Appel à communications
Auditoire Louis Jeantet,
Route de Florissant, Genève, Suisse.
20-22 octobre 2014
Comité organisateur
Dolores Martín Moruno (Université de Genève, Institut Éthique Histoire Humanités)
Sophie Milquet (Université de Lausanne, Section de français)
Beatriz Pichel (Université De Montfort, Leicester, Photographic History Research Centre)
Emotional bodies. A Workshop on the Historical Performativity of Emotions
Call for papers
20-22 October, 2014
Louis Jeantet Auditorium
Route de Florissant, Geneva, Switzerland
Organizing committee
Dolores Martin Moruno – IEH2, University of Geneva
Sophie Milquet – Department of French Modern Studies, University of Lausanne
Beatriz Pichel – PHRC, de Montfort University
Auditoire Louis Jeantet,
Route de Florissant, Genève, Suisse.
20-22 octobre 2014
L’idée du corps comme lieu d’expression des émotions n’est pas neuve dans la culture occidentale. La peur se manifeste par le tremblement, la gêne par le rougissement et l’amour par l’accélération du rythme cardiaque et par une respiration irrégulière. On ne peut pour autant pas postuler l’existence d’une relation naturelle entre les émotions et leurs traductions corporelles. Par exemple, alors qu’à l’époque moderne les passions sont considérées comme l’expression des mouvements de l’âme autant que comme de puissantes entités agissant sur les corps par la santé et la maladie, les physiologistes et psychologues de la fin du dix-neuvième et du début du vingtième siècle, affirment que le corps matériel est le résultat “des émotions immédiates et locales produites dans le laboratoire” (Dror, 1998). Dans cette perspective historique, les relations entre corps et émotions semblent loin d’être universelles, apparaissant socialement et institutionnellement produites dans des contextes historiques spécifiques.
Ce colloque de trois jours veut remettre en cause l’idée que les émotions correspondent invariablement à certaines expressions corporelles, en montrant qu’elles peuvent être comprises comme des pratiques culturelles ayant le pouvoir affectif de transformer la réalité en créant des “corps émotionnels”. D’un côté, le corps sera envisagé comme un medium expressif permettant de “négocier les frontières et les intersections entre soi et la société” (Porter, 2001). La flexibilité de ces frontières sera comprise en lien avec les évolutions des normes sociales, des codes culturels et des institutions, et plus spécialement comme le résultat du travail des émotions. De l’autre, nous proposons une approche des émotions comme pratiques culturelles qui font/produisent quelque chose. Cette performativité des émotions a été soulignée par des spécialistes de l’histoire de la Révolution française (Reddy, 1997; 2001), de l’histoire de la médecine (Bound-Alberti, 2006), de théorie politique (Ahmed, 2004) et de théorie littéraire (Labanyi, 2010) comme étant l’une des perspectives de recherche les plus prometteuses en histoire des émotions.
En prenant pour point de départ la métaphore du corps, ce colloque veut faire émerger de nouvelles possibilités d’étude de la performativité historique des émotions, comprises comme des agents donnant du sens aux corps, que ceux-ci soient physiques, sociaux, politiques, artistiques ou littéraires. Ainsi, l’expression “corps émotionnel” peut être considérée comme une catégorie analytique permettant de comprendre comment différentes conceptions historiques des émotions (par exemple, les sentiments, les passions, les affects, les sensations), ainsi que les pratiques et les objets qui leur sont associés, ont produit des systèmes de relations physiques et symboliques qui peuvent être compris comme des corps, dans une optique multidisciplinaire. Cet appel invite à se pencher, sans restriction chronologique, sur un des axes suivants, portant respectivement sur la production de “corps” scientifiques, socio-politiques et artistiques :
La production de “corps émotionnels” dans les sciences. L’observation, l’expérimentation et le diagnostic ont été utilisés dans l’histoire comme techniques de standardisation scientifique pour définir le corps aux prises avec l’amour, la douleur et le plaisir. Les passions ont ainsi été identifiées depuis Aristote comme de puissants agents formant les physionomies humaines et animales. Plus particulièrement, alors que le corps amoureux est défini dans la médecine antique par la mesure du pouls et la rougeur du visage (Esquirol, 1845), il sera conceptualisé au XXe siècle dans les termes de sécrétion d’adrénaline et d’excitation (Dror, 2011). On se demandera ainsi de quelles manières les pratiques scientifiques ont normalisé les expressions émotionnelles à travers l’histoire. Les émotions des scientifiques ont-elles affecté leur travail en hôpital ou en laboratoire? Comment les émotions de corps non-parlants, tels que ceux des nourrissons ou des animaux, ont-ils été catégorisés? Les approches scientifiques des émotions ont-elles pénétré dans la culture populaire à travers le roman, le théâtre, la photographie ou le cinéma? Les contributions tenteront ainsi de déterminer dans quelle mesure la production scientifique des émotions a eu un impact dans la compréhension des corps dans la vie quotidienne.
