statistique, fera comprendre les ambiguïtés qui règnent en la matière. Globalement, les chiffres sont incontestables : les étrangers commettent plus de délits que les Français et donnent des taux d’incarcération supérieurs. Or l’interprétation des données chiffrées conduit à nuancer les comparaisons. Dans les enquêtes sont comptabilisées les infractions relatives à la légalité et à la régularité du séjour : les Français, citoyens dans leur propre pays, ne peuvent commettre ce genre de délit ; aussi la balance criminelle penche-t-elle inévitablement du côté des étrangers. De plus, ces derniers sont majoritairement des hommes, jeunes, pauvres, moins éduqués, plus souvent contrôlés car repérables par leur physique, plus souvent incarcérés et plus lourdement condamnés car ils se défendent maladroitement. Finalement, à catégorie socio-culturelle égale, la délinquance étrangère équivaut schématiquement à celle des Français[14].

Les collectivités nationales et locales essaient généralement de mettre en place des actions de prévention. Celles-ci comprennent toute une série d’orientations : mesures éducatives en direction des jeunes et même des adultes, formation professionnelle, stages de civisme, collaboration avec les associations qui proposent une aide aux devoirs, des loisirs encadrés, des activités sportives, politique de la ville, rénovation, amélioration des équipements collectifs, intégration des immigrés, présence de forces de police dans les quartiers pour dissiper le sentiment d’insécurité, dans les pays pauvres mises en garde adressées aux jeunes filles susceptibles d’être recrutées par les réseaux de prostitution… Toutes ces actions sont accompagnées, selon le cas, par des enseignants, des médecins, des psychologues, des travailleurs sociaux, des élus locaux, des policiers. La prévention recouvre aussi la protection des particuliers au moyen de patrouilles, de gardes assermentés, de systèmes de vidéo-surveillance, de pose de fermetures solides sur les logements, parfois des cours d’auto-défense[15].

La répression est codifiée par des lois qui fixent la norme juridique. Ces règles s’inspirent, selon les pays, de la tradition, y compris la religion, de la constitution, de certains traités internationaux[16]. La loi est toujours contraignante : Dura lex sed lex, disaient les Romains (La loi est dure mais c’est la loi). Montaigne exprime la même idée dans ses Essais : « Les lois se maintiennent en crédit non parce qu’elles sont justes, mais parce qu’elles sont lois ». En fait, les lois apparaissent relatives et contingentes dans le temps et dans l’espace. Ces ambiguïtés viennent d’abord des définitions différentes qui sont données à propos des lois naturelles, souvent censées inspirer les lois humaines. Pour certains théologiens, les lois naturelles se confondent avec la conscience morale. Pour Voltaire, c’est « l’instinct qui nous fait sentir la justice ». Hobbes assimile les lois de la nature à la raison et, dans son Léviathan, résume sa pensée en ces termes : « Ne fais pas autrui ce que tu penses déraisonnable qu’autrui te fasse ». La répression varie selon les époques et les pays, cela en fonction de l’évolution des mœurs et des majorités politiques au pouvoir. Ainsi, en France, l’avortement, longtemps considéré comme un délit et même passible de la peine de mort sous le régime de Vichy, a été légalisé par la loi Veil du 17 janvier 1975. Dans les théocraties et les régimes appuyés sur une religion d’Etat, toutes les atteintes infligées à cette dernière, critiques, blasphème, sacrilège, voire conversion à une autre religion, sont réprimées par la loi. En revanche, dans les Etats laïcs, les critiques et le blasphème sont admis, seules sont punies les attaques et les insultes dirigées contre les personnes fidèles d’une religion.

La recherche des coupables est confiée à la police, présente dans les Etats organisés dès l’Antiquité. Les noms attribués aux représentants de l’ordre apparaissent très différents : shérifs, marshals, constables, commissaires, inspecteurs, agents de police, détectives. L’organisation se révèle aussi très variable : polices nationales et polices municipales, police fédérale et police provinciale dans les fédérations, police civile et police militaire en uniforme comme les gendarmes, police aux frontière épaulée par les douaniers, police maritime, police de la route, police scientifique… Les Etats autoritaires se dotent généralement de polices politiques très redoutées comme la Guépéou et le KGB en URSS, la Stasi en Allemagne de l’Est, la PIDE dans le Portugal de Salazar, la Gestapo dans l’Allemagne nazie et l’OVRA (Organisation de vigilance et de répression de l’antifascisme) dans l’Italie fasciste, les Escadrons de la mort dans certains pays d’Amérique latine… Interpol est une organisation internationale de police criminelle, créée en 1923, chargée de combattre la délinquance à l’échelle internationale. Elle groupe 194 pays et est implantée à Lyon.

