vendredi 7 septembre 2012

Deaf Studies, Deaf History

Edouart Hocquart: L’art de juger du caractère des hommes sur leur écriture, 1816, Moody Medical Library, The University of Texas Medical.








































Deaf Studies, Deaf History : quelles épistémologies ?
Alors que les Disability Studies ont progressivement émergé en tant qu’« études sur le handicap » dans l’espace de la recherche française, Deaf Studies et Deaf History constituent d’autres champs dont la « traduction » semble difficile. En effet, la quête de leurs équivalences conceptuelles, épistémologiques ou institutionnelles interroge les pratiques et théories des chercheurs qui s’intéressent aux communautés sourdes et à leur histoire.

Deaf Studies, Deaf History
Les domaines de recherche Deaf Studies et Deaf history ont émergé aux Etats-Unis dans les années 1980 à la suite des mouvements de contestation sourde comme le « Deaf Power », inspiré du « Black Power », ou comme le « Deaf President Now », qui aboutit à la nomination du premier président d’université sourd. Financées par des universités ou des institutions, ces recherches se sont répandues, au fil des colloques, dans d’autres pays, plus particulièrement en Allemagne, à Hambourg et au Royaume-Uni à Bristol.
Les Deaf Studies se consacrent plus particulièrement à la question de la place des sourds, de la langue des signes et de la culture sourde dans les sociétés, mais également à la représentation du sourd. Quant à la Deaf History que l’on peut traduire, avec difficulté, en français par « histoire des Sourds », ou « histoire Sourde », peu d’universités, à part l’université Gallaudet, accueillent ce domaine de recherche plus spécifique. Elle est le plus souvent englobée dans les Deaf Studies et peu d’historiens ou de doctorants travaillent dans ce domaine de recherche. Néanmoins, il semble être en progression depuis une dizaine d’années. Il est d’ailleurs plus répandu dans les milieux associatifs, rendu dynamique par Deaf History International, une association internationale qui, depuis douze ans, organise tous les trois ans un congrès, où des universitaires et des chercheurs bénévoles échangent autour de leurs travaux dans ce domaine.


L’EHESS et les « études sourdes » 
Bien qu’il soit complexe de situer de telles approches dans le paysage de l’enseignement supérieur en France, l’EHESS représente un lieu unique en ce qui concerne l’établissement et la poursuite d’une réflexion et d’un dialogue autour de ces constructions intellectuelles. Des travaux de Bernard Mottez à l’actuel séminaire « Surdité et langue des signes », animé par Andrea Benvenuto et Alexis Karacostas, du colloque « Les Sourds dans la cité » (novembre 2006) à la journée d’étude « Langue des signes dans la ville, écriture(s) et création » (novembre 2011), les initiatives scientifiques des chercheurs et doctorants de l’école en ont fait, de facto, un « centre de(s) recherches » en ce qui concerne l’étude des langues des signes et de leurs locuteurs. Entre jeunes docteurs et doctorants, les réseaux principalement informels dont l’EHESS est l’hôte représentent une ressource désormais incontournable par l’émulation, l’accumulation et le partage de connaissance qu’ils permettent.

Le tricentenaire de l’abbé de l’Épée
Le mois de novembre 2012 sera l’occasion de la célébration du 300e anniversaire de la naissance de Charles-Michel de L’Épée au sein de diverses institutions artistiques et muséographiques. Établissant le principe d’éducabilité des sourds au moyen de la langue des signes en ouvrant l’école de la rue Saint-Jacques, devenue aujourd’hui l’actuel Institut National de Jeunes Sourds, le personnage historique est devenu légende au sein des communautés sourdes du monde entier, tandis que ses initiatives constituent à bien des égards le point de départ de l’historiographie sourde. Il s’agit donc d’un moment propice à l’évaluation des chemins explorés et des pistes ouvertes par les travaux et chercheurs interrogeant les limites des champs desDeaf Studies et Deaf History – en s’y inscrivant ou en s’y confrontant. C’est l’enjeu de ces journées doctorales « Deaf Studies, Deaf History : quelles épistémologies ? ».

Deaf Studies, Deaf History : quelles épistémologies ?
Bien plus qu’un état des lieux, ces journées d’étude ont pour enjeu la diffusion de ces champs méconnus en France tout en ouvrant d’une manière inédite la discussion autour de leurs bases théoriques. Au delà d’un découpage en apparence « thématique », de quelle manière Deaf Studies et Deaf History ont-elles et peuvent-elles contribuer à construire des épistémologies particulières et pertinentes pour l’analyse des objets, sujets et phénomènes qu’elles isolent ? Quelles en seraient l’histoire, les spécificités théoriques et les paradigmes ? Dans quelle mesure les connaissances et savoirs qu’elles construisent diffèrent-ils d’autres approches ? En Angleterre et aux Etats-Unis, Paddy Ladd
, Carol Padden et Tom Humphries
sont reconnus parmi les fondateurs des Deaf Studies tandis que leurs travaux font figure de manifestes, explicitant la création de nouvelles approches. En France, de plus en plus de travaux semblent bel et bien relever implicitement de tels champs. Cependant, la question des épistémologies est rarement soulevée. Alors que Bernard Mottez
ou Yves Delaporte
constituent des pionniers sans successeurs reconnus ou proclamés, les réponses morcelées et les tentatives isolées contribuent à l’incertitude quant aux apports effectifs et potentiels des Deaf Studies. Les intervenants et participants seront donc réunis afin d’expliciter et discuter les positionnements, les approches méthodologiques et les cadres conceptuels qui pourraient permettre d’identifier et de définir « quelles épistémologies » sont à l’œuvre à la fois dans les Deaf Studies et Deaf History telles qu’elles ont pu être développées initialement dans l’espace anglo-saxon, et dans leurs échos et leurs appropriations critiques dans l’espace de la recherche française contemporaine.

