Colloque international
23–25 septembre 2019
Université de Lausanne – Ferme de Dorigny
Le savoir médical des Anciens, depuis l’âge grec classique jusqu’à l’Antiquité tardive et au delà, nous a principalement été transmis sous la forme d’importants corpus de textes (Collection hippocratique, traités galéniques) ou de sommes écrites en latin ou en grec, comme la Médecine de Celse, les Collections médicales d’Oribase, ou les traités d’Aétius d’Amide, d’Alexandre de Tralles ou encore de Paul d’Égine.
Or nombreux sont les textes qui, au sein de ces vastes ensembles, se répondent, dans un même traité (« rédactions parallèles ») ou à différentes époques, qu’ils soient parfaitement identiques, qu’ils divergent seulement de quelques mots, ou que l’un apparaisse l’abrégé, l’amplification ou la traduction de l’autre.
La première question qui se pose alors généralement est de savoir si le texte le plus récent est issu du plus ancien, ou si les deux dérivent d’un ou de plusieurs textes antérieurs. Cependant, nombre de recherches récentes ont montré que la composition des textes médicaux fait appel à une grande diversité de sources : si l’importance des textes des prédécesseurs ne peut être négligée, comme l’illustre l’activité philologique d’un Galien par exemple, l’expérience personnelle, la transmission orale des savoirs théoriques et pratiques ainsi que la médecine dite « populaire » sont tout aussi essentielles. D’autre part, l’intérêt des chercheurs pour les sources les plus anciennes laisse peu à peu également une place à l’étude de l’originalité propre de chaque somme médicale : chacune d’entre elles est en effet irréductible à une simple collection de témoignages de textes plus anciens par ailleurs perdus, et n’est pas dissociable du contexte historique et épistémologique dans lequel elle a été conçue.
Ces nouvelles perspectives font naître de nouvelles interrogations. Du point de vue de l’ecdotique, quelles conséquences entraînent-elles pour le choix des leçons lorsqu’un texte est présent dans différentes compilations ? D’un point de vue méthodologique, comment identifier les différentes voix dans des textes de nature hétérogène, et délimiter, par exemple, la fin précise d’une section explicitement présentée comme une citation ? Comment déterminer le statut d’un texte qui est visiblement cité de mémoire, ou encore celui d’un autre que le lecteur moderne analyse comme une réécriture, mais qui n’est pas indiqué comme tel par l’auteur ancien ? Quels sont les critères permettant de reconnaître l’originalité d’un texte présentant de légères divergences par rapport à un autre, et à quels moyens matériels peut-on avoir recours pour repérer ces divergences, au sein d’œuvres très étendues pour lesquelles l’on ne dispose souvent ni d’une édition récente, ni d’une traduction dans une langue moderne ? Dans quelle mesure les variations lexicales d’un texte à l’autre peuvent-elles être considérées comme des choix signifiants, ou au contraire rapportées à une simple question d’usage ? Par ailleurs, du point de vue de l’histoire des idées, jusqu’à quel point l’autorité des « anciens médecins » peut-elle justifier la reprise de textes entraînant la présence de théories contradictoires au sein d’un même traité ? Inversement, quelles inflexions un texte a-t-il pu subir lorsqu’il est cité dans un contexte polémique ?
Ce colloque propose ainsi de réunir des chercheurs qui, abordant des textes de différentes périodes sous les différents angles de l’édition, du commentaire, de la lexicologie, de l’histoire des sciences ou de l’histoire des idées, se trouvent confrontés à ces mêmes questions. En mettant en lumière la variété et la richesse des procédés de réappropriation des sources, cette rencontre permettra de faire avancer la réflexion sur l’élaboration du savoir médical et les différents canaux de sa transmission.
Lundi 23 septembre 2019
Chaque communication durera 30 min. et sera suivie de 10 min. de discussion.