La justice a pour fonction de juger selon les règles du droit. Elle est présente dans toutes les sociétés organisées car, selon l’adage latin, Ubi societa ibi jus (Là où il y a société, il y a du droit). Les lois s’inspirent de diverses sources. On distingue les pays de droit coutumier, dont les meilleurs exemples sont la Mongolie et le Sri Lanka, mais le droit coutumier s’efface de plus en plus devant le droit légal. Les pays de droit coranique appliquent les règles de l’islam ; certains de ces pays associent aux prescriptions d’origine religieuse des principes issus du droit des pays occidentaux ex-colonisateurs, ce qui aboutit à des systèmes mixtes. Les pays dits de droit civil d’origine romaine appliquent des codes définis par le législateur. Les pays anglo-saxons soumis à la Common law s’inspirent principalement de la jurisprudence, c’est-à-dire des décisions prises par les tribunaux dans le passé[17]. L’organisation des tribunaux varie selon les pays. On distingue entre autres des magistrats chargés de l’instruction des procès, des enfants, des affaires familiales, de l’application des peines, des contentieux économiques, des procès portés en appel, les procureurs représentant le ministère public… Dans les pays de Common law, le mot procureur désigne plutôt un avocat. Selon les pays, les magistrats sont nommés, élus, tirés au sort. Le plus souvent les accusés peuvent être assistés par des avocats[18]. La Cour pénale internationale, installée à La Haye, juge les personnes accusées de génocide, de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, de crimes d’agression. Elle regroupe 123 Etats[19].

Dans les époques anciennes, les interrogatoires de suspects et les verdicts pouvaient prendre des formes très violentes comme la torture et la peine de mort. Le juriste italien Cesare Beccaria publia en 1764 un ouvrage, Des délits et des peines, qui connut un retentissement international considérable et posa les fondements des législations modernes : proportionnalité des délits et des peines, principe de légalité (« Pas de punition sans loi »), non rétroactivité des lois pénales plus récentes, sanctions frappant seulement des actions nuisibles à la société, présomption d’innocence, condamnation de la torture et de la peine de mort qualifiée par Beccaria d’ « assassinat public » n’ayant aucun effet dissuasif : « L’expérience de tous les siècles prouve que la crainte du dernier supplice n’a jamais arrêté les scélérats déterminés à porter le trouble dans la société ». Le philosophe Denis Diderot plaida pour l’équilibre des peines : « La justice est entre l’excès de clémence et la cruauté ». La Bruyère recommanda la promptitude du châtiment : « Faire attendre (la justice), c’est injustice ».

A l’époque contemporaine, les législations prévoient des sanctions proportionnées à la nature du délit : en France, un crime est passible d’une peine de prison supérieure à dix ans, un délit moins de dix ans, les infractions légères impliquent généralement le paiement d’amendes. Des peines complémentaires, confiscations, retrait du permis de conduire, peuvent être prononcées. La loi comprend des procédures de grâce et d’amnistie. Les Etats ont généralement renoncé à certaines punitions très sévères comme les bagnes, établissements pénitentiaires de travaux forcés organisés sur les galères, dans les arsenaux et les possessions coloniales. Des bagnes pour enfants ou colonies agricoles existaient dans certains pays. Ces structures où les conditions de vie étaient extrêmement dures ne jouaient aucun rôle éducatif et même renforçaient souvent la dangerosité des personnes incarcérées, comme le remarqua Dostoïevski enfermé durant quatre ans dans un bagne de Sibérie : « Le bagne, les travaux les plus pénibles ne développent dans le criminel que la haine, que la soif des plaisirs défendus, qu’une insouciance effroyable » (Souvenirs de la maison des morts, 1862). La France abolit les bagnes coloniaux en 1938 et les autres en 1945[20].

Les prisons doivent remplir des missions très diverses, selon les pays et les époques considérées : mettre la société à l’abri des individus dangereux, punir ceux-ci, les inciter à ne pas récidiver, les inviter à préparer leur réinsertion après l’accomplissement de leur peine, parfois mettre un terme à l’activité des opposants politiques. Il s’en faut de beaucoup pour que tous ces objectifs soient atteints. Les hommes, les femmes et les jeunes sont certes séparés, mais, selon les cas, beaucoup d’observations négatives peuvent être exprimées sur l’état des centres de détention, l’entassement des prisonniers, les déficiences de l’hygiène et des mesures sanitaires, l’inefficacité des structures éducatives, les carences dans la formation du personnel pénitentiaire et le respect des droits de l’homme[21].

Les délinquants et les policiers qui les traquent ont inspiré les artistes. En peinture, Le Caravage a souvent montré des « mauvais garçons » comme dans Les Tricheurs (1594) ; il en va de même pour Georges de La Tour avec Le Tricheur à l’as de carreau (1636-1638). La représentation des prostituées a été faite par de nombreux peintres comme Holbein (Laïs de Corinthe, 1526), Vermeer (L’Entremetteuse, 1656), Manet (Olympia, 1863), Picasso qui a peut-être laissé le tableau le plus célèbre sur ce sujet avec Les Demoiselles d’Avignon (1907). Rembrandt, pour sa part, a brossé le portrait des membres d’une milice bourgeoise dans La Ronde de nuit (1642).

La musique n’est pas en reste. Les prostituées sont les héroïnes de grands opéras comme La Traviata de Verdi (1853) et Manon de Massenet (1884). Avec La Tosca (1900) Puccini présente au spectateur la police politique à Rome au XIX° siècle et l’assassinat du chef de ce corps. Jacques Offenbach, sur le mode comique, compose l’opéra bouffe Les Brigands (1864).

