Journées d’études interdisciplinaires organisées par Questes
Appel à communication
Vendredi 14 et samedi 15 juin 2013 en Sorbonne
Vendredi 14 et samedi 15 juin 2013 en Sorbonne
Princes à mort sont destinez,
Et tous autres qui sont vivans ;
S’ils en sont coursez ou tennez,
Autant en emporte ly vens.
Nombreux sont ceux qui, au Moyen Âge, à l'image de François Villon dans l'une des ballades de son Grand Testament,
se sont attachés à souligner la fragilité de l'existence humaine.
L'attention portée aux pauperes et à leur protection se lit partout :
dans la lettre de Rémi évêque de Reims saluant l'arrivée de Clovis au
pouvoir, dans les sermons des frères mendiants, dans les miniatures
représentant Saint Louis en train de nourrir de pauvres gens ou de laver
leurs pieds. Même si le terme de « précarité » n'existe pas en moyen
français, contrairement à l'adjectif « précaire », la notion qu'il
recouvre, entendue au sens contemporain de la contingence et de la
vulnérabilité qui caractérisent les êtres et les choses, a un caractère
central dans la pensée et l'imaginaire des sociétés médiévales. Elle
reste malgré tout difficile à appréhender, ne serait-ce que pour des
raisons de sources. Les populations les plus vulnérables sont en effet,
sans grande surprise, celles qui ont laissé les traces les plus ténues
et les plus fragiles.
La journée d'études organisée par le groupe Questes les 14 et 15 juin
2013 se propose donc de prendre pour objet la notion de précarité, qui
est en France, depuis le début des années 1980, au cœur des discours
politiques, administratifs et scientifiques sur l'analyse des sociétés
contemporaines. Il s'agira de s'interroger sur la pertinence de cette
notion dans le contexte médiéval en la confrontant aux termes de
fragilité et d'instabilité qui sont couramment employés en moyen
français dès le XIVe siècle.
Un premier axe de réflexion pourra donc porter sur ceux dont la
précarité est identifiée par les chercheurs contemporains comme un
élément constitutif de leur condition. Il importera de s'intéresser à la
fois aux statuts juridiques de ces groupes ou individus, mais aussi à
leurs niveaux de vie, à leurs modes d'existence, à leur insertion
sociale, par le travail ou la participation à la vie publique, et à
leurs rapports avec les élites... De manière complémentaire,
l'identification par les sociétés médiévales elles-mêmes de ceux
qu'elles désignent comme faibles, démunis ou chétifs intéresse également
le sujet. Le vocabulaire employé pour qualifier ces groupes ou ces
individus, mais aussi les représentations artistiques ou littéraires qui
en sont faites, et surtout le rôle politique et religieux qui leur est
assigné pourront être envisagés. Nous aimerions par exemple réfléchir
sur le rôle de protecteur des faibles qui incombe au bon prince, dont
Saint Louis est l'un des archétypes. L'ambiguïté de la figure du pauvre,
vu aussi bien comme instrument du salut que comme menace pour le reste
de la société, est une autre dimension du thème. Le développement à
partir du XIIIe siècle des ordres mendiants et de l’idéal de pauvreté
volontaire qu’ils promeuvent en la distinguant bien de la pauvreté subie
participe pleinement à ce renouvellement de l’approche du dénuement au
Moyen Âge et témoigne de cette ambiguïté. Enfin, le statut incertain des
veuves, des bâtards, des étrangers est souvent au cœur des intrigues
romanesques, comme des débats juridiques ou des conflits politiques.
Dans un deuxième temps, la précarité pourra apparaître comme
constitutive de l'existence de tous. Interroger la notion de fragilité,
c’est donc prendre en compte la menace constante qui pèse sur les hommes
du Moyen-Âge et qui conditionne leurs mentalités. Les pratiques
médiévales identifient ainsi des moments particulièrement périlleux de
toute vie : les grossesses, les accouchements et la petite enfance, mais
aussi les voyages à longue distance sont l'occasion d'une prise de
conscience de la fragilité de l'existence et s'accompagnent souvent de
la rédaction de testaments et d'un appel à la protection divine. Le
discours allégorique et moralisant fonde sa rhétorique sur la notion
d’instabilité, qui menace d'autant plus que l'individu est puissant ; la
poésie consacre la figure de l’infortuné ainsi que le thème des unions
malheureuses ; le roman rappelle l’instabilité intrinsèque de l’être par
la folie épisodique de ses héros ; les danses macabres et surtout les
roues de fortune déplorent en même temps qu'elles illustrent les
caprices du sort auxquels tous sont soumis.
Un troisième moment de la réflexion pourra concerner les différentes
stratégies mises en place, au niveau individuel ou collectif, pour faire
face à cette peur de la mort, de la déchéance ou de la damnation. Les
réponses apportées par les prédicateurs et les théologiens au problème
universel du salut en sont la manifestation la plus immédiate. L'analyse
pourra également se pencher sur les mesures concrètes mises en œuvre
par les institutions religieuses et les autorités publiques pour
accueillir les pauvres et les malades, dans les hôpitaux par exemple, et
sur leur évolution au cours de la période. Les diverses stratégies
développées par les milieux populaires pour se garantir contre une
précarité qui semble constitutive de leur condition sociale pourront
être envisagées aussi bien sous l'angle des solidarités familiales,
professionnelles ou territoriales que sous ceux de la mobilité
géographique ou professionnelle et de la résistance à la domination des
élites. Les symboles choisis par l'iconographie et la littérature
médiévales pour évoquer la fragilité de la vie humaine et pour en
conjurer l’angoisse seront également au cœur de notre étude. On pourra
aussi envisager la façon dont la littérature exploite ces notions d’un
point de vue poétique : le principe de l’instabilité des destinées sert
de moteur narratif dans les romans et les textes hagiographiques ;
l’œuvre médiévale elle-même, instable par nature, naît d’un matériau
fragile qu’elle met en scène dans les prologues notamment. Finalement,
l'ambiguïté intrinsèque de la notion, aussi bien sur le plan moral
qu'esthétique, pourra être interrogée.
Nous souhaitons que cette journée permette de confronter les approches
de différentes disciplines, grâce à des communications de doctorants
médiévistes en littérature, histoire, philosophie, histoire de l'art,
histoire du droit, linguistique et musicologie. Les communications,
d'une durée de 20 minutes, pourront faire l'objet d'une publication
d'actes aux Presses Universitaires de Paris Sorbonne, après soumission à
un comité de lecture.
Nous vous remercions par avance de faire parvenir vos propositions d'une
demi-page environ, en mentionnant votre université de rattachement,
votre statut et vos thèmes de recherche, avant le 24 mars 2013 à Diane Chamboduc, Aurélie Houdebert et Cécile Troadec à l'adresse dédiée : j.etudes.questes2013@gmail.com.
Responsables : Diane Chamboduc de Saint Pulgent, Aurélie Houdebert, Cécile Troadec
Source de l'information : http://questes.hypotheses.org/
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