Les émotions comme lieux d’échange social et de changement politique. Des politiques de la peur étudiées par Joanna Bourke aux analyses de l’indignation d’Anne-Claude Ambroise-Rendu et Christian Delaporte, en passant par le travail mené par Sara Ahmed sur le bonheur, la dimension collective des émotions a été soulignée comme un possible lieu d’activisme social et de changement politique. Y a-t-il des connections entre l’émergence de styles émotionnels et la production de “corps révolutionnaires”? De quelle sorte de matériaux et de sources a-t-on besoin pour reconstruire les émotions de la foule? La performance d’émotions différentes a-t-elle contribué à définir de nouveaux corps, tels que ceux défendus par les mouvements féministes, anti-rascistes et queer? Ce panel s’intéressera à la possibilité de créer de nouveaux corps sociaux et politiques par la performance d’émotions collectives.
Le pouvoir affectif de la littérature, de la photographie et du cinéma. La recherche a identifié unaffective turn en littérature et en photographie, marquant un intérêt pour ce que font et produisent les textes, plutôt que pour ce qu’ils signifient (Labanyi, 2010; Edwards, 2012; Bouju and Gefen, 2012). Par exemple, un grand nombre de romans, photographies et films de guerre mobilisent l’empathie et créent ainsi une “sensibilité humanitaire” (Taithe, 2006). Le cas récent d’Indignez-vous! de Stéphane Hessel montre que les émotions peuvent également engager à l’action sociale et politique. Dans quel(s) sens comprendre la performativité des émotions esthétiques? Quel rôle jouent-elles dans la création de régimes émotionnels de plus grande ampleur (par exemple, la mobilisation de l’empathie, de la compassion ou de la pitié dans l’actuel développement de la figure victimaire) ? Les livres, les photographies ou les films peuvent-ils être considérés comme des « objets affectifs » produits par notre engagement haptique ou sensoriel à leur égard ? Cet axe explorera les différentes manières dont ces objets artistiques peuvent être interprétés comme des corps émotionnels dans des contextes historiques spécifiques.
Les propositions de communication de 300 mots maximum (correspondant à 20 minutes de présentation), seront envoyées avant le 1er juillet 2014 à l’adresse : emotionalbodies@gmail.com
Dolores Martín Moruno (Université de Genève, Institut Éthique Histoire Humanités)
Sophie Milquet (Université de Lausanne, Section de français)
Beatriz Pichel (Université De Montfort, Leicester, Photographic History Research Centre)
Emotional bodies. A Workshop on the Historical Performativity of Emotions
Call for papers
20-22 October, 2014
Louis Jeantet Auditorium
Route de Florissant, Geneva, Switzerland
The idea that the body is the site in which emotions are expressed is an old one in Western Culture. We manifest fear through trembling, embarrassment while blushing or demonstrate love by showing that the pulse quickens and breathing becomes irregular. However, we cannot take for granted the existence of a natural relationship between emotions and these bodily translations. For instance, while the passions were considered in the Early Modern period to be the expression of the movements of the soul, as well as powerful agents shaping bodies in health and disease, late nineteenth century and early twentieth century physiologists and psychologists would discover that the material body was an effect of “the immediate and local emotions produced in the laboratory” (Dror, 1998). From this historical perspective, the relationships between bodies and emotions seem to be far from being universal, as they are also socially and institutionally produced in specific historical contexts.