La littérature a abondamment traité le thème de la délinquance avec des œuvres aussi diverses que le conte oriental Ali Baba et les quarante voleurs ou la figure des bandits catalans qui inspirèrent les auteurs espagnols du Siècle d’or, Le Crime de la rue Morgue d’Edgar Poe (1841), Les Misérables de Victor Hugo (1862), Crime et châtiment de Dostoïevski (1866). De nombreux personnages de malfaiteurs ont été popularisés par le roman comme Rocambole de Ponson du Terrail, Arsène Lupin, le « gentleman cambrioleur » de Maurice Leblanc, Fantômas créé par Pierre Souvestre et Marcel Allain en 1910 et repris par de nombreux films dès 1913, le Fantôme de l’opéra imaginé par Gaston Leroux en 1910 et réincarné en ballets, comédies musicales, séries télévisées, films, bandes dessinées. Les écrivains ont également brossé le portrait de policiers célèbres. Arthur Conan Doyle a créé le personnage de Sherlock Holmes, le premier détective recourant aux méthodes scientifiques. Georges Simenon est le père du commissaire Maigret, spécialiste de l’enquête psychologique. Rouletabille, dû à la plume de Maurice Leblanc, est un journaliste qui résout les énigmes les plus complexes comme Le Mystère de la chambre jeune (1908) et Le parfum de la dame en noir (1908). Frédéric Dard plonge son commissaire San Antonio dans des aventures aussi truculentes qu’imaginatives. Agatha Christie, l’un des auteurs anglais les plus traduits dans le monde, demande à ses héros, miss Marple et le brillant enquêteur belge Hercule Poirot, de percer les mystères criminels les plus épais ; nombre de ses livres, comme Le crime de l’Orient Express (1934) et Mort sur le Nil (1937) ont été adaptés au cinéma. Il en va de même pour les grands auteurs de polars américains, Raymond Chandler, Dashiell Hammett, Patricia Highsmith[22]. Dans la bande dessinée peuvent être cités, parmi beaucoup d’autres, les frères Dalton, célèbres bandits maladroits, mis en scène par Morris et Goscinny.

Au cinéma, nombreux sont les films dits « noirs » qui évoquent le crime comme M le Maudit de Fritz Lang (1931), Scarface de Howard Hawks (1932), inspiré par Al Capone, Le crime de M. Lange de Marcel Carné (1936), Quai des Orfèvres (1947) et Les diaboliques (1954) d’Henri-Georges Clouzot, Le cercle rouge de Jean-Pierre Melville (1970), Grâce à Dieu de François Ozon (2019) sur le scandale des abus sexuels dans l’Eglise. Les œuvres de fiction offrent une représentation de la réalité évoquant les inégalités sociales, la corruption, les déviations, le goût du lucre, les abymes d’une psychologie complexe.

Le thème sur « Délinquances, Crimes et Répression dans L’Histoire » pourrait être abordé selon les axes suivants :
  • Les origines de la délinquance et des crimes
  • L’inné et l’acquis
  • Facteurs individuels, héréditaires, pathologiques
  • Facteurs sociaux, carences familiales et scolaires, données culturelles, habitudes, phénomène de bande, sexe, âge
  • Facteurs économiques, niveau de vie, qualification professionnelle, chômage
  • Conjonctures de crise, guerres, invasions, occupations, dépressions économiques
  • Impérialisme et colonisation
  • Types et formes de délinquance et de crime
  • Typologie selon la nature des victimes et des délits, selon les époques et les pays
  • Criminalité et épidémies
  • Criminalité politique, fraudes électorales, menées étrangères, insurrections, coups d’Etat, attentats, terrorisme, assassinats politiques
  • Criminalité et relations internationales, crimes de guerre, crimes au nom de la raison d’Etat
  • Crimes contre l’humanité et génocides
  • Crimes contre la paix ou crimes d’agression
  • Criminalité organisée, mafias, cartels, triades, yakuzas…
  • Criminalité financière, escroqueries, fraudes fiscales, faillites frauduleuses, délits d’initié, blanchiment d’argent
  • Vols et cambriolages, vols simples et vols aggravés, brigandage
  • Délinquance rurale, vols de bétail et de récoltes, braconnage
  • Délinquance juvénile, violences urbaines
  • Délinquance sexuelle : prostitution, viol, attouchements, pédophilie, harcèlement
  • Délinquance environnementale
  • Crimes rituels et crimes d’honneur
  • Cybercriminalité
  • Délits complexes, connexes, continus, d’imprudence, d’omission
  • Affaires criminelles significatives
  • Les types de délinquants et de criminels
  • Hommes et femmes
  • Théories biologiques et psychologiques
  • Age des délinquants
  • Explications sociales, délinquance et conditions de vie
  • Etrangers, immigrés, personnes déplacées
  • Instrumentalisation politique de la délinquance et du crime
  • Les Etats, « Etats voyous »
  • Les réactions de la société face à la délinquance et au crime
  • Statistiques, fiabilité et incertitudes, interprétations
  • Prévention, enseignement, éducation, stages, loisirs encadrés, politique de la ville, intégration des immigrés, renforcement de la protection des particuliers
  • Répression légale
  • Relativité et contingence de la loi
  • Forces de police, organisation, compétences, police judiciaire, police politique, police internationale
  • Justice, organisation, fonctionnement, typologie des tribunaux, tribunaux internationaux
  • Droit coutumier, droit coranique, droit civil, common law, jurisprudence nationale et internationale
  • Philosophie des lois, peines prononcées, torture, peine de mort, bagnes, bracelet électronique
  • Regards de la société sur la délinquance, la gravité des délits, le comportement des jeunes, les actions de la police
  • Lutte des citoyens contre la délinquance, auto-justice, dispositif « voisins vigilants » en France, milices privées, gardes du corps, caméras
  • Prisons, conditions de détention, vie quotidienne, personnel pénitentiaire
  • Réinsertion après l’accomplissement des peines, modalités, réussites et échecs
  • Le thème de la délinquance dans les arts, peinture, musique, littérature, cinéma, théâtre, bande dessinée. 


