vendredi 26 juin 2020

Sépultures, deuils et incarnations

Sépultures, deuils et incarnations : la question du corps, d’Antigone à Covid-19, une approche inter/trans disciplinaire

Appel à communications


COLLOQUE INTERNATIONAL

2, 3 et 4 décembre 2020 à Lomé

(Université de Lomé, Université de Bourgogne Franche-Comté)

Organisé par les équipes et laboratoires : I.M.A.F – CoDIReL, ELLIADD, CURIO

Date-limite d’envoi des propositions de communication : 30 juillet 2020

 

L’idée de ce colloque est née d’un projet théâtral intitulé « Antigone ou la tragédie des corps dispersés. » Un metteur en scène (Gaëtan Noussouglo, doctorant à l’Université de Franche-Comté) et un auteur dramatique (Kossi Efoui, Prix des cinq continents, Prix Ahmadou Kourouma, Grand Prix Littéraire d’Afrique Noire) décident ensemble de relire Antigone sous l’angle particulier de la question des corps dispersés, privés de sépultures.

Antigone cherche à enterrer Polynice, et soulève par-là, la question du droit des morts et de celui des vivants, la question fondamentale du rituel sur les cadavres qui leur permet d’amorcer le voyage dans l’au-delà. En se révoltant contre le roi Créon, Antigone célèbre la liberté individuelle, la loi de la conscience contre la loi de l’Homme ou des dieux. Le projet n’est pas une réécriture d’Antigone, mais une appropriation, un détournement de la figure d’Antigone pour raconter la tragédie des corps dispersés. On pense, par exemple, à ces femmes que l’on voit remuer le désert de l’Atacama pour exhumer les restes de leurs proches démembrés[1] , ces Hereros et ces Namas pendant la colonisation, ou encore toutes ces familles privées de deuils, de sépultures dans les dictatures. Si le geste est à l’inverse de celui d’Antigone, c’est que celle-ci a affaire à une présence effrayante du corps mort, alors que les chiliennes du film ont affaire à une absence effrayante de corps, mais la question est la même. Qu’est-ce qu’une paix fondée sur le refus de l’acte où s’origine toute l’humanité : le rituel funéraire?

Partant de ces considérations, nous voudrions ouvrir une série de questionnements en lien avec les traitements et considérations que réservent les sociétés humaines à la question de la mort et aux défunts. Dans un monde récemment en proie au Covid-19, une interdiction douloureuse et une restriction des funérailles reposent avec acuité la question de la dureté de la loi même si elle se déclare protectrice des habitants. Faire le deuil est primordial dans la reconstruction de l’identité d’un individu, d’une société. La notion de corps fait entrer en jeu celle d’autopsie pris dans le sens étymologique du terme : « une démarche mystique qui permettrait de contempler les dieux et de participer à leur puissance ». Ce qui se distingue de la nécropsie, l’examen médical des cadavres.

Le corps est aussi un matériau indispensable, un outil de travail au théâtre et en danse, en génétique, autant que dans les sciences médico-légales…. Dans le domaine juridique, sans corps il n’y a souvent pas de crime, par conséquent pas de procès. Sur le plan social, sans corps il n’y a pas de deuil non plus. Dans le domaine théâtral et rituel, le corps conducteur et réceptacle est une jonction entre les univers invisibles et visibles. Quelles sépultures donner aux corps des rois arrachés à leur peuple pendant la colonisation ou l’esclavage ? Quels traitements donner aux restes des corps des résistants à la colonisation, de la dépouille du roi dahoméen, aux crânes des insurgés Hereros, Namas ou Maoris conservés dans les musées occidentaux. Qu’en est-il des morts du Covid-19 ou des cadavres donnés à la science ? Que deviennent tous ces corps disparus en Méditerranée ou enlevés et dispersés pendant les guerres ou les grandes dictatures qu’a connues le monde ? A-t-on le droit de punir un mort ou de lui refuser une sépulture ?

Dans cette inquiétante mutation, s’interroger sur le personnage d’Antigone, c’est réinterroger les notions d’ordre, de mort, de rituel, de funérailles et de deuils. C’est aussi retourner à l’esprit des lois, aux pratiques rituelles, à l’essence même du théâtre et à la question fondamentale du cadavre. Qu’est-ce le théâtre ? N’est-ce pas un art vivant qui traduit une relation du vivant au vivant, qui se parle du (des) corps à corps et qui induit des interactions et des interpénétrations ? Faire du théâtre virtuel, sans corps présents, est-ce encore du théâtre? Pourquoi le théâtre ? Qu’est-ce le corps ? Que représente l’absent dans le présent, son influence sur l’identité du vivant ? La question du théâtre est aussi liée à cette problématique du corps vivant, mort, manipulé. Que fait-on d’un corps ? Toute réponse à la question s’avère, au final, transdisciplinaire.

Comme on peut le reconnaître, les interrogations sont multiples, et le corps, au final, est un médium incontournable dans la construction de multiples identités. Ce colloque international voudrait convoquer le maximum de disciplines pour tenter d’ouvrir des voies nouvelles à une réflexion sur le corps et ses représentations. Le colloque international et transdisciplinaire qui aura lieu du 4 au 6 décembre 2020 à Lomé s’inscrit fondamentalement dans une démarche de recherche-création, au sens où le processus de production d’une œuvre théâtrale intègre un volet important d’enquêtes et de recherches.

