La chair de l'Asie. Corps contraints et rationalisation des individus au sein des sociétés orientales
Appel à communications
Les études portant sur le corps en tant qu’objet des sciences sociales ont foisonné depuis une trentaine d’années, dans le sillage des études novatrices de Michel Foucault à partir des années soixante. Pourtant, ce champ de recherche a été très peu investi par les études asiatiques. En effet, les recherches traitant du corps en Asie concernent majoritairement les rapports genrés, dans lesquels la question du corps, et plus particulièrement de ses composants, est souvent reliée à celle des sciences religieuses et aux tabous qui en découlent. Nous nous intéresserons aux multiples modalités de dispositions, de représentations et de modifications du corps des individus au sein des sociétés asiatiques. Les réflexions analysant les contraintes imposées au corps, institutionnellement et socialement, retiendront plus particulièrement notre attention.
Présentation
Les deuxièmes rencontres nationales des jeunes chercheurs en études asiatiques se dérouleront à Aix-Marseille Université les 12 et 13 mai 2016. Cet événement s’inscrit dans la continuité des premières rencontres organisées à Bordeaux en mai 2015. L’objectif de ces journées d’étude est de regrouper des doctorants, jeunes docteurs et post-doctorants issus des différentes branches des sciences humaines et sociales, dont les terrains de recherches se situent dans les différents pays ou aires culturelles de l’Asie orientale, centrale, méridionale et insulaire, et d’accroître leur visibilité dans le milieu scientifique. Elles sont organisées avec le soutien du GIS Asie –Réseau Asie &Pacifique et de l’Institut de Recherches asiatiques (Aix Marseille Université).
Argumentaire
Les études portant sur le corps en tant qu’objet des sciences sociales ont foisonné depuis une trentaine d’années, dans le sillage des études novatrices de Michel Foucault à partir des années soixante (Foucault, 1963 ; 1975 ; 1976-1984). Pourtant, ce champ de recherche a été très peu investi par les études asiatiques. En effet, les recherches traitant du corps en Asie concernent majoritairement les rapports genrés, dans lesquels la question du corps, et plus particulièrement de ses composants, est souvent reliée à celle des sciences religieuses et aux tabous qui en découlent (Ahern, 1975 ; Furth & Ch’en, 1992). D’autre part, la dimension sanitaire a également été envisagée dans le cadre de l’anthropologie de la santé, au travers de diverses études sur la prostitution ou l’épidémie du VIH (Hancart Petitet, 2009).
Dans une perspective contemporaine, l’attention portée au corps prend une place de plus en plus importante en Asie. En plus des dynamismes sociaux internes, les changements dans le rapport au corps en Asie résultent également de forces externes. Les processus d’urbanisation, d’occidentalisation et plus largement de globalisation ont impacté fortement la perception que les individus ont de leur corps. La montée de l’individualisme engendre une nouvelle « utilisation » du corps : il devient un vecteur de l’expression personnelle (en atteste l’affirmation de la liberté vestimentaire), des opinions publiques (mise en scène des corps dans les médias) et politiques (comme l’immolation de moines tibétains en contestation à la domination chinoise) (Butler, 2014 ; Supong Limtanakool & Dirk Van den Berghe, 2002).
Le corps en tant que produit de la société, est également modelé par diverses instances (notamment religieuses, étatiques et sociétales). L’interaction entre individu et institution est prise dans un dialogue permanent fait de contraintes, de résistances et d’adaptations réciproques, dans lequel l’individu devient un être rationalisé. Cette dynamique est par exemple visible dans les fabrications de cultures corporelles, développées en réaction aux contraintes imposées par les grandes institutions coercitives, telle que la prison (Brown, 2007).
Nous nous intéresserons aux multiples modalités de dispositions, de représentations et de modifications du corps des individus au sein des sociétés asiatiques. Les réflexions analysant les contraintes imposées au corps, institutionnellement et socialement, retiendront plus particulièrement notre attention. Quels sont les instances, les procédures de contraintes, et leurs effets sur les corps ? Quelles stratégies sociales sont mises en place par les individus pour y faire face, et comment ces instances en sont transformées en retour ?