Modalités de soumission
Proposition individuelle : un sujet nouveau qui n’a pas été déjà publié ou présenté dans un colloque scientifique.
Remplir la fiche d’inscription avec précision.
Les propositions de communication pourront être soumises en Arabe, en Anglais, en Français, en Espagnol, et en Turc
Résumé détaillé: une page au minimum (Police : Times New Roman 12 / Interligne : simple, Alignement : justifié, Marges : 2,5 cm)
Un C.V. scientifique de l’auteur mis à jour
Pour les résumés en Français, en Espagnol, et en Turc, une traduction détaillée (intégrale) en Anglais est obligatoire (une page au minimum).
Pour les résumés en Arabe, une traduction détaillée en Anglais ou en Français est indispensable (une page au minimum).


Dates importantes

10 Juillet 2020 : Date limite pour la soumission des propositions à l’adresse : tunisian.mediterranean.associ@gmail.com

20 juillet 2020 : Notification des décisions du Comité scientifique aux auteurs + information sur les frais d’inscription au colloque.

25 novembre 2020 : Date limite pour l’envoi du Texte Final (Texte : Times New Roman 12 / interligne : simple / alignement : justifié / Références : Garamond 11 / Marge : Haut + Bas: 4,5 cm, Droite + Gauche: 4 cm.)

Treizième Colloque international : 17, 18, et 19 décembre 2020. Béja, TUNISIE.

Une publication est envisagée à l’issue du colloque après l’évaluation des articles par le comité scientifique, soit dans un numéro spécial de la revue : Tunisian-Mediterranean Review of Social and Economic Studies (Revue multidisciplinaire indexée / ISSN: 2233-2502) ou ailleurs (Série : Savoir sans Frontières).

(NB: si l'épidémie de "Coronavirus" (COVID-19) persiste avec toutes ses répercussions, le treizième congrès international sera reporté au début d'avril 2021)


Comité scientifique
Ibrahim Muhammed Saadaoui (University of Tunisia / T.M.A. for HSES),
Abdennaser Ali Al-Fakki (International University of Africa. Sudan),
Abdul Hakim At-Tahawy (Zagazig University. Egypt),
Adel Ben Youssef (University of Sousse. Tunisia),
Adel Zyada (Cairo University, Egypt),
Aislu B. Yunusova (Ufa Science Center. Russia),
Ammar Fadhel Hamza (University of Basrah, Iraq),
Anne-Claire de Gayffier-Bonneville (Inalco- Sorbonne University Paris. France),
Antonio Garrido Almonacid (University of Jaén. Spain),
Anzhelika Pobedonostseva Kaya (St. Petersburg State University),
Behçet Kemal Yeşilbursa (Bursa Uludag University. Türkiye),
Belgacem Tababi (University of Manouba. Tunisia),
Boutheina Telmini (University of Tunis. Tunisia),
Camara Moritié (University of Bouake, Ivory Coast),
Danièle Voldman (CNRS. France),
Darlene Miller (Wits School of Governance Johannesburg. South Africa),
Debarati Sarkar (CLRA, Delhi, India),
Eric R. Dursteler (Brigham Young University. USA),
Esambu Matenda-A-Baluba Jean-Bosco Germain (University of Lubumbashi. R.D. Congo),
Fatima Azzahra Guechi (University of Constantine. Algeriaà,
Habib Belaid (University of Manouba. Tunisia),
Hana Younes (University of Sarajevo. Bosnia and Herzegovina),
Hassan Amili (University of Hassan II. Mohammedia. Morocco),
Hussein Ammari (University of Beni Mellel, Morocco),
Idrissa BA (Cheikh Anta Diop University of Dakar, Senegal),
Idrissa Soïba Traore (University of Bamako, Tchad),
Ilaboti Dipo (University of Lomé. Togo),
John Chircop (University of Malta),
Jomaa Ben Zarwal (University of Batna. Algeria),
Kamaran M.K. Mondal (University of Burdwan, West Bengal, India),
Kemal Çiçek (Yeni Türkiye Stratejik Araştırma Merkezi. Ankara, Turkey),
Khaled Nouicer (University of Manouba. Tunisia),
Khalifa Hammache (University of Constantine. Algeria),
Kimba Kapanda Vincent (University of Lubumbashi. DRC),
Koffi Ignace (Felix Houphouet Boigny University, Abidjan. Ivory Coast),
Kouadio Kouassi Kan Adolphe (Alassane University Ouattara, Bouaké. Ivory Coast),
Landitiana Soamarina Miakatra (University of Madagascar),
Laurence Marfaing (University of Hamburg. Germany),
Laurence Michalak (University of California, Berkeley. USA),
Lazar Marius (Université Babes-Bolyai, Cluj-Napoca, Roumanie),
Lisbeth Haas (University of California, Santa Cruz. USA),
Mabrouk Chihi (University of Jendouba. Tunisia),
Manel Muhammed Salih (University of Moussul. Iraq),
Marie-Christine Allart (University of Lille3, France),
Marina Bertoncin (University of Padova. Italy),
Martina Hacke (University of Düsseldorf. Germany),
Masoumeh Daei (Tabriz Payame Noor University of Tabriz. Iran),
Matthew WALKER (Northern Virginia Community College. USA.),
Mayéda Ningui Wénssowa (University of Lomé. Togo),
Mbida Onambele Max Zachée Saintclair (University of Buea. Cameroon),
Meignan Gouedan Richard (Felix Houphouet Boigny University, Abidjan. Ivory Coast),
Messina Mvogo Ernest (University of Douala. Cameroon),
Minoti Chakravarty-Kaul (New Delhi University. India),
Mohammed Arnaout (Al- al Bayit University, Jordan),
Mohammed Chadly (University of Algiers, Algeria),
Mohammed Ratoul (University of Hassiba ben Bouali, Chlef. Algeria),
Mouna Ben Aissa (University of Gabes. Tunisia),
Munoz Grégory (University of Nantes. France),
Mustafa Ozturk (Fırat Üniversitesi. Elazığ. Türkiye),
Nawal Moutazakki (University of Hassan II. Casablanca. Morocco),
Nelly Hanna (American university in Cairo. Egypt),
Paola Avallone (Italian National Council of Research. Napoli. Italy),
Pierre-Éric Fageol (University of Reunion),
Prisca Justine EHUI (ISAD. Abidjan. Ivory Coast),
Rafael Valenci (University of Seville. Spain),
Raffaella Salvemini (Italian National Council of Research. Napoli. Italy),
Ralph Schor (University of Nice-Sophia Antipolis. France),
Saida Chaouch (Kasdi Merbah University, Ouargla. Algeria),
Salah Haridy (University of Damanhour. Egypt),
Sami Abdelmalik al-Bayyadhi (Cairo University, Egypt),
Sami Madhi (Mustansiriya University, Baghdad. Iraq),
Sami Muhammed Saïd Al Astal (Al-Aqsa University, Gaza. Palestine),
Sergio Luiz Cruz Aguilar (Sao Paulo State University. Brazil),
Songül Karahasanoğlu (Istanbul Technical University. Türkiye),
Talal Hmud al-Mikhlafi (University of Taiz. Yemen),
Talin Lindsey Hajinian (Bowman School, California. USA),
Tanoh Raphael Bekoin (University of Bouake, Ivory Coast),
Tej Ghomri (Bashar University. Algeria),
Yves Guillermou (Toulouse University 3. France).