8/45–9/00 Accueil par Dave Lüthi, Doyen de la Faculté des lettres
9/00–9/20 Introduction par Nathalie Rousseau & Brigitte Maire (Paris & Lausanne)
I. Les textes hippocratiques et leur destinée
9/20–10/00 Jacques Jouanna (Paris) D’Hippocrate à Lucien en passant par les glossateurs : sur le sens et l’emploi de ἴκταρ à la lumière d’une triple rédaction parallèle dans Maladies des femmes II, c. 174, c. 174 bis et Nature de la femme, c. 12
10/00–10/40 Florence Bourbon (Paris) Traces de réécriture dans les recettes pharmaceutiques du traité hippocratique Maladies des femmes I
10/40–11/10 Pause café
11/10–11/50 Tommaso Raiola & Amneris Roselli (Napoli) Pratica medica e scrittura di testi : Lo spazio per l’intervento autoriale e per brevi monografie nei commenti di Galeno
11/50–12/30 Divna Stevanović-Soleil (Aix-Marseille) Écrire son œuvre médicale en lisant : les échos littéraires chez Arétée de Cappadoce, moyen de construction d’une autorité médicale singulière
12/30–14/00 Déjeuner
II. Du grec au latin, du latin au grec
14/00–14/40 Brigitte Maire & Nathalie Rousseau (Lausanne & Paris) Quod Graeci uocant : les modes de présentation des sources grecques dans le De medicina de Celse
14/40–15/20 Anna Maria Urso (Messina) Tradizione e riscrittura negli adattamenti latini di Sorano di Efeso
15/20–15/50 Pause café
15/50–16/30 Marie-Thérèse Cam (Brest) Réécriture latine d’une lettre d’Apsyrtos (B. 96.1–3) chez Chiron
16/30–17/10 David Langslow (Manchester) Many hands make for delicate work ! Evidence of multiple translators in the Latin Alexander of Tralles
Conférence publique
19/00 Véronique Boudon-Millot (Paris) Médecine antique et médecine moderne : si éloignées et pourtant si proches
Mardi 24 septembre 2019
III. Réécritures tardoantiques et byzantines
9/00–9/40 Antoine Pietrobelli (Reims) Galien en Gaule : à la recherche de l’épitomè d’Oribase
9/40–10/20 Matteo Martelli (Bologna) Les minéraux galéniques chez Aétius d’Amide et les compilations byzantines
10/20–10/50 Pause café
10/50–11/30 Irene Calà & Matthias Witt (München) Sur les sources des livres X et XIV d’Aétius d’Amide
11/30–12/10 Laura Mareri (Macerata) Par cœur ou pas ? L’emploi de la citation chez Alexandre de Tralles
12/10–13/50 Déjeuner
13/50–14/40 Séance de posters de jeunes chercheurs·euses autour d’un café
14/40–15/20 Alessia Guardasole (Paris) Le remède diacodyon (διὰ κωδυῶν) de l’Antiquité à Byzance
15/20–16/00 Marie Cronier
(Paris) Réécritures byzantines de Dioscoride et Galien Sur les simples
16/00–16/30 Pause café
16/30–17/10 Joëlle Jouanna-Bouchet (Nancy) De Scribonius Largus à Marcellus Empiricus. Étude de quelques compositions médicales
17/10–17/50 Arsenio Ferraces Rodríguez (A Coruña) Reescritura y modificación ideológica en la Epistula Hipparchi de taxone
19/30 Dîner de clôture
Mercredi 25 septembre 2019
IV. Comment différencier écriture, réécriture et citation : Questions de méthode
9/00–9/40 Véronique Boudon-Millot (Paris) Trois versions pour un seul remède : la thériaque d’Andromaque selon Galien (De antidotis) et dans les deux traités pseudo-galéniques (De theriaca ad Pisonem et De theriaca ad Pamphilianum)
9/40–10/20 Antonio Ricciardetto (Paris) Les signes dans les papyrus littéraires grecs de médecine
10/20–11/00 Valérie Gitton-Ripoll (Toulouse) L’écriture des traités vétérinaires
11/00–11/30 Pause café
V. Du lexique aux realia
11/30–12/10 Patricia Gaillard-Seux (Angers) L’aglaophotis, la pivoine et la mandragore : problèmes de transmission d’un nom et d’un rituel
12/10–12/50 Jean-Christophe Courtil (Toulouse) Du satyriasis au priapisme : itinéraire philologique de l’hypersexualité dans la médecine antique
12/50–13/10 Conclusions
13/10 Déjeuner – Fin du colloque
Atelier pédagogique
14/45–17/45 avec la participation de Florence Bourbon (Paris) « Les textes médicaux antiques »
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