Conférence de M. Francis WOLFF (Ecole Normale Supérieure, Paris)
dans le cadre du séminaire BIOLOGIE ET SOCIETE. Sciences cognitives, neurosciences et sciences sociales sous la direction de Henri ATLAN et Claudine COHEN
Le lundi 3 février 2014 de 15 h à 17 h
96 Boulevard Raspail - Salle Lombard (rez-de-jardin)
Un beau jour, à la fin du siècle dernier, l’homme a changé. Considéré à la lumière de la psychanalyse ou de l’anthropologie culturelle depuis une trentaine d’années, il était soumis au poids des structures, déterminé par ses conditions sociales ou familiales, gouverné par des désirs inconscients, dépendant de son histoire, de sa culture, de sa langue. C’était en somme un « sujet assujetti ». Cet homme des sciences humaines et sociales qui, au milieu du siècle, s’épanouissait dans le paradigme structuraliste de Lévi-Strauss, Benveniste ou Lacan, et qui triomphait encore chez Bourdieu, cet homme-là s’est effacé furtivement du paysage. De nouvelles sciences nous parlaient d’un nouvel homme. C’était les neurosciences, les sciences cognitives, la biologie de l’évolution. L’homme qu’elles dessinaient n’avait rien à voir avec le précédent : il était soumis au poids de l’évolution des espèces, déterminé par ses gènes, dépendant des performances de son cerveau. C’était en somme un « animal comme les autres ». On était passé de l’« homme structural » à l’« homme neuronal », selon le titre du livre marquant de Jean-Pierre Changeux. On avait « changé de paradigme ».
La controverse n’est pas que théorique ; elle a des enjeux pratiques. Car notre façon de prendre en charge les autistes ou les anorexiques, de réprimer ou de soigner l’homosexualité ou justement de ne pas la réprimer ni la soigner, d’éduquer les enfants ou de punir les délinquants, de traiter les animaux ou de mesurer le pouvoir des machines, dépendent de la définition que l’on donne de l’homme. En changeant d’humanité, on bouleverse forcément nos grilles d’évaluation morale et juridique. Car de la réponse à la question « qu’est-ce que l’homme ? », dépendent ce que nous pouvons connaître et ce que nous devons faire.
Nous nous proposons d’analyser les principes épistémologiques de ces deux paradigmes et d’esquisser leurs conséquences morales et politiques.
Francis Wolff, philosophe, historien de la philosophie, est professeur de philosophie à l’Ecole Normale supérieure (Ulm), dont il a été également le Directeur adjoint (Lettres et sciences humaines). Spécialiste de la pensée antique, particulièrement d’Aristote, de Platon et des Epicuriens, il a également développé dans plusieurs ouvrages les concepts et les thèmes d’un humanisme critique. Il tient régulièrement à l’ENS un séminaire de philosophie générale dont les séances sont consultables en lignehttp://savoirsenmultimedia.ens.fr/
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