mercredi 31 octobre 2018

Race et Psychiatrie aux États-Unis

« Bad Brains » : Race et Psychiatrie de la fin de l’esclavage à l’époque contemporaine aux États-Unis

Soutenance de thèse en sociologie et civilisation américaine de Élodie Grossi 

Le samedi 24 novembre 2018, à 9h à l’Université Paris Diderot, en salle des thèses (580F), bâtiment Halle aux Farines, 9 esplanade Pierre Vidal-Naquet, 75013 Paris.


Le jury est composé de :

Élisabeth CUNIN, directrice de recherche à l’IRD
Soraya DE CHADAREVIAN, professeure à l’université de Californie, Los Angeles (rapporteure)
Michel DUBOIS, directeur de recherche au CNRS (rapporteur)
Caroline ROLLAND-DIAMOND, professeure à l’université Paris Nanterre
Paul SCHOR, maître de conférences à l’université Paris Diderot (co-directeur de thèse)
Dominique VIDAL, professeur à l’université Paris Diderot (directeur de thèse)

Un pot sera organisé à l’issue de la soutenance au centre de l’Université de Chicago à Paris (6 rue Thomas Mann, 75013 Paris), auquel vous êtes chaleureusement convié·e·s.


Afin d’en faciliter l’organisation, je vous serais reconnaissante de m'informer de votre présence à la soutenance et/ou au pot à cette adresse mail : elodiegrossi1@gmail.com



Thèse
Cette thèse explore l’histoire sociale de la psychiatrie racialisée dans le Sud ségrégué et la médicalisation du corps noir du XIXe siècle jusqu’à l’époque contemporaine. En croisant les questionnements autour de la politisation de la science et des pratiques psychiatriques, ainsi que les notions de citoyenneté, de responsabilité et de droits civiques, elle étudie l’histoire des patients noirs en psychiatrie aux États-Unis et l’évolution des théories psychiatriques prenant pour cible l’altérité raciale. En s’appuyant sur un corpus d’archives personnelles de médecins, d’institutions de soins et de centres de recherche en psychiatrie, ainsi que sur une enquête qualitative réalisée auprès de psychiatres en Californie, elle montre la longue histoire des pratiques de discrimination raciale en médecine aux États-Unis et la construction de « l’apartheid médical » dans les hôpitaux du Sud depuis la fin du XIXe siècle. Ce travail retrace les différents régimes par lesquels la notion de race a été jugée pertinente par les psychiatres pour naturaliser les différences corporelles de la fin de l’esclavage jusqu’à l’époque contemporaine. Alors que la variable raciale commençait à être convoquée dans les études sur la folie à partir des années 1840, on observe, au cours du XIXe siècle, l’émergence d’un système de classification des pathologies et de routines appliquées aux corps noirs et blancs élaborés par les aliénistes sudistes pour contraindre et « guérir » les patients noirs dans des espaces séparés. En développant l’approche de la psychiatrie sociale et en fondant les premières cliniques urbaines dans les ghettos noirs dans le contexte de la Grande Migration, les psychiatres du Nord cherchaient par ailleurs à condamner à l’obsolescence les institutions ségréguées du Sud, et à réaffirmer la modernité de leurs propres pratiques. Ensuite, dans le contexte des années 1960, cette thèse montre l’intersection entre, d’une part, la politisation croissante de la recherche menée par les psychiatres sur la violence urbaine et, d’autre part, les représentations dans la littérature médicale des manifestants noirs, dont les comportements sont classés comme pathologiques. Enfin, ce travail aborde l’émergence de la psychiatrie anti-raciste durant le mouvement de désinstitutionnalisation et révèle les enjeux du développement d’unités psychiatriques dans lesquelles des psychiatres formulèrent une nouvelle approche, à partir des années 1980, en plaçant la notion de race, comprise comme un paradigme biologique et culturel, au cœur de la relation médecin-patient. L’enquête qualitative conduite au sein d’une de ces unités et de plusieurs cliniques de soins en Californie dévoile les représentations sociales complexes et souvent contradictoires de la race qui existent aujourd’hui pour les psychiatres américains, pour qui cette variable est comprise simultanément comme une variable biomédicale et comme une construction culturelle et sociale. En conjuguant la recherche historique sur les pratiques de soins aux méthodes empiriques de la sociologie, cette thèse démontre que la mémoire de la race irrigue les pratiques et les discours de la profession psychiatrique américaine, aussi bien dans les représentations que les médecins véhiculent des corps soignés, que dans les stratégies de naturalisation du social employées pour prendre en charge leurs patients.

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