mardi 30 mars 2021

Endométriose et inégalités

Endométriose et inégalités. Expériences, expertise et problème public

Appel à communications

Cette journée d’étude a pour objectif de rassembler pour la première fois en France des chercheur·e·s en sciences sociales autour de l’étude de l’endométriose. Malgré sa prévalence importante, son caractère invalidant et son ancienneté, cette maladie reste sous-étudiée tant dans le domaine médical qu’en sciences sociales. Ainsi, cette rencontre propose d’établir un état des lieux des recherches et d’engager la réflexion autour de la prise en charge ou absence de prise en charge de l’endométriose et des inégalités sociales qui s’y jouent. Elle a ainsi pour but de poser les bases d’une réflexion commune autour d’une pathologie qui soulève de nombreux questionnements. L’étude de l’endométriose intéresse en effet divers champs des sciences sociales, notamment sur la santé, les mouvements sociaux, la profession médicale et le travail, la sexualité et les rapports de genre, ou encore l’action publique.



Présentation

Le comité d’organisation des journées d’études « Endométriose et inégalités. Expériences, expertise et problème public » a le plaisir de vous annoncer la publication de l’appel à communication de l’événement qui se déroulera les 21 et 22 octobre 2021 à la MSH Paris Nord - ou en ligne si les conditions sanitaires l’imposent. Cette manifestation scientifique a pour objectif de rassembler pour la première fois en France des chercheur·e·s en sciences sociales autour de l’étude de l’endométriose. Cet appel à communication est ouvert à tou·te·s les chercheur·se·s en sciences humaines et sociales (sociologie, science politique, histoire, anthropologie…).

Argumentaire

Cette journée d’études a pour objectif de rassembler pour la première fois en France des chercheur·e·s en sciences sociales autour de l’étude de l’endométriose. Malgré sa prévalence importante, son caractère invalidant et son ancienneté, cette maladie reste sous-étudiée tant dans le domaine médical qu’en sciences sociales. Ainsi, cette rencontre propose d’établir un état des lieux des recherches et d’engager la réflexion autour de la prise en charge ou absence de prise en charge de l’endométriose et des inégalités sociales qui s’y jouent. Elle a ainsi pour but de poser les bases d’une réflexion commune autour d’une pathologie qui soulève de nombreux questionnements. L’étude de l’endométriose intéresse en effet divers champs des sciences sociales, notamment sur la santé, les mouvements sociaux, la profession médicale et le travail, la sexualité et les rapports de genre, ou encore l’action publique.

Depuis quelques années dans l’espace francophone et plus largement dans les pays occidentaux, on assiste à la politisation et la médiatisation croissante de l’endométriose. En effet, suite à la mobilisation conjointe d’associations de malades et de professionnel·le·s, l’endométriose commence à s’imposer comme un enjeu de santé publique. L’endométriose est une maladie chronique qui touche au moins une femme (AFAB) sur dix dans les pays occidentaux (Shafrir et al., 2018), soit près de 2,5 millions de personnes en France selon le Ministère des Solidarités et de la Santé. Elle se caractérise par la présence de cellules semblables à celles de l’endomètre à l’extérieur de l’utérus provoquant des lésions et des kystes sur d’autres organes (ovaires, trompes de Fallope, vessie, intestin, poumons, diaphragme…) ou des adhérences entre organes. Les symptômes de l’endométriose sont très variés (douleurs pelviennes, infertilité, douleurs lors des rapports sexuels, fatigue chronique, troubles digestifs et urinaires…).À nos jours, aucune cure n’existe et les traitements préconisés, hormonaux et/ou chirurgicaux, permettent seulement d’atténuer certains symptômes.

Alors qu’elle est connue depuis la deuxième moitié du XIXe siècle, l’endométriose est sujette à de faibles préoccupations publiques depuis seulement le début du XXIe siècle et reste globalement sous-étudiée et sous-diagnostiquée (Seear, 2009a ; Jones, 2015). L’ignorance autour de l’endométriose peut être expliquée par des discriminations de genre mais aussi de classe et de race. En effet, l’endométriose a été historiquement associée à une maladie de femme blanche de classe sociale supérieure privilégiant leur carrière à la maternité (Capek, 2000 , Shohat, 1998 ; Jones 2016). En raison du manque de connaissances sur les douleurs gynécologiques en général et l’endométriose en particulier, cette maladie est tardivement détectée et l’offre thérapeutique limitée. Les travaux existants et les associations de patientes pointent ainsi les conséquences néfastes de la normalisation et la psychologisation des douleurs de règles (Ballweg, 1997 ; Jones, 2015 ; Seear, 2014). Des voix s’élèvent également pour pointer les facteurs environnementaux dans le développement de la maladie (Capek, 2000), qu’il s’agisse des perturbateurs endocriniens en général ou de l’impact de polluants et insecticides comme le chlordécone sur certains territoires, qui pourrait par exemple expliquer une prévalence plus importante chez les populations antillaises (Lordinot, 2020).

