lundi 25 juin 2018

Les malades et leurs proches

Les malades et leurs proches. L’histoire de la santé au ras de l’expérience vécue de la maladie, de l’Antiquité à nos jours.

Appel à communications  


Colloque bisannuel du réseau de recherche Historiens de la santé


9 et 10 mai 2019
Montréal, UQAM

L’histoire de la médecine ne fut longtemps que le récit glorieux de la vie des grands médecins, de leurs découvertes, de leurs théories et de leurs exploits. Il fallut attendre les dernières décennies du XXe siècle pour voir émerger une histoire de la santé qui ne se limite pas à être l’histoire des seules sciences médicales, de leurs héros et de leurs institutions. En 1974, Jacques Revel et Jean-Pierre Peter[1] affirmaient ainsi que le corps vécu de l’homme malade appartenait désormais aux nouveaux objets de l’histoire. Pourtant, peu nombreux furent les historien.ne.s francophones à entendre cet appel, tout comme d’ailleurs celui lancé quelques années plus tard par l’historien britannique Roy Porter pour l’écriture d’une histoire de la médecine « par le bas »[2]. L’histoire de la médecine dans l’espace francophone resta en effet longtemps éloignée (particulièrement en France) de ce renouveau historiographique qui mettait l’accent sur le vécu « profane » de la maladie et sur l’expérience subjective du soin.

Depuis le début du XXIe siècle, l’histoire de la santé en français connaît heureusement un renouveau qui fait la part belle à cette perspective historiographique « au ras du sol »[3]. Les projets de recherche explorant l’expérience vécue de ceux que l’on nomme, selon les époques, les laïcs, les profanes ou simplement les non-médecins, se sont multipliés et plusieurs monographies marquantes ont vu le jour pour rappeler le rôle central de ces acteurs à part entière de l’exercice des soins de santé[4]. De plus, au-delà de l’histoire de la santé, l’intérêt renouvelé des historiens et historiennes pour les égodocuments contribue également à mettre de l’avant l’expérience subjective de la maladie et du soin comme des dimensions essentielles de l’histoire sociale et culturelle. Force est néanmoins de constater que ces travaux, s’ils sont de plus en plus nombreux, restent éparpillés, que ce soit du fait de la séparation des historiographies, par exemple entre l’histoire de la santé et l’histoire de la famille, ou à cause de l’absence de cursus ou d’espaces institutionnels propres à l’histoire de la santé dans la majorité des pays francophones.

C’est pour lutter contre cet éparpillement et pour tenter de dresser un état des lieux des travaux francophones sur l’histoire de l’expérience vécue de la maladie par les malades et leurs proches que le réseau Historiens de la santé a choisi d’organiser son quatrième colloque bisannuel sur ce thème. Cette rencontre vise en effet à rassembler les chercheur.e.s en histoire de la santé qui s’intéressent, indépendamment de leur approche comme de l’époque ou de l’espace géographique de leur étude, à l’expérience vécue de la maladie et de la santé par les malades, leurs familles ou leurs proches. L’objectif est d’ouvrir un espace d’échanges et de débats autour du vécu de ces « profanes », de leur rôle dans l’histoire des soins de santé, et de leur place dans son historiographie actuelle.

Parmi les thématiques pouvant être abordées, on retiendra ainsi, sans exhaustivité aucune :

1. Les représentations « profanes » de la santé et de la maladie
Comment les malades, mais aussi leurs proches, conçoivent la maladie et l’expérience du soin ? Quelles visions ont-ils de la guérison et de la santé ? Quels rapports ces représentations entretiennent avec les représentations médicales des « experts » ? Comment interviennent-elles dans le travail du soin ?

2. Les relations des malades avec leurs proches
Comment s’organisent les relations intrafamiliales ou amicales pendant la maladie ? La famille peut-elle être un espace de soin ? Comment se comportent les malades à l’égard de leurs proches et comment les proches réagissent à l’intrusion du mal ? La maladie favorise-t-elle le resserrement des liens ou conduit-elle au contraire à leur relâchement ? Comment les proches interviennent-ils dans l’expérience de la maladie ou du soin ? Quels rôles jouent les proches auprès du malade lorsqu’il ou elle est en relation avec un.e soignant.e ?

3. Les relations des malades et de leurs proches avec les soignant.e.s
Quel rôle jouent les proches dans le choix d’un.e soignant.e ? Quelle place ont-ils dans la relation soignant-soigné ? Comment la présence de la famille ou des amis interagit-elle avec le travail du soin ? Comment les soignant.e.s perçoivent les proches et leur influence sur le ou la malade, sa maladie ou son traitement ? Quel rôle jouent les proches dans l’adoption ou le rejet de la posture de patient.e ?

