Pierre Fraser
VF/ essai
2013
Chairs incontrôlées en expansion, corps qui occupe plus d’espace que les autres corps, le corps obèse provoque une attention et une réaction toute négative dans son excessivité. L’excédent de graisse submergerait, engloutirait l’identité même des gens obèses, au point que les autres ne verraient que la graisse et non la personne qui vit au milieu de cette graisse. Le corps obèse s’inscrirait dès lors comme miroir, révélerait la manière dont l’existence est menée, démontrerait le niveau de non-conformité aux normes sociales qui régissent le corps et son apparence. Le corps obèse est devenu la cible d’un vaste réseau de surveillance et de stratégies de normalisation.
La téléréalité américaine The Biggest Loser est possiblement la métaphore la plus achevée concernant l’acharnement collectif exercé envers le développement de la masse adipeuse. Elle révèle, sous toutes ses coutures, comment la société a structuré sa vision du corps obèse, les interventions qui doivent être déployées sur celui-ci pour le «normaliser», et ce qu’il faut faire pour contrer l’épidémie d’obésité en reportant sur l’individu tout le fardeau de la preuve. De plus, le seul fait que cette émission soit diffusée depuis plus de dix ans a de quoi interpeller, car son succès commercial est peut-être aussi le reflet de là où la société en est rendue en matière d’apparence du corps. Il s’agit d’une prise de possession sans précédent du corps à travers le corps «normal» versus le corps obèse (pathologique). En ce sens, le corps obèse représente peut-être un phénomène pivot dans la construction de la vision contemporaine de la santé.
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