Bien que très répandue, cette maladie fait l’objet de très peu de recherches en sciences sociales, notamment dans l’espace francophone. Au sein de l’espace anglophone, une première partie des travaux sur l’endométriose porte sur la construction sociale de l’endométriose au prisme du genre, critiquant notamment son cadrage initial comme une maladie reproductive à travers l’expression de « maladie de la femme active » (career woman’s disease) (Carpan, 2003). Jones (2016 ; 2020) dénonce notamment l’invisibilisation des formes de vie minoritaires, notamment lesbiennes et trans’, dans la définition médicale de l’endométriose et de ses symptômes, promouvant une approche intersectionnelle et queer. L’autrice appelle à analyser l’endométriose à l’aune des études féministes sur le handicap. Un autre ensemble de recherches qualitatives sur l’endométriose s’est focalisé sur l’analyse de sources textuelles : d’un côté sur les instruments de mesure de la douleur et sur la production des connaissances en gynécologie, à partir d’une analyse de publications médicales (Whelan, 2003 ; 2009), de l’autre sur la littérature dite de « self-help » et ses ambiguïtés (Seear, 2009d ; 2014). Enfin, la majeure partie des travaux sur l’endométriose porte sur l’expérience des personnes qui vivent avec cette maladie. Parmi eux, deux portent sur les dynamiques de construction d’une expertise profane : Kate Seear l’appréhende dans sa dimension quotidienne comme une forme de travail (Seear, 2009b) tandis que Emma Whelan l’aborde à partir de sa dimension collective au sein de groupes de patientes conçues comme des « communautés épistémiques » (Whelan, 2007). Les recherches sur le vécu de la maladie dénoncent une déconsidération des malades et de la maladie, un manque de formation des professionnel·le·s de la santé, des erreurs de traitement et un retard de diagnostic entraînant l’errance et le scepticisme des usagères de soin. L’endométriose est ainsi décrite comme ayant un impact psychologique et social significatif sur la qualité de vie (Cox et al., 2003a, b, c ; Denny, 2004a, b, 2009 ; Denny et Mann, 2007a, b ; Manderson et al., 2008 ; Markovic et al., 2008 ; Culley et al., 2013 ; Hudson et al., 2016 ; Moradi et al., 2014 ; Seear, 2009a, b, c, d, 2014 ; Griffith, 2020).

Cette journée d’étude vise à prolonger la discussion ouverte par les travaux menés dans l’espace anglophone. Ces recherches pointent en effet des dynamiques structurelles autour de l’endométriose que l’on retrouve à l’oeuvre sur nos terrains respectifs en France. Cependant, nous souhaitons poursuivre ce dialogue en l’enrichissant des recherches menées dans l’espace francophone européen, la démarche comparative nous permettant de mieux saisir les spécificités des différents espaces nationaux, notamment en termes d’organisation des soins et de politiques de santé publique. De plus, il apparaît d’après cette brève revue de la littérature que la grande majorité des travaux existants portent sur les trajectoires biographiques, diagnostiques et thérapeutiques des malades, ce qui laisse notamment deux champs d’analyse3largement sous-étudiés : l’étude des pratiques professionnelles des médecins impliqués dans la prise en charge de l’endométriose et l’analyse de la construction de l’endométriose comme problème public.


Axes thématiques

Les propositions pourront s’inscrire dans un ou plusieurs des trois axes de réflexion suivants :

- Axe 1 : Trajectoires des malades et vie quotidienne

Au sein de ce premier axe, on pourra s’interroger sur les expériences des personnes atteintes d’endométriose aux différents moments de leurs trajectoires : période pré-diagnostique parfois qualifiée d’errance, diagnostic médical et autodiagnostic, parcours thérapeutiques entre médecine classique et traitements complémentaires et alternatifs, vie quotidienne à l’intersection de plusieurs sphères d’existence (famille, sexualité, travail, loisirs, etc.). Plusieurs questionnements peuvent ici être suivis, autour de l’expérience vécue de la maladie, des logiques de « gestion » de la maladie en fonction des temporalités et des mondes sociaux, et du « travail de patiente » (Strauss et al., 1985 ; Corbin et Strauss, 1988). Quelles sont les conséquences biographiques de cette maladie chronique ? Comment les personnes concernées en arrivent-elles à se constituer, voire à revendiquer, des savoirs expérientiels, des expertises profanes, et à formuler des critiques et des attentes à l’égard de la prise en charge médicale et sociale de l’endométriose ?

L’objectif est ici notamment de s’interroger sur l’impact des disparités sociales, géographiques et économiques sur les inégalités d’accès au diagnostic et à l’offre thérapeutique, mais également de questionner les répercussions inégales de la maladie sur la vie quotidienne et la vie professionnelle en fonction des origines sociales et des rapports de genre. La non-reconnaissance des conséquences de l’endométriose sur la vie professionnelle renforce par exemple les inégalités de genre au travail (Romerio, 2020). Il s’agit également d’analyser les représentations et discriminations liées à l’âge, aux orientations sexuelles et aux identités de genre dans les parcours biographiques et dans les interactions avec les professionnel·le·s de santé.