This three-day workshop seeks to challenge the idea that emotions invariably correspond to certain bodily expressions, by showing that they can alternatively be understood as cultural practices that have the affective power of transforming reality by creating emotional bodies. On the one hand, bodies will be interpreted as an expressive medium that allows us to “negotiate the boundaries and crossings of self and society” (Porter, 2001). These malleable boundaries of the body will be understood in connection with the changing meaning of social norms, cultural codes and institutions, but especially as the result of the work of emotions. On the other, we propose the understanding of emotions as cultural practices that do things. This performativity of emotions has been stressed by scholars working on the history of the French revolution (Reddy, 1997; 2001), the history of medicine (Bound-Alberti, 2006), political theory (Ahmed, 2004) and literary theory (Labanyi, 2010) as one of the most fruitful lines of research in emotion history.
Taking the metaphor of the body as starting point, this conference aims at discussing new possibilities to enhancing our understanding of the historical performativity of emotions as agents that have generated meaning to physical, social, political, artistic and literary bodies. Therefore, the expression “emotional bodies” may be regarded as an analytical category enabling us to explore how different historical conceptions of emotions (e.g. sentiments, passions, affects and feelings), as well as the practices and objects associated with them, had produced systems of symbolic and physical relations which we understood here as “bodies” with a multidisciplinary purpose. We invite scholars working in any historical period to focus on one of the following topics; each of them related to the creation of scientific, socio-political and artistic bodies.
Producing emotional bodies in the sciences. Observation, experimentation and diagnosis have been historically used as techniques of scientific standardisation for defining the body in love, pain or pleasure. For instance, passions have been identified since Aristotle as powerful agents shaping human and animal physiognomies. Particularly, the body in love has been defined by determining the state of the pulse and the redness of countenance in Ancient medicine or through its twentieth-century conceptualisation in terms of hormone adrenaline and excitement. In which ways have scientific practices normalized emotional expressions throughout history? Have scientists’ emotions affected their work in hospitals or laboratories? How have emotions of non-speaking bodies such as those of infants and animals been scientifically categorized? Have scientific approaches on emotions penetrated into popular culture through novels, theatre, photography or film? We are looking for proposals that can contribute to shedding light on what extent the scientific production of emotions has shaped bodies that are recognisable in everyday life.
Emotions as sites for social exchange and political change. From the politics of fear examined by Joanna Bourke, to Anne-Claude Ambroise-Rendu and Christian Delaporte’s analysis of indignation and Sara Ahmed’s study on happiness, the collective dimension of emotions has been stressed as a potential site for social activism and political change. Is there any connection between the emergence of emotional styles and the production of the revolutionary bodies? What kind of materials and sources do we need to explore in order to reconstruct the emotions of the crowd? Has the performance of different emotions contributed to defining new bodies such as those of the feminist, anti-racist and queer movements? In this panel, we would like to address the question about the possibility of creating new social and political bodies through the performance of collective emotions.
The affective power of literature, photography and film. Scholars working in literary and photographic studies have claimed an affective turn in order to look at texts and cultural productions from the point of view of what they can do, rather than what they mean (Labanyi, 2010; Edwards, 2012; Bouju and Gefen, 2012). Thus, for example, a great number of novels, photographs and films of war have mobilised our empathy towards a humanitarian sensibility (Taithe, 2006). It was not long ago that Stéphane Hessel’s Indignez-vous! reminded us that emotions could also be a call for social and political action. How should we understand the performativity of aesthetic emotions? What role have they played in the creation of broader emotional regimes (e.g. mobilization of empathy, compassion or pity in the actual rise of the victim figure)? Can books, photographs or works of art be considered as “affective objects” produced by our sensory, haptic engagements with them? We encourage scholars interested in discussing the affective power of literary texts, photographic and film documents or artistic creations to present a proposal exploring the ways in which these objects can be interpreted as emotional bodies.
If you are interested in participating in this workshop, please send us a proposal of no more than 300 words for a 20 minutes presentation via email (emotionalbodies@gmail.com) by the 1st, July 2014.
Organizing committee
Dolores Martin Moruno – IEH2, University of Geneva
Sophie Milquet – Department of French Modern Studies, University of Lausanne
Beatriz Pichel – PHRC, de Montfort University
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