Rêver sans Freud
Journée d’étude
Université de Lausanne, Bâtiment Geopolis, Salle 2879, Vendredi 29 mai 2015
9h – 16h30
En occident, la question de l'interprétation des rêves demeure attachée
au nom de Sigmund Freud, que l'on considère traditionnellement comme étant le
premier à avoir ancré l'activité onirique dans la science et fait du rêve un
vrai sujet d'exploration médicale. Par suite, depuis la première édition de son
ouvrage fondateur en 1899, le débat s'est souvent posé en des termes binaires :
avec ou contre Freud, pour ou contre son modèle interprétatif de la genèse
onirique. Pourtant, ainsi que l'ont montré diverses études historiennes
récentes, il n'a en réalité pas fallu attendre Freud pour que le rêve soit
l'objet d'explorations scientifiques poussées, la vision freudienne s'ancrant
elle-même dans l'apport de travaux antérieurs, un héritage qui a longtemps été
éclipsé. Par ailleurs, il n'y pas non plus eu dans le domaine « psy » que des
anti ou des pro-freudiens, de nombreux analystes du processus rêvant ne se
partageant pas le long de cette ligne de démarcation, et suivant plutôt le fil
de schémas interprétatifs situés en dehors et/ou à côté des problématiques
liées à Freud.
Sans pour autant mettre en cause l'apport fondamental de l'œuvre
freudienne, cette journée d'études aimerait donc contribuer au renouvellement
du regard sur l'histoire du rêve, en interrogeant la généalogie de ces autres
traditions scientifiques oniriques. Il s'agira, en particulier, d'explorer une
culture plus « anglo-saxonne » de l'analyse des songes, où la figure du
laboratoire et de l'expérimentation contrôlée (rêves sous drogues, sous
influence, privation de sommeil, culture des tests psychométriques, etc.) joue
un rôle spécialement prononcé. Il s'agira aussi d'examiner quels usages
thérapeutiques ont été envisagés pour le rêve en dehors du cadre
psychanalytique, en examinant, par exemple, comment certains spécialistes « psy
» (psychiatres, mais aussi psychologues, psychothérapeutes, etc.) ont cherché à
influencer le psychisme, voire à soigner des troubles mentaux, via des
techniques de contrôles et/ou de modifications de la forme des songes.
PROGRAMME DE LA JOURNEE DU 29 MAI 2015
9h00 Ouverture
de la journée et accueil des participants
9h30-9h50 Présentation de la journée
Aude Fauvel (IUHMSP, CHUV-UNIL),
Rémy Amouroux (Institut de psychologie, Fac. des SSP/UNIL)
Matinée : Président de
séance : Mark Micale (University of Illinois)
9h50-10h30
Sciences et techniques du corps rêvant : jalons
pour une histoire (Andreas Mayer, Centre Alexandre Koyré, Paris)
Les chercheurs qui s'attachent à construire une psychologie du rêve sur
des bases physiologiques mettent le corps rêvant au centre de leurs dispositifs
expérimentaux. Ils se démarquent ainsi d'un régime d'auto-observation qui
caractérisait beaucoup de recherches savantes sur le rêve et le sommeil au XIXe
siècle, mais aussi les débuts de la psychanalyse freudienne des rêves. Il
s'agira donc de comprendre ce passage d'un régime d'observation à un régime
expérimental en retraçant les gestes, les techniques et les dispositifs de ces
nouvelles sciences du corps rêvant.
10h30-11h10 The television qualities of the nightlife of
the mind – Dorothy Eggan’s dream-collecting practices among the Hopi (Rebecca
lemov, Harvard University)
Dorothy Eggan, perhaps the most
prolific collector of anthropological dreams in the twentieth century, gathered
up hundreds of Hopi Indian dreams from the late 1930s through the late 1950s. A
remarkable if forgotten figure who lacked an advanced degree, but nonetheless
established herself as a foremost authority (first at the University of Chicago
and later in international circles), she pursued a post-Freudian approach that
emphasized the urgent task to treat dreams as data.
11h10-11h30 Pause
11h30-12h10 Acid dreams. Tripping into the
unconscious (Jeannie Moser, Technical University of Berlin)
LSD is mind-altering and
transforming, it dramatically shifts perception, transfigures cognition,
modifies moods, and changes feelings; summing up, it gives direction to the
psyche; but, as well, it put on track and moves towards the psyche, making it
reachable. In so doing, the psychotropic drug becomes an analytical tool.
Explicitly, the (scientific) investigation of LSD turns into the exploration of
the self, creating cardinal objects of interest: consciousness and, especially
in the 1950s and 60s, the unconscious. As drug induced states of mind,
analogous to dreams, are defined as manifestations of deep-seated sections of
unconsciousness, the chemical promises direct access to these hidden regions:
With LSD, controlled journeys are thought to be achievable.
12h10- 14h Pause repas
Après-midi : Présidente de
séance : Jacqueline Carroy (Centre
Alexandre Koyré, Paris)
14h-14h40
The (private) dreams of Aaron T. Beck (Rachael I. Rosner,
Independent Scholar, Boston)
“(The dream) is a private—as opposed
to a public—experience.” Aaron T. Beck, “Cognitive patterns in dreams and
daydreams”, 1971
Aaron Beck, founder of Cognitive
Therapy, argued publicly in the early 1970s that dreams were the product of the
same system that generated automatic thoughts and other cognitions. And then,
suddenly, Beck abandoned the topic publicly. Privately, however, he continued
to record and associate to his dreams. This talk explores the politics of
forgetting that contributed to Beck’s decision to take dreams underground.
14h40-15h20
Pourquoi notre cerveau rêve-t-il? (Sophie Schwartz, Université de Genève)
Les recherches actuelles en psychologie expérimentale et en neuroscience
montrent comment les pensées refoulées et les souvenirs à forte valeur
affective – heureux ou dramatiques – sont parfois réactivés dans le sommeil.
Ces mécanismes interviennent dans des troubles psychiques comme la dépression,
l’insomnie et le cauchemar, et expliquent l’importance du sommeil et des rêves
dans la gestion émotionnelle. Grâce à des techniques ingénieuses d’imagerie
cérébrale, il est aujourd’hui possible de réaliser un décryptage des processus
neuronaux et mentaux qui se déroulent pendant le sommeil, ouvrant ainsi la voie
à une nouvelle forme d’interprétation des rêves.
15h30-16h Discussion
finale / Table ronde
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