Axes et propositions de communications

Les propositions de communications sont ouvertes à toutes les disciplines qui s´intéressent à la question du corps ou du cadavre, au niveau théorique et pratique. Chaque proposition de communication pourrait s’articuler au moins autour d´un des axes suivants :

Axe1 : Le corps et la présence dans le théâtre

Sur une scène, il faut établir un rapport dialogique entre le corps et l’esprit, le visible et l’invisible, le rôle et l’acteur possédé par son rôle. Ce qui fait appel à la notion de mise en scène, de l’anthropologie théâtrale, existentielle et aux recherches sur le terrain sur la gestion des corps dans les traditions et le théâtre. L’enrichissement est dans la tension, dans le mouvement vers l’autre. Le théâtre est à la fois profane et spirituel, comment exploiter les matériaux laissés par la tradition, les traditions. Du théâtre de la mort à la mort du théâtre…

Axe2 : Cadavres, funérailles dans les rituels (approche comparée)

Dans Antigone, une figure itérative pour le théâtre et les arts, la question du deuil et des funérailles est centrale. Qu’en est-il dans d’autres œuvres et pratiques rituelles ? On s’intéressera au corps du roi, à l’imago du roi, aux cultes des reliques et des ancêtres, aux corps dans la danse, au théâtre et aux arts visuels, à la possession transe et transition, la liminalité et les rites de passage, la mise en scène des cadavres et spectacles funéraires. Par exemple : les cercueils fantaisistes des Ghanéens, les « asseins » dans le vodou ou la nécromancie dans diverses cultures. La disparition du corps du Christ comme fondement de la religion catholique. Le corps lévitant du bouddha. Le corps errant du chamane.


Artistes et écrivains invités sur le projet
Kossi EFOUI, écrivain, France-Togo
Gaëtan NOUSSOUGLO, Metteur en scène –comédien, France-Togo
Marcel Kodjovi DJONDO, Metteur en scène – comédien, France – Togo
Odile SANKARA, comédienne, Présidente de Récréatrales, Burkina Faso
Florisse ADJONOHOUN, Actrice, comédienne et autrice, directrice de Parole en Scène, Bénin
Beno Kokou SANVEE, comédien, directeur artistique de Ziticomania, Togo
Roger Atikpo, Comédien Koraïste, Togo
Eustache Bowokabadi KAMOUNA, Artiste comédien et musicien, Togo
Anani GBETEGLO, Percussionniste, Togo
Paulo SODRE, Musicien, Brésil

Communications

Vos propositions de communication (en anglais ou en français) devront comporter :
Des indications sur l’auteur (nom et prénoms, université d’attache) ;
Le titre de l’article ;
Un abstract de 200 à 250 mots ;
Les mots clés (4 ou 5 mots).

Les propositions devront être envoyées au plus tard le 30 Juillet 2020 aux adresses électroniques suivantes : sewonou.noussouglo@univ-fcomte.fr , bernard.muller@ehess.fr


Comité scientifique
Guy FREIXE, Professeur, Université de Franche-Comté, Besançon, France
Mme Karin BARBER, Professeure en Anthropologie à l’Université de Birmingham, Royaume Uni
Jean Paul COLLEYN, Directeur d’études à l’EHESS, Paris, France
Nicolau PARES, Professeur à l’Université Fédérale de Bahia, Brésil
Joice Aglae BRONDANI, Professeure à l’Université Fédérale de Bahia, Brésil
YIGBE Dotsé Gilbert, Professeur titulaire, Université de Lomé, Togo
Kakpo MAHOUGNON, Professeur Titulaire, Université d’Abomey-Calavi, Bénin
Cesar HUAPAYA, Professeur associé de théâtre et de performance au Centre d’arts, Université Fédéral d’Espirito Santo, Vitoria, Brésil
Kangni ALEMDJRODO, Maître de Conférences, Université de Lomé, Togo
Koffi Litinmé MOLLEY, Maître de Conférences, Université de Lomé, Togo
Didier AMELA, Maître de Conférences, Université de Lomé, Togo
Mme Christine DOUXAMI, Chercheuse à l’Institut des Mondes Africains (IMAF) et Maitre de Conférences HDR à l’Université de Franche Comté, France
Bernard MÜLLER, Enseignant à l’Ecole Supérieure d’Art d’Avignon, membre associé à l’IRIS (EHESS, Paris) et Institut für Ethnologie (Cologne), France – Allemagne
Mme Nancy BOISSEL, Docteure Université Paris 8, Besançon, France
Mischa TWITCHIN, lecturer in the Theatre and Performance Department at Goldsmiths, University of London, Grande Gretagne
Mme Christelle PATIN, chercheure associée au centre Alexandre Koyré-EHESS, France
Mme Nanette Jacomijn SNOEP, directrice du Musée Rautenstrauch-Joest-Museum, Cologne, Allemagne

[1] Cf. le film documentaire de Patricio Guzman, Nostalgie de la lumière, Icarus Film, Chili/France, 2010.

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