mardi 3 décembre 2024

L’Institut universitaire en santé mentale de Montréal

Voyage à travers 150 ans de psychiatrie : l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal


Santé mentale au Québec, Volume 49, numéro 2, automne 2024  

Sous la direction de Emmanuel Stip, Marc Corbière et Jean-Marie Bioteau


 
L’IUSMM et l’Université de Montréal : 150 ans de synergie au service de la santé mentale
Patrick Cossette

150 ans de psychiatrie : histoire et évolution à l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal
Emmanuel Stip, Lionel Cailhol et François Borgeat

Saint-Jean-de-Dieu : une brève histoire de ce haut lieu de la folie, 1873-1973
Isabelle Perreault

« Affirmons-nous ». La militante soeur Augustine à l’Hôpital Saint-Jean-de-Dieu
Marie-Claude Thifault

Le syndrome de Montréal : la conophobie
Emmanuel Stip

Transfert de connaissances en psychiatrie à travers les 4 éditions de 1980 à 2016 du manuel de psychiatrie du Québec
Pierre Lalonde et Georges-F. Pinard

Cinq stratégies populationnelles ayant contribué à la réduction des taux de suicide chez les adolescents et les jeunes adultes québécois
Alain Lesage et Camille Brousseau-Paradis

Une revue intégrative répertoriant la créativité dans l’utilisation de la santé numérique et de l’intelligence artificielle à l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal
Alexandre Hudon et Mélissa Beaudoin

Le bien-être numérique, un enjeu de santé mentale technologique : la place du téléphone intelligent
Yasser Khazaal et Germano Vera Cruz

L’apport scientifique de Dr Kieron O’Connor pour la caractérisation et le traitement du syndrome de Gilles de la Tourette et des troubles obsessionnels-compulsifs et apparentés
Marc Lavoie, Frederick Aardema et Julie Leclerc

Biobanque Signature : origines et perspectives d’un projet longitudinal évaluant les signatures biologiques, psychologiques et sociales des patients visitant les urgences de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal
Enzo Cipriani, Philippe Kerr, Cécile Le Page, Charles-Édouard Giguère, Sonia Lupien, Stéphane Guay, Robert-Paul Juster et Consortium Signature

Développer le flair du psychiatre : des enseignements tirés de deux cas cliniques de syndrome de référence olfactive
Morganne Masse et Emmanuel Stip

L’impact de la consommation du cannabis sur les symptômes psychiatriques : une étude transversale portant sur les troubles mentaux graves
Hind Ziady, Mélissa Beaudoin, Elischa Augustin, Eugénie Samson-Daoust, Kingsada Phraxayavong et Alexandre Dumais

Projet ÉCHINOPS : collaborer avec les forces de l’ordre pour les échappés du système de santé
Luigi De Benedictis, Amélie Bouchard, Gabriel Thériault, William McGuire, Marie-Hélène Goulet et Caroline Larue

Les synchronicités historiques de la Chaire Eli Lilly Canada de recherche en schizophrénie
Stéphane Potvin et Emmanuel Stip

Un regard sur le domaine de la psychothérapie et sur le développement du programme APAP
François Borgeat, Danielle Amado, Carmen Lallier et Joanie Barabé

 
Bernadette au fil du temps : une perspective évolutive des soins psychiatriques de l’internement aux alternatives à l’hospitalisation
Marie-Ève Simard, Marie-Hélène Goulet, Émilie Hudson, Valérie Coulombe et Stéphanie Lainesse

Émile Nelligan (1879-1941) notre contemporain : entre liberté et contrainte
Vincenzo Di Nicola
 
Épilogue
André Luyet

La médiatisation de la santé des politiques

La médiatisation de la santé des politiques 

Appel à contributions



Dossier coordonné par Renaud Crespin (CSO-CNRS), Christian Le Bart (Sciences Po Rennes, Arènes-CNRS), Paul Le Derff (Sciences Po Lille, CERAPS-CNRS), Sandrine Lévêque (Sciences Po Lille, CERAPS-CNRS) et Sébastien Ségas (Université Rennes 2, Arènes-CNRS)

La médiatisation de la vie politique [Stromback et Esser, 2014] a évolué au gré des changements technologiques qui ont progressivement permis aux citoyen·ne·s et aux électeurs et électrices d’identifier ceux et celles qui gouvernent ou qui prétendent gouverner : description textuelle, gravures, portraits et médailles, photographie, caricature… Si la question de l’incarnation des dirigeants politiques n’est pas nouvelle, comme l’ont montré les débats théologiques médiévaux sur la question des « deux corps du roi » [Kantorowicz (1957), 2016], le XXe siècle nous a familiarisé avec la silhouette des politiques, avec leur voix, puis avec les traits de leur visage.

La radio, la télévision, et désormais les réseaux sociaux leur assurent une présence quasi quotidienne dans l’espace public, présence fondée non plus seulement sur les propos tenus et les actes politiques accomplis mais sur la réalité physique d’un corps. Faire de la politique, c’est désormais (et de plus en plus) accepter de se montrer, de se tenir dans un espace public ouvert et potentiellement accessible à tous et toutes. Les contraintes de présentation de soi, inhérentes à toute vie sociale, prennent, s’agissant des élu·es, et en particulier les plus important·e·s d’entre eux·elles, une tonalité particulièrement exigeante. Il s’agit, par ce que l’on donne à voir de soi-même et de son corps, de convaincre, de séduire, d’entretenir le capital de sympathie devenu composante essentielle du capital politique, capital dont les interrelations avec le capital médiatique sont à interroger (Desrumaux et Nollet, 2022).

Cette visibilité est porteuse d’exigences inