jeudi 10 octobre 2013

Histoire du suicide

Le suicide : question individuelle ou sociétale ?

Appel à communications

Colloque international pluridisciplinaire
12-13 juin 2014, Clermont Ferrand


Dans le cadre d’un colloque de portée internationale, les doctorants de l’Association Clermontoise des Doctorants en Droit (ACDD) et du Centre de Recherches sur les Littératures et la Sociopoétique (CELIS) se proposent d’aborder le thème du suicide par un biais pluridisciplinaire.

Le suicide est un phénomène qui n’épargne aucune culture, aucun âge, aucune condition sociale et aucun sexe :qu’y a-t-il de plus universel et pourtant de plus occulté que le suicide ?

C’est une banalité intéressante à rappeler : l’individu ne choisit pas de naître ; si la vie est considérée comme un don aussi mystérieux que précieux, le suicide est naturellement vécu et perçu d’emblée comme un drame incompréhensible : pourquoi donc vouloir délibérément s’ôter la vie ?

Mais il est aussi un tabou social qu’il faut taire et esquiver davantage encore que la simple mort : comment accepter que la volonté soit en effet dirigée vers l’inexistence, que l’instinct de survie devienne un désir de mort ?

La réaction la plus spontanée consiste à chercher la cause de cet acte fatidique dans une faiblesse physiologique ou un trouble du discernement ; il est légitime et quelque peu rassurant de réduire le suicide à une pathologie en montrant que c’est une faillite de la vie, un manque de santé ou un déséquilibre psychique, qui a conduit à la mort ; si dans certaines conditions le suicide est en effet un événement brutal et insensé qui aurait pu et doit être évité par des mesures de prévention relevant des politiques de santé publique, une question mérite cependant d’être posée : n’y a-t-il que de « mauvais » suicide ?

La mort, l’événement le plus individuel qui soit, doit-elle être évaluée à l’aune de valeurs générales et contrôlée par des interdictions publiques ? D’un point de vue strictement moral, la réponse s’impose avec trop d’évidence : un geste ultime qui enlève la possibilité même de remédier à une souffrance et qui ne peut faire advenir aucun avenir doit être tenu comme un mal radical et absolu.

Cependant, sans même faire l’apologie du suicide, certains philosophes et littérateurs n’ont pas trouvé de raisons de se suicider dans un mal-être devenu invivable, mais dans un impératif d’existence supérieur et une affirmation particulière de la liberté individuelle ; ils ont ainsi donné une positivité esthétique, philosophique, éthique ou politique, à l’annihilation de soi, trouvé une signification dans la perte de tout sens : il faut interroger les modalités de ce suicide commis au nom d’une plénitude de l’être et d’une conception de la vie qui se prétend élevée et lucide : comment devenir soi-même en supprimant ce soi-même ? Et après le suicide, qu’advient-il de ceux qui restent ?

Moyen de contestation ou expression d’appartenance (suicides collectifs), tour à tour fascinant et stigmatisé, maintenant des relations ambiguës avec les valeurs sociales et pénales (le suicide assisté considéré en France comme homicide), le suicide ne cesse d’interroger et d’imprégner l’imaginaire collectif. Ce phénomène, problématique et pourtant constant chez l’être humain, semble remettre en cause la notion de communauté et de cohésion.

Les oscillations des conceptions criminologique et victimologique n’ont eu de cesse au cours de l’histoire de ponctuer un acte personnel. En 2007, l’affaire Vincent Humbert positionne le suicide comme débat social. La réprobation sociale a longtemps conditionné cet acte, mettant un terme à la vie, au rang d’infraction pénale. En 1810, le Code Pénal français met un terme à cette pénalisation du suicide. « En Angleterre, précise George Minois dans Histoire du suicide : La société occidentale face à la mort volontaire (1995), la dépénalisation est très tardive : les sanctions religieuses ne sont abolies qu’en 1823, et les sanctions civiles en 1870. Il faut attendre 1961 pour que le suicide ne soit plus considéré comme un crime ». Mais cette dépénalisation du suicide n’a pas stoppé les nombreuses interrogations et réflexions que cet acte suscite encore. Ainsi, les formes d’euthanasie ou d’assistance au suicide sont actuellement condamnées en France. La cour européenne des Droits de l’Homme a déclaré que le suicide n’entre pour l’instant dans le champ d’aucun Droit de l’Homme alors que certains pays comme les Pays-Bas ou le Luxembourg autorisent le suicide assisté ou le suicide actif. En France, le Comité Consultatif National d’Ethique a rendu en juillet 2013 son rapport recommandant de ne pas légaliser l’assistance au suicide ou l’euthanasie.

Si le suicide entretient l’intérêt de la recherche universitaire, il semble pourtant n’avoir pas livré tous ses secrets. La recherche en psychologie et sociologie a élaboré une base à la réflexion et mis en place une approche scientifique qui semble prévaloir jusqu’ici.

Ce colloque se propose de poursuivre le questionnement sur le suicide à travers une perspective pluridisciplinaire, notamment la philosophie, l’histoire, le droit, la littérature, la médecine et autres, afin d’en dégager plus globalement les enjeux et les contradictions, et d’en apprécier les différentes facettes, de sa répression institutionnelle à ses représentations les plus fantaisistes en passant par sa réappropriation individuelle au nom d’idéaux divers.

Quelques orientations non exhaustives peuvent être envisagées :
Philosophie/Histoire du suicide ;
Suicide et décision/répression (interdits actuels autour du suicide : suicide des enfants/adolescents ou des personnes âgées) ;
Représentations/Scénarisations du suicide dans l’art et la littérature ;
Au nom de quelle valeur morale ou sociale interdire le suicide ? Pourquoi mettre en place une politique de Santé publique de prévention des suicides ? Sur quel fondement ?

Modalités de soumission
Prière d’adresser les propositions de contribution (500 mots maximum) par courrier électronique à : doc.acdd.celis@gmail.com
avant le 1er décembre 2013.

Date limite de réponse et de confirmation / Deadline of acceptance : 31 janvier 2014.

Comité scientifique
Pascale Auraix-Jonchière, Pr Littérature française
Philippe Bourdin, Pr Histoire moderne
Baptiste Boyer, Dr Médecine légale
Anne-Blandine Caire, Pr Droit privé
Charles-André Dubreuil, Pr Droit Public
Pierre Ganivet, Mcf Histoire du Droit
Laurent Gerbaud, Pr Service de santé universitaire
Pierre-Michel Llorca, Pr Psychiatrie
Catherine Milkovitch-Rioux, Mcf Littérature française
Saulo Neiva, Pr Littérature portugaise et brésilienne
Bertrand Nouailles, Agrégé et Dr en Philosophie
Agnès Roche, Mcf Sciences Politiques

Comité d’organisation
Caroline Crépiat, Anaïs Gayte, Alice Juliet, Camille Moisan, Grégory Bouchaud, Gheorghe Derbac.

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