Notes

[1]. Ibn-Mandhur, Kitab Lisàn al-arb, tome 12 p. 90.

[2]. Ibid., tome 9 p. 41.

[3]. CUIN Charles-Henry, Durkheim. Modernité d’un classique, Hermann, Paris, 2011. LUKES Steven, Emil Durkheim. His life and work, Penguin Books, London, 1973.

[4]. METZLER Arthur, Rousseau. La bonté naturelle de l’homme, Belin, Paris 1998. Starobinski Jean, Jean-Jacques Rousseau. Discours sur l’inégalité parmi les hommes, Gallimard, Paris, 2014.

[5]. SCHOR Ralph, La Délinquance de droit commun en France pendant la Première Guerre mondiale, à paraître.

[6]. GUIDERE Mathieu, Les nouveaux terroristes, Autrement, Paris, 2010. FERRAGU Gilles, Histoire du terrorisme, Perrin, Paris, 2014.

[7]. THIOLLET Jean-Pierre, Beau linge et argent sale, Anagramme Ed., Paris, 2002.

[8]. DE WEIRT Xavier, Violences juvéniles en Europe, PU de Louvain, 2011. MAUGER Gérard, Sociologie de la délinquance juvénile, La Découverte, Paris, 2009. BLATIER Catherine, La Délinquance des mineurs, PU de Grenoble, 2014. BERTHO Alain, Le Temps des émeutes, Bayard, Paris, 2009.

[9]. CHAWKI Mohamed, Combattre la cybercriminalité, Ed. de Saint-Amans, 2009. FREYCINET Eric, La Cybercriminalité en mouvement, Hermès Sciences Publications, 2012.

[10]. SIMON R., Women and Crime, Lexington Books, 1977. DAUPHIN Cécile et FARGE Arlette (dir), De la violence et des femmes, Albin Michel, Paris, 1997.

[11]. PICARD Nicolas, Le Châtiment suprême. L’application de la peine de mort en France (1906-1981), Institut universitaire Varenne, Paris, 2018.

[12]. MAC DONALD Heather, Wall Street Journal, 4 juin 2010.

[13]. MUCCHIELI Laurent, Violence et insécurité, La Découverte, Paris, 2001. MUCCHIELI Laurent, Sociologie de la délinquance, Colin, Paris, 2014.

[14]. SCHOR Ralph, Histoire de l’immigration en France, Colin, Paris, 1996. MUCCHIELI Laurent « Délinquance et immigration. Le sociologue face au sens commun », Hommes et Migrations, n° 1241, 2003.

[15]. CUSSON Maurice, Prévenir la délinquance, PUF, Paris, 2009.