- Axe 2 : Savoirs et pratiques professionnelles

Ce deuxième axe vise à appréhender les dynamiques de construction des savoirs et d’élaboration des pratiques professionnelles, tant au niveau des discours savants sur la maladie dans différentes arènes (notamment les publications médicales) que des pratiques de soin en situation, et ce particulièrement en gynécologie, qui a établi une forte juridiction autour de l’endométriose. La question des pratiques effectives des professionnel·le·s de soin en général et des gynécologues en particulier dans la prise en charge de l’endométriose est largement absente des publications existantes, dans lesquelles les pratiques médicales tendent à être homogénéisées sans qu’elles aient fait l’objet d’une enquête de terrain spécifique (à l’exception de Griffith, 2020). L’endométriose est pourtant une porte d’entrée particulièrement pertinente pour interroger l’hétérogénéité interne au monde médical, dans la mesure où elle est un objet de débats, voire de controverses, et soulève de forts enjeux de coordination entre des domaines4médicaux et paramédicaux divers ou éclatés, entrainant notamment une redéfinition des juridictions traditionnelles.

On pourra s’interroger tant sur les questions de cadrage et de définition de l’endométriose, que sur la manière dont cette catégorie médicale (l’endométriose) est travaillée en situation de soin et dont elle met les professionnel·le·s à l’épreuve. Décrire la manière plurielle dont les médecins élaborent une expertise autour d’une entité incertaine devrait permettre de mieux comprendre les enjeux du diagnostic et des traitements tels qu’ils sont vécus par les usagèr·e·s (Millepied, 2020). Les expertises profanes et les critiques qu’elles introduisent en direction des savoirs conventionnels sont aussi de potentielles pistes de réflexion.

- Axe 3 : L’endométriose comme problème public

Ce dernier axe est l’occasion d’interroger les enjeux de collectivisation, politisation et problématisation publique de l’endométriose. Comme nous l’avons souligné précédemment, ce point est l’un des moins abordés dans la littérature existante sur l’endométriose. Il paraît pourtant essentiel de questionner les conditions d’émergence de l’endométriose dans l’espace public. La transformation de l’endométriose en problème public a fait l’objet de différents cadrages, les deux plus visibles étant la santé publique et la cause des femmes. Le travail de problématisation et de publicisation de l’endométriose s’est fait à l’intersection de plusieurs mouvements et arènes sociales, notamment sous l’impulsion première des associations de patientes, avec la mobilisation de médecins dont certains se sont faits porteurs de la cause.

Cet axe est alors l’occasion d’appréhender la pluralité de l’espace de la cause de l’endométriose et les lignes argumentatives qui s’y déploient. Quelles arènes sont investies (institutions de santé publique, associations, médias, réseaux sociaux) et quelles formes la mobilisation prend-elle (forums, conférences, débats, marches, participation à la recherche scientifique) ? Quels sont les principaux problèmes mis en discussion (par exemple : l’errance diagnostique, des traitements inadéquats, le manque de formation des professionnel·le·s de soin, le sous-développement de la recherche scientifique, les préjugés de genre, etc.) ? De quelle manière les mouvements féministes se saisissent-ils de ce sujet ? Comment la question des inégalités de santé et des rapports sociaux de domination est-elle investie et façonnée au sein de cet espace public de l’endométriose ?


Modalités de proposition

Cet appel à communication est ouvert à tou·te·s les chercheur·se·s en sciences humaines et sociales. Les propositions faites par de « jeunes chercheur·se·s » (master, doctorat) sont largement encouragées.Le résumé, de 3000 caractères (maximum) devra :
  • Comporter un titre
  • Indiquer le nom des auteur·e·s et leurs institutions de rattachement
  • Préciser le matériau mobilisé
  • Donner un aperçu des premiers résultats

Les propositions sont attendues
pour le 2 mai 2021

et doivent être envoyées à l’adresse suivante : je.endometriose@gmail.com.

Suivant le nombre de contributions reçues, le comité d’organisation se réserve la possibilité d’organiser cet événement sur deux jours.

Les journées d’études se tiendront, si les conditions sanitaires le permettent, à la MSH Paris Nord les 21 et 22 octobre 2021.

Dans la mesure du possible, une partie des éventuels frais liés à la participation à cet évènement pour les non-francilien·ne·s sera prise en charge.

Comité d’organisation
Anne-Charlotte Millepied (EHESS, Iris ; Université de Genève)
Margaux Nève (EHESS, IIAC ; EHESP)
Alice Romerio (CREAPT, Ceet-CNAM ; Cresppa)

Comité scientifique
Hélène Bretin (Université Sorbonne Paris Nord, IRIS)
Tommy de Ganck (Université Libre de Bruxelles, MMC)
Laure Pitti (CNRS, Cresppa)
Lucile Ruault (CNRS, Cermes3)

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