Pour répondre aux questions soulevées, les communications pourront s’inscrire dans un ou plusieurs des axes suivants (liste non exhaustive) :
- Discours prescriptifs et leurs effets sur le corps.
- Usages socioculturels du corps.
- Violence et coercition.
- Sexualité et genre.
- Corps malades, cadavres, funérailles, traitements des dépouilles mortelles, etc.
- Le corps dans les rites de passage : traitement du corps dans les périodes charnières de la vie.
- Techniques culturelles corporelles : danses, arts martiaux, sport, etc.
- Mise en scène du corps dans les médias et les pratiques artistiques (théâtre, film, télévision, réseaux sociaux, etc.).
- Corps et transcendance.
- Corps et littérature.
Bibliographie
Ahern, Emily, « The Power and Pollution of Chinese Women », Women in Chinese Society, éd. par Margery Wolfe and Roxane Witke. Stanford: Stanford University Press, 1975, p. 193-214.
Brown, Ian, « South East Asia : Reform and the Colonial Prison », », Cultures of Confinement. A History of the Prison in Africa, Asia, and Latin America, éd. par Dikötter, Franck & Ian Brown. Ithaca, New York : Cornell University Press, 2007, p. 221-268.
Butler, Colin D., « Tibetan Protest Self-Immolation in China : Reflections on Ecology, Health and Politics », Advances in Medical Sociology, vol. 15, 2013, p. 67-89.
Foucault, Michel,
Histoire de la sexualité, Paris : Gallimard, 1976.
Naissance de la clinique, Paris : Presses Universitaires de France, 1963.
Surveiller et Punir, Paris : Gallimard, 1975.
Furth, Charlotte & Shu-Yueh Ch’en, « Chinese Medicine and the Anthropology of Menstruation in Contemporary Taiwan », Medical Anthropology Quarterly, 1992, vol.6, n°1, p. 27-47.
Hancart Petitet, Pascale, « Traitement social de la naissance dans le contexte du sida. Études de cas en Inde du Sud », Sciences sociales et santé, n°2, vol. 27, 2009, p. 9-35.
Supong Limtanakool & Dirk Van den Berghe, « Revendications identitaires de l’Asie et modes asiatiques de management », La résistance culturelle : fondements, applications et implications du management interculturel, éd. par Pierre Dupriez & Solange Simons. Bruxelles : De Boeck, 2002, p. 295-317.
Modalités de sélection des interventions
La participation aux journées d’étude est ouverte à tous les jeunes chercheur.e.s en sciences sociales et en études littéraires, travaillant sur l’Asie. Les propositions de communication doivent être rédigées en français ou en anglais, et ne pas excéder 3000 signes (espaces compris, sans notes de bas de page, ni bibliographie). Ces journées d’étude donneront lieu à la publication d’un ouvrage collectif interdisciplinaire (sous réserve de validation scientifique), et les intervenants s’engagent donc à présenter des travaux inédits.
Les propositions sont à adresser avant le 20 janvier 2016, accompagnées d’un CV, à l’attention des organisateurs, Luc Benaiche, Hou Renyou et Julie Remoiville, à l’adresse suivante : jegisasiemarseille2016@gmail.com
Les notifications d’acceptation seront envoyées au plus tard le 14 février 2016. Les journées se dérouleront les 12 et 13 mai 2016, à Aix-Marseille Université.
Informations pratiques
Les intervenants pourront bénéficier d’une prise en charge de leurs frais de transport, dans la limite du budget disponible. Aussi, si vous souhaitez que votre déplacement soit remboursé, merci de le spécifier lors de l’envoi de votre proposition de communication. Par ailleurs, pour rejoindre le réseau des jeunes chercheur.e.s en études asiatiques du GIS Asie et suivre les actualités des événements scientifiques sur l’Asie, n’hésitez pas à vous inscrire sur la liste de diffusion, à l’adresse suivante :
Comité d’organisation scientifique
Luc Benaiche, Doctorant en histoire contemporaine, Institut de Recherches Asiatiques (IrAsia), Aix-Marseille Université
Hou Renyou, Doctorant en anthropologie, équipe ASIEs-INALCO
Julie Remoiville, Docteure en Études de l’Extrême-Orient, Chercheuse postdoctorant du Groupe Sociétés Religions Laïcités GRSL (EPHE/CNRS)
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