[16]. FERREIRA Oscar, Histoire contemporaine des sources du droit, Ellipses, Paris, 2019.

[17]. ANDRIEUX Jean-Paul, Histoire de la jurisprudence, Vuibert, Paris, 2012.

[18]. ANDRIEUX Jean-Paul, Introduction historique au droit, Vuibert, Paris, 2007. DAVID René et JAUFFRET-SPINOSI Camille, Les Grands systèmes de droit contemporains, Dalloz, Paris, 2002.

[19]. BOSCO David, Rough justice. The International Criminal Court, Oxford University Press, 2014.

[20]. PIERRE Michel, Le Temps des bagnes, 1748-1953, Tallandier, Paris, 2017. KALIFA Dominique, Biribi. Les bagnes coloniaux de l’armée française, Perrin-Tempus, Paris, 2016.

[21]. CERE Jean-Paul (dir), Les Systèmes pénitentiaires dans le monde, Dalloz, Paris, 2007.

[22]. TOURTEAU Jean-Jacques, D’Arsène Lupin à San Antonio, Mame, Tours, 1970. MESPLEDE Claude, Dictionnaire des littératures policières, J.K. Nantes, 2007. CORCUFF Philippe, Polars, philosophie et critique sociale, Textuel, 2013.

jeudi 28 mai 2020

Pierre Le Damany

Pierre Le Damany, grand médecin breton, Souvenirs d'un étudiant en médecine. Rennes (1887-1891)

Geneviève Héry-Arnaud, Dominique Le Nen

Préface du Professeur Claude Férec


L'Harmattan
Médecine à travers les siècles
Broché - format : 13,5 x 21,5 cm
ISBN : 978-2-343-20264-8 • 20 mai 2020 • 200 pages 
EAN13 : 9782343202648


À la fin du XIXe siècle, Pierre Le Damany, fils de cultivateur à Lannion, part à Rennes faire "sa médecine" ; puis il rejoint Paris, reçu au concours de l'internat. Il revient à Rennes, devient Professeur à l'Hôtel-Dieu, où il fera toute sa carrière, jusqu'en 1940. Il a été l'un des pionniers les plus célèbres du dépistage de la luxation congénitale de hanche, fléau qui a frappé les Bretons, jusqu'à l'écrivain Pierre-Jakez Hélias qui en laissa un témoignage d'enfance édifiant dans son célèbre Cheval d'orgueil.


Geneviève Héry-Arnaud est professeur des universités et praticien hospitalier en bactériologie. Ses travaux portent sur la compréhension du microbiote en médecine, en particulier dans la mucoviscidose, autre maladie bretonne. 
Dominique Le Nen es Professeur des universités et chirurgien des hôpitaux. Cofondateur du SOS Mains de Brest, il s'investit à l'étranger dans la chirurgie humanitaire. Docteur en épistémologie, histoire des sciences et techniques, il est l'auteur de de nombreux articles et de plusieurs ouvrages dans le domaine des sciences et de l'art. 

Perspectives euro-américaines et dialogues transatlantiques en sciences humaines et sociales sur la santé

Santé en débat, soin en question. Perspectives euro-américaines et dialogues transatlantiques en sciences humaines et sociales

Appel à communications


Maison des sciences de l'homme Alpes, campus, Saint-Martin d'Hères 
Grenoble, France (38)

18 et 19 novembre 2020


Second temps de la mise en place d'un groupe de travail international, ce colloque souhaite continuer d'explorer la santé et la notion, tantôt corollaire tantôt contrepoint, de soin, dans les espaces américains. Il s'inscrit dans l'axe santé de la Maison des sciences de l'homme-Paris Nord pour l'année 2020. Ce colloque vise à interroger la notion de santé et ses enjeux sociaux, dans les Amériques et au-delà. Elle souhaite également questionner les processus de circulation, et leurs effets de réception, de l'héritage au contre-sens éventuel, comme dans le cas de la notion de violence obstétricale par exemple. Si les domaines de l'obstétrique, la santé publique et la psychiatrie sont particulièrement attendus, les contributions peuvent aborder divers autres domaines.


Argumentaire

La santé suscite un intérêt croissant dans les sciences sociales américanistes, entendues dans leur acception hémisphérique incluant Amériques du sud, du nord et l’espace caribéen. En Amérique latine, la recherche a bénéficié du renouveau de l’histoire des sciences et de la santé depuis deux décennies, notamment à partir du Brésil où est fondée, en 1994, la revue Manguinhos, História, Ciências, Saúde. Tournée dans un premier temps vers l’histoire sociale de la santé publique et la dimension culturelle de la médecine[1], la production scientifique de la région en histoire de la santé envisage désormais l’aspect politique voire biopolitique de la médecine[2]. Le cas du Pérou offre un exemple de ces renouvellements, quoiqu’encore récents : des initiatives ponctuelles et des questionnements novateurs émergent dès les années 1990. L’une des entrées privilégiées est celle de l’histoire des pathologies et des épidémies au XXe siècle[3]. Si les recherches sont encore à leurs débuts en ce qui concerne les branches de la médecine occidentale en lien avec la santé des femmes (l’obstétrique, la gynécologie et la pédiatrie)[4], les travaux de Marcos Cueto[5] ont constitué la santé en fait social incombant légitimement aussi aux sciences sociales, dans une perspective diachronique, continentale et globale. Ainsi ces travaux peuvent-ils se comparer à ceux de Sylvia Chiffoleau sur les médecins égyptiens ou sur la construction d’une action publique internationalisée en matière de santé[6].