4. Les proches comme soignant.e.s et les soignant.e.s comme proches
Les soignant.e.s peuvent-ils devenir des proches ? Comment s’organise la relation de soin lorsque le ou la soignante est un.e proche du ou de la malade ? Les proches peuvent-ils faire de bons soignant.e.s ? Quelle est la place de l’amitié ou de l’amour dans la relation de soin ? Quel regard l’éthique porte-t-elle sur ces questions ?

5. Les malades et leurs proches face aux services gestionnaires de soins
Comment les malades et leurs proches vivent leurs relations avec le système de santé ? Quelle expérience font-ils des services de santé, depuis le guichet d’accueil jusqu’au service de paiement, en passant par la salle d’attente, la rencontre de différents intervenants ou les démarches administratives ? Comment perçoivent-ils et sont-ils perçus par l’administration hospitalière ou les gestionnaires de la santé ? Qu’est-ce, au final, qu’être un usager du système de santé ?


6. Les sources de l’histoire de cette expérience « profane » de la maladie
Où trouver la trace de l’expérience vécue de la maladie et du soin par les malades et les proches ? Les égodocuments sont-ils les seules sources d’une histoire de la maladie « par le bas » ? Les dossiers de patients ou les cas présentés dans les traités médicaux peuvent-ils nous permettre d’accéder à l’expérience vécue des malades ou de leurs proches ? Comment se consigne, s’archive ou se raconte l’expérience de la santé et de la maladie chez les « profanes » ?

Toutes les propositions se rattachant au sujet de la rencontre sans entrer dans ces thématiques sont bien sûr également les bienvenues.


Modalités de soumission

Les propositions de communications incluant un titre, un résumé d’environ 300 mots et une courte biographie de l’auteur (précisant son rattachement institutionnel et disciplinaire) sont à adresser à historiens.sante@gmail.com avant le 31 décembre 2018.

Les réponses du comité de sélection seront adressées au début du mois de février 2019.


Les frais de déplacements et de logement sont à la charge des intervenant.e.s retenu.e.s.


Contact : http://histoiresante.blogspot.com/ ou alexandre.klein.1@ulaval.ca


[1] REVEL, Jacques, PETER, Jean-Pierre, 1972, « Le corps. L’homme malade et son histoire », dans LE GOFF, Jacques, NORA, Pierre, (dir.), 1974, Faire l’histoire. III. Nouveaux objets, Paris, Gallimard, 1974, p. 169-191.

[2] PORTER, Roy, 1985, « The Patient’s View: doing medical history from below », Theory and Society, 14 (2), p. 175-195.

[3] REVEL, Jacques, 1989, « L’histoire au ras du sol », dans LEVI, Giovanni, 1989, Le Pouvoir au village. Histoire d’un exorciste dans le Piémont du XVIIe siècle, Paris, Gallimard, trad. fr. M. Aymard, p. i-xxxiii.

[4] Par exemple : CELLARD André et THIFAULT, Marie-Claude, 2007, Une toupie sur la tête : visages de la folie à Saint-Jean-de-Dieu, Montréal, Boréal ; NOOTENS, Thierry, 2007, Fous, prodigues et ivrognes. Familles et déviance à Montréal au XIXe siècle, Montréal et Kingston, McGill-Queen’s University Press ; RIEDER, Philip, 2010, La figure du patient au XVIIIe siècle, Genève, Droz ; RIPA, RIPA Yannick, 2010, L’Affaire Rouy. Une femme contre l’asile au xixe siècle, Paris, Tallandier ; PILLOUD, Séverine, 2013, Les mots du corps. Expérience de la maladie dans les lettres de patients à un médecin du XVIIIe siècle : Samuel-Auguste Tissot, Lausanne. Éditions de la BHMS ; COSTE Joël, 2014, Les écrits de la souffrance. La consultation médicale en France (1550-1825), Paris, Champ Vallon ; RICHELLE Sophie, 2014, Les « folles » de Bailleul. Expériences et conditions d’internement dans un asile français (1880-1914), Bruxelles, Université des femmes, coll. « Cahiers de l’UF », n°10 ; HANAFI, Nahema, 2017, Le frisson et le baume. Expériences féminines du corps au Siècle des lumières, Rennes, Presses universitaires de Rennes ; GUILLEMAIN, Hervé, 2018, Schizophrènes au XXe siècle. Des effets secondaires de l’histoire, Paris, Alma, 2018.

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