Public-s
Ces journées d’étude ont donc pour double objectif de valoriser et faire dialoguer les recherches déjà menées d’une part, et d’apporter un espace d’échange et de partage inédit aux doctorants d’autre part. La forme de ces deux journées reflète ce double objectif, encourageant activement une rencontre entre chercheurs confirmés et apprentis, notamment entre les différentes générations de doctorants et docteurs. Le dialogue et la réflexion commune seront privilégiés (tables rondes, ateliers, discussions collectives…).
Enfin, en questionnant la construction d’approches scientifiques autour de l’étude pluridisciplinaire de faisceaux de phénomènes liées à des groupes ou identités déterminés – concrétisées par l’émergence de diplômes, départements et centres de recherche dans le monde anglo-saxon (Women Studies, Chicano Studies, Disabitity Studies…) – plutôt qu’autour de disciplines (histoire, anthropologie linguistique, géographie, sociologie…), ces journées d’étude invoqueront les « miroirs transatlantiques » (L’Homme, n° 187-188) et s’adresseront potentiellement à l’ensemble de la communauté scientifique.

Axes
Les communications proposées pourront relever des diverses disciplines des sciences humaines et sociales. Qu’il s’agisse d’études de cas, de discussions théoriques ou méthodologiques, de commentaires ou de travaux originaux, de contributions documentaires ou historiques, elles devront contribuer à l’identification et à la compréhension des spécificités épistémologiques  des champs des Deaf Studies et Deaf History, en éclairant de manière réflexive et critique leur intérêt, leurs apports ou leurs limites, et/ou en documentant leur développement (bibliographique, historique, scientifique)Les propositions de communication pourront notamment s’inscrire dans les axes suivants :

- Deaf Studies/Deaf History et l’espace académique français : développement et transposition des Deaf Studies/Deaf History en France (enjeux scientifiques, institutionnels, sociopolitiques);  documentation des échanges entre la France et les États-Unis (ex : échanges transatlantiques des voyages d’études à Gallaudet au colloque franco-américain de 1991) ; développement de l’enseignement et de la recherche en France (ex : enseignement de la « culture sourde » dans les formations universitaires ; Paris 8 et les recherches linguistiques) ;

Deaf Studies/Deaf History et l’espace international de la recherche : publications, départements et centres de recherches à l’étranger (ex : Bristol, Hambourg); discussions autour d’auteurs, recherches et ouvrages méconnus et/ou non traduits en français (ex : Amérique du Sud, Asie ; espagnol, portugais, japonais) ; les réseaux de recherches internationaux (ex : collaborations et projets de recherches internationaux);

Deaf History, une histoire à part ? : écriture de l’histoire des Sourds en France (ex : l’écriture de l’histoire sourde du Réveil Sourd à aujourd’hui); l’histoire des sourds et ses relations à l’histoire sociale, à l’histoire politique (ex : histoire des sourds et histoire des minorités); spécificités de la recherche (ex : sources, méthode) ; historiographie et ouvrages majeurs (ex : apports et limites des premières publications dans le champ) ;

« Quelles épistémologies ? » : épistémologies contemporaines pour l’étude des sourds et de la langue des signes ; relations à d’autres champs et disciplines (ex : accords et conflits entre Deaf Studies etDisability Studies, Deaf Studies et Cultural Studies, Deaf Studies et ethnographie) ; paradigmes explicites ou implicites à l’œuvre dans les Deaf Studies ; discussion de concepts originaux des Deaf Studies (ex :Deafhood, Deaf Gain, la distinction d/Deaf…) ;
Conditions de soumission
Les propositions de communication (titre et résumé, 300 à 500 mots) sont à envoyer pour le 
1er octobre aux adresses suivantes. 
Deaf Studies 
Deaf History
Yann Cantin :  yann.cantin@ehess.fr 
Les journées d’étude auront lieu le lundi 26 et le mardi 27 novembre 2012 à l’ EHESS, Paris – 105 boulevard Raspail. Les résultats de la sélection seront communiqués courant octobre 2012.
L’interprétation en langue des signes est assurée. 
Ces journées sont organisées par
Yann Cantin, Olivier Schetrit, Pierre Schmitt, Andrea Benvenuto,
et le Programme Handicap et Sciences sociales :
en collaboration avec le séminaire « Surdité et Langue des signes » :

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