La santé fournit donc aux SHS un objet pluridisciplinaire d’analyse des sociétés contemporaines pertinent — au point qu’elle a donné naissance à un champ d’études propres sur certains campus états-uniens, celui des « humanités médicales » — et suscite une production de sources variées (articles scientifiques, rapports institutionnels, dossiers de patients, registres d’entrée, documents issus de procès, presse, entretiens oraux, littérature médicale), dont la prise en compte a participé du renouvellement de son étude. L’histoire de la médecine s’est désormais élargie à l’histoire de la santé, et entend faire une place plus large aux documents attestant autant des pratiques que des discours, et nourrir un souci plus grand de la perspective du/de la patient.e que celui que lui réservait l’exclusif prisme praticien, caractéristique d’une « historiographie de bronze », selon la formule de Cristina Sacristán à propos de l’histoire de la psychiatrie[7], et marquée par un agenda historiographie exclusivement endogène à la profession.

La définition du terme même de santé s’en trouve élargie au-delà de son strict sens médical : on y entend désormais un ensemble de pratiques sociales qui ne tiennent pas nécessairement pour acquises l’autorité ni l’unicité des instances médicales. C’est le cas de la vaccination dans les espaces dits occidentaux, dont le caractère consensuel s’est trouvé par moments écorné ; de la gestion de la maternité dans certains espaces qualifiés de périphériques, où entrent tantôt en collision tantôt en négociation les savoirs dits modernes et les savoirs dits traditionnels ; ou encore de l’épisiotomie, devenue objet de débat dans ces deux types d’espace.

Les communications admises lors de ce colloque pourront ainsi provenir de disciplines diverses issues des sciences sociales (histoire donc, mais aussi anthropologie, science politique, géographie, droit, sociologie, etc.), celles des praticien·nes de la santé étant également bienvenues. Elles pourront porter sur des espaces variés — Amériques et Europe en premier lieu, sans exclure d’autres communications portant sur d’autres aires géographiques mais incluant une réflexion sur les influences, les circulations, les emprunts à l’échelle globale. Elles pourront s’intégrer dans les axes de réflexion et de débat suivants :

Mise en place de politiques publiques de santé
en matière de vaccination, de contraception ou de non contraception, d’alimentation. Quels débats traversent les professions, quant aux taxonomies, aux innovations techniques introduites, à la division entre hôpital et médecine pratiquée en ville et à la campagne ? Quelle conception de la modernité guide la mise en place de réformes institutionnelles ?
Remise en cause et contestations

de quelles contestations ces politiques de santé font-elles l’objet ? Est-ce en raison de leur interventionnisme (dépossession des savoirs qualifiés de traditionnels) ou de leur insuffisance (revendication d’une prise en charge plus intégrale et équitable) ?

La place et le rôle du personnel de santé.
Celui-ci se retrouve au carrefour de ces demandes, non nécessairement contradictoires mais au moins multiples et multiformes ; il voit son rôle questionné : est-ce un phénomène nouveau ? La mise en place d’institutions médicales s’est-elle faite de façon consensuelle tout à au long de l’histoire ? Quel legs colonial sous-tend les institutions médicales contemporaines ? Quel aggiornamento entament-elles ? Quel degré d’autonomie vis à vis du (des) pouvoir(s) les protagonistes de la santé entreprennent-ils de conquérir ? Quelles tensions traversent ce champ des pratiques professionnelles médicales, entre sage-femme et médecins, entre infirmier.es et administrateurs.rices? Et quelles demandes les sociétés formulent-elles à l’adresse de ces professionnel.les, au nom de quelle conception du soin ?

Historiciser la santé mentale.
Comment la définir dans le temps et dans l’espace ? Quels paradigmes ont guidé la prise en charge des patients atteints de maladie mentale ? Quelles populations ont vécu dans ces établissements, selon quel profil sociologique (genre, sexualité, classe, race, âge, origine géographique) ? Quelles fonctions étaient-elles conférées aux établissements asilaires au fil des siècles ? Comment les psychiatres ont-ils envisagé leur propre rôle social et politique ? L’idéologie, c’est à dire une certaine conception du juste devenir d’une société et des individus qui la composent, est-elle exclue de leur pratique au profit d’une conception strictement neutre ou dépolitisée ? Quel rôle les psychiatres ont-ils joué dans l’écriture de l’histoire de leur profession (voire au-delà, comme dans le cas de l’argentin Pacho O’Donnell) ? Quelle place les autres personnels —infirmier.es, aide-soignant.es —ont-ils eu dans le dispositif mis en place ? D’un point de vue historiographique, quels ont été les apports et les limites des perspectives antipsychiatriques ? Comment l’historiographie aborde-t-elle l’« institution totale » que constitue l’hôpital psychiatrique, et comment les sciences sociales appréhendent-elles les mouvements de désinstitutionalisation et de prises en charges alternatives (ambulatoire, communautaire) ?

