Biologie et société dans les classifications et la clinique
Appel à contributions
Les derniers débats sur le genre, à l'occasion de la nouvelle sortie de la cinquième édition du DSM, relancent des anciens débats sur l'interprétation de la maladie mentale et ses implications sur la vie des femmes et des hommes. Au carrefour de la séparation des disciplines, entre biologie et société, la psychiatrie doit faire face aux enjeux de la santé mentale, de l'éthique médicale et des politiques sanitaires. Dans ces contraintes peut-elle repenser les cadres nosologiques et la clinique à la lumière de la pensée du genre ? Ce colloque vise à explorer des issues pour un dialogue entre les différentes disciplines et les professions impliquées dans le domaine de la santé mentale à la recherche d'une nouvelle rencontre qui puisse faire état des connaissances actuelles sur le genre.
Argumentaire
Il a été souligné à plusieurs reprises comment l'expression genre fit son apparition durant les années 1950 aux États-Unis chez les scientifiques pour pouvoir expliquer et nommer les troubles de l'identité de genre, voire de la personne transexe. Et de quelle manière cette identité de genre pouvait apparaître comme une autre manière de biologiser le sexe du corps, introduisant la distinction entre sexe psychique et physique, qui permettait en clinique de faire l'impasse sur la dichotomie entre les sexes.
En réalité la question la différence entre les sexes accompagne l'histoire de l'aliénisme en étant l'une de ses caractéristiques fondatrices au XIXe siècle. À quelque rares exceptions, il ne s'agit pas au départ d'une apologie de la domination masculine, mais plutôt d'une légitimation des différents rôles sociaux au sein de la reproduction et la tentative de construire un savoir qui veut d'abord distinguer entre symptômes psychiques et organiques. Le trouble mental de la femme, réduit le plus souvent à une dimension génésique, permet aux yeux des médecins plus facilement que celui de l'homme de signaler le dépassement des frontières entre physiologie et pathologie. C'est à travers cette ambiguïté qu'il convient d'interpréter les nombreuses tentatives de la psychiatrie de dépasser la catégorie sexe pour en utiliser une autre, celle du genre, sans pouvoir pleinement parvenir à un dépassement du biologique en tant que cadre épistémologique légitimant, en dernière instance, la différence entre les sexes dans les diagnostics et dans le traitement de la maladie mentale.
Les difficultés posées par le concept de genre dans le débat médico-psychiatrique français se montrent à nouveau lors de la dernière controverse relative à la « dysphorie de genre », concernant le diagnostic et les traitements des transidentités. La question s'impose d'autant plus sous son aspect clinique car cette catégorie devient problématique dans la légitimation d'une pratique médicale qui vise à une réassignation du sexe par l'imposition de traitements hormonaux et / ou chirurgicaux. La psychiatrie contemporaine doit désormais faire face à la réflexion développée par les sciences humaines sur la dimension fortement normative du discours scientifique de la différence des sexes, un discours traversé par une norme de santé mentale construite autour du principe de la dualité des sexes et de la nature hétéro-orientée du désir sexuel.
L'approche de type pluridisciplinaire apparaît ainsi nécessaire pour comprendre les mécanismes d'élaboration conceptuelle, d'autant que d'autres pathologies incluent cette représentation, telles que les dysfonctions sexuelles, ou encore des troubles liés à la physiologie du corps féminin, dans lesquels on peut inclure la catégorie controversée du trouble dysphorique prémenstruel, désormais incluse dans la classification du DSM 5, ainsi que les troubles de la période périnatale.
Si la prise en compte du genre est désormais un élément incontournable dans le discours théorique de la psychiatrie, il est néanmoins vrai que cette catégorie est souvent utilisée en dehors de toute perspective critique, en tant que simple paramètre relevant du fait, incontesté, de la différence entre les sexes, alors que, au contraire, la question du genre devrait mener à une interrogation radicale de toute construction biologique et hiérarchisée, impliquant une nature féminine et masculine.
Dans ce colloque il s'agira alors de comprendre en quelle mesure la psychiatrie française participe au débat international sur les classifications concernant le genre, de quelle manière elle produit un savoir autonome, et comment elle intègre les réflexions psychanalytiques. Si certains psychiatres français ont exercé une résistance vis-à-vis des principes exprimés par la classification du DSM, l'absence de bilans analysant la prise en compte effective de telles questions par les professionnels de la santé mentale, empêche une évaluation globale de l'attitude de la psychiatrie française vis-à-vis des questions du genre et des sexualités.
Il s'agira alors de faire un état de lieux sur ce dialogue entre sciences humaines, naturelles et médecine afin de évaluer le décalage existant entre la réflexion épistémologique, les critères diagnostics, la clinique et les traitements -offerts- ou imposés.
Cinq axes seront privilégiés autour de la question du genre :
- histoire ;
- épistémologie ;
- pratiques médicales ;
- questions éthiques / juridiques ;
- identité, subjectivité, altérité.
Les propositions d'intervention (une à deux pages dans lesquelles seront explicités le contenu de l'intervention, l'objet empirique, la méthode d'enquête ainsi que quelques repères théoriques) sont à envoyer à : gendpsy@gmail.com
avant le 15 juillet 2013
Comité scientifique
Participants au projet « Défi genre » 2013 du CNRS
Jean Christophe Coffin, Paris Descartes/Centre Alexandre Koyré UMR 8560
Silvia Chiletti, Centre Alexandre Koyré UMR 8560, Paris
Francesca Arena, Telemme, Aix Marseille Université
Irène François, CHU de Dijon/Université de Bourgogne
Participants au projet « Défi genre » 2013 du CNRS
Jean Christophe Coffin, Paris Descartes/Centre Alexandre Koyré UMR 8560
Silvia Chiletti, Centre Alexandre Koyré UMR 8560, Paris
Francesca Arena, Telemme, Aix Marseille Université
Irène François, CHU de Dijon/Université de Bourgogne
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