mercredi 12 juin 2019

Enfances (dé)colonisées

Enfances (dé)colonisées

Appel à articles 

Revue d’histoire de l’enfance « irrégulière » | Numéro thématique 22 – 2020


L’historiographie croisant les thématiques des Childhood and Youth Studies et des Colonial/Postcolonial Studies a produit depuis plusieurs années des études qui démontrent l’importance de la place et du rôle des enfants et des jeunes dans les constructions impériales. En 2012, la Revue d’histoire de l’enfance « irrégulière » (RHEI) a participé au développement de ce champ en consacrant un numéro aux « Enfances déplacées en situation coloniale » (n°14, 2012). Elle entend poursuivre l’exploration de nouvelles pistes de recherche en consacrant son numéro 22 (2020) à la protection de l’enfance en situations coloniales et postcoloniales.

Cadre 

On retient ici la définition de l’enfance comme catégorie d’âge juridique entre la naissance et la majorité civile. L’espace concerné comprend les pays colonisés devenus indépendants. La période historique considérée s’étend de l’après Seconde Guerre mondiale à la fin des années 1970. Les périodes de transition entre situation coloniale et postcoloniale sont privilégiées ainsi que les processus d’émancipation des peuples interrogeant la prise en charge de l’enfance à protéger.

Approches

Dans un ensemble complexe de questions politiques et sociales, démographiques et populationnistes, philosophiques et religieuses, les enjeux coloniaux et post-coloniaux de l’enfance irrégulière ont produit des biopolitiques spécifiques. Concept avancé à la fin des années 1970 par Michel Foucault, « attentif aux mécanismes spécifiques qui encadrent la vie des individus et des populations », la biopolitique – ou pouvoir sur la vie et les êtres humains – et la gouvernementalité en tant que conduite des conduites constituent des entrées opérantes.

Les projets coloniaux, quelle que soit la puissance coloniale, ont attribué une forte importance socio-politique à la prise en charge d’enfants et d’adolescents abandonnés à leur sort – ou perçus comme tels – pour des raisons très variables, notamment économiques ou racialistes, alors que les États nouvellement indépendants ont parfois vu dans l’enfance et la jeunesse un vivier pour construire un État nouveau et créer de nouvelles solidarités. S’appliquant à des individus vulnérables ou définis comme tels, l’expérience de la prise en charge a pu être ressentie par les enfants de manière passive et douloureuse, sans qu’il leur soit possible de résister aux injonctions en raison de la soumission attendue de la jeunesse, du renvoi à une identité racisée aliénante, de la construction de hiérarchies raciales, des assignations genrées… D’où l’intérêt de convoquer les notions d’empowerment/agency des jeunes en situation coloniale et post-coloniale et d’analyser leur rapport à l’autorité des institutions.

La question de l’intime et la construction subjective des enfants eux-mêmes sont également des approches privilégiées. Leurs différents modes d’expression doivent être analysés afin de mieux comprendre comment ils ont vécu leur protection (ou l’absence de protection) en contexte colonial/postcolonial, et comment elle a contribué à construire leur identité sociale.

Contre les engagements anticolonialistes de la jeunesse, les pouvoirs coloniaux ont déployé une action sociale autant qu’ils ont mobilisé leurs appareils coercitifs et répressifs. Les États nouvellement indépendants ont eu ensuite à leur charge de s’occuper des enfants et des jeunes vulnérables, contestataires ou « irréguliers », dans le cadre de nations et de projets politiques en construction, s’inscrivant dans la continuité du moment colonial ou réactivant des logiques plus anciennes de solidarité ou de mise à l’écart.

La dimension genrée de la prise en charge est à interroger, selon les espaces et les époques, dans une perspective intersectionnelle.

Les réalités complexes entrant dans les thématiques de ce numéro peuvent être étudiées à partir de sources très variées. Outre les archives publiques qui reflètent les différentes politiques menées, les sources écrites et orales d’associations ou d’autres organisations permettent de cerner les rôles d’acteurs non-étatiques. Les paroles, plus ou moins critiques, de celles et de ceux qui sont les premières personnes concernées par cette histoire – c’est-à-dire les enfants et les jeunes eux-mêmes – sont irremplaçables. 

Thématiques

Il s’agit de porter attention à la confrontation des réalités coloniales/postcoloniales avec les modèles, les formes et les modalités de prise en charge de l’enfance vulnérable, inadaptée, handicapée, délinquante, « irrégulière ».

Les articles pourront porter sur les thématiques suivantes (liste non exhaustive) :
  • Les acteurs de la protection et de la prise en charge des enfants et des jeunes : services de l’Etat, congrégations religieuses, associations locales, familles… ;
  • L’étude des articulations (ruptures et continuités) entre colonisation et décolonisation, les prolongements de celle-ci dans celle-là, les cultures postcoloniales de la protection de l’enfance 
  • Au-delà des cadres imposés par les colonisateurs, les circulations transcoloniales des modèles de prise en charge, le rôle des organisations transnationales/internationales ;
  • La prévention et le traitement de la délinquance juvénile ;
  • L’agentivité/empowerment des enfants et des jeunes pris en charge.

Coordination du numéro
Yves Denéchère, professeur d’histoire contemporaine, Université d’Angers, directeur du programme pluridisciplinaire EnJeu[x] Enfance et Jeunesse.
Violaine Tisseau, chargée de recherche au CNRS, Institut des Mondes africains.

La Revue d’histoire de l'enfance "irrégulière" est spécialisée dans le champ de l'enfance et de la jeunesse marginales ou marginalisées. Elle s'intéresse à l'enfant de justice (délinquant), mais aussi à l'enfant victime, à l'orphelin, au vagabond, ainsi qu'aux politiques législatives et institutionnelles et aux pratiques pédagogiques mises en œuvre pour prendre en charge cette jeunesse et cette enfance " irrégulières " en France et hors de France. Revue scientifique à comité de lecture, elle est le fruit d'une collaboration entre l'École nationale de protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ) et l'Association pour l'histoire de la protection judiciaire des mineurs (AHPJM). La Revue d'histoire de l'enfance "irrégulière" cherche aussi à établir des liens entre la recherche historique et le milieu professionnel de l'éducation spécialisée.


Modalités de soumission

Les propositions de contribution, en français ou en anglais, d’une page maximum, doivent préciser les sources mobilisées et la méthodologie utilisée.
Elles sont à adresser avant le 30 juin 2019, accompagnées d’un court CV, aux adresses suivantes : yves.denechere@univ-angers.fr et tisseau@mmsh.univ-aix.fr

Sélection des propositions : début juillet 2019.

Remise des articles (environ 45 000 signes) en octobre 2019, et un retour des évaluations en décembre 2019.

Allers et retours auteurs, coordinateurs du numéro : printemps 2020.

Parution du n°22 de la RHEI : automne 2020.

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