La santé à l’heure de la Covid-19.
Une maladie infectieuse nouvelle, le coronavirus s’est répandu dans le monde entier à partir de la fin de l’année 2019. Elle a lourdement frappé l’Europe occidentale et certains pays des Amériques (États-Unis, Canada, Brésil). S’il est trop tôt pour produire des analyses fines sur les contextes très différents selon les pays concernés, il nous semble intéressant de proposer, au cours de ce colloque, un espace d’échange où penser et débattre autour de ce que la pandémie fait à la recherche sur la santé en sciences sociales. Comment la pandémie a-t-elle été perçue et combattue tant en Europe que dans les Amériques ? Quels sont ses effets sur la manière d’envisager notre recherche sur la santé, notamment dans une perspective intersectionnelle ?

Modalités de contributions
Les propositions de communications pourront être envoyées jusqu’au 15 juin 2020

à irene.favier@univ-grenoble-alpes.fr et à lissell.quiroz@univ-rouen.fr. Elles comporteront chacune 4000 signes (espaces et bibliographies compris), et donneront lieu à une réponse avant le 1er juin. Précisons qu’en raison de la mobilisation autour des retraites et en opposition à la précarisation de la recherche en France, des propositions de communications pourront parvenir plus tard, et seront acceptées jusqu’à la mi-juillet. Les communications peuvent se faire en français, en espagnol, en anglais, en portugais.

En cas de réponse positive, le texte intégral de la communication sera demandé aux auteur.es avant le 1er octobre 2020. Le budget de l’événement inclura les repas et la nuitée sur place, mais le déplacement n’est en revanche pas garanti, et gagnerait dès le printemps 2020 à faire l’objet d’une demande de prise en charge par les institutions de rattachement de la personne éventuellement amenée à communiquer lors du colloque. Les propositions de doctorant.es sont les bienvenues.


Comité d’organisation
Irène Favier (LARHRA, Université Grenoble Alpes)
Lissell Quiroz (ERIAC-IRIHS, Université de Rouen Normandie)

Institutions partenaires
LARHA, ERIAC, IRIHS, Institut des Amériques, MSH Paris Nord.

Comité scientifique
Claudia Agostoni, UNAM (Mexique)
Isabelle von Bueltzingsloewen, Université Lyon 2 (France)
Paulo Drinot, UCL (Royaume Uni)
Rafael Huertas, CSIC (Espagne)
Jennifer Lambe, Brown (Etats-Unis)
Jorge Lossio, PUCP (Pérou)
Notes

[1] Cueto Marcos, Lossio Jorge, Pasco Carol, El rastro de la Salud en el Perú, Lima: Universidad Peruana Cayetano Heredia, 2009, p. 14.

[2] Hochman Gilberto, Armus Diego (éd.), Cuidar, controlar, curar: ensayos históricos sobre salud y enfermedad en América Latina y el Caribe, Coleção História e Saúde, Río de Janeiro: Editora Fiocruz, 2004; Cueto Marcos, Palmer Steven, Medicine and public health in Latin America: a history, New York: Cambridge university press, 2015; Amador José, Medicine and nation building in the Americas, 1890-1940, Nashville : Vanderbilt university press, 2015.

[3] Cueto Marcos, El regreso de las epidemias : salud y sociedad en el Perú del siglo XX, Lima : IEP, 1997; Cueto Marcos, Culpa y coraje : historia sobre las políticas sobre el VIH/Sida en el Perú, Lima : Consorcio de Investigación Económica y Social : Universidad Cayetano Heredia, 2001; Lossio Chávez Jorge Luis, « Nación, ciencia y salud : investigación médica en los Andes y la construcción de una “patología de las alturas” », Histórica, Pontificia Universidad Católica del Perú, Vol. 33, no. 1, 2009, p. 65-86.

[4] Restrepo Libia J., Médicos y comadronas o el arte de los partos. La ginecología y la obstetricia en Antioquia, 1870-1930, Medellin: La Carreta Ed., 2006; Mannarelli María Emma, Rivera Caro Betty Alicia, « Una aproximación histórica a la salud infantil en el Perú: las mujeres en el cuidado de la infancia (1900-1930) », Investigaciones sociales, Vol. 15, n° 27, déc. 2011, p. 445-455; Rodríguez Pablo, « La pediatría en Colombia, 1880-1960. Crónica de una alegría» dans Rodríguez Pablo, Mannarelli María Emma (coord.), Historia de la infancia en América Latina, Bogotá: Univ. Externado de Col, 2007, p. 359-388; « Descolonizar el saber médico. Obstetricia y parto en el Perú contemporáneo (siglos XIX y XX) », Revue d’Etudes décoloniales, n° 1, octubre 2016, http://reseaudecolonial.org/822-2/.

[5] Cueto Marcos, Lossio Jorge, Pasco Carol (dir.), El rastro de la salud en el Perú: Nuevas perspectivas históricas. (pp. 211-258). Lima: Instituto de Estudios Peruanos.

[6] Chiffoleau S., Genèse de la santé publique internationale. De la peste d’Orient à l’OMS, Presses Universitaires de Rennes/Ifpo, 2012 ; Médecines et Médecins en Égypte. Construction d’une identité professionnelle et projet médical, Paris-Lyon, l’Harmattan/Maison de l’Orient Méditerranéen, 1997.

[7] Sacristán Cristina, « Historiografía de la locura y de la psiquiatría en México. De la hagiografía a la historia posmoderna », in Frenia, vol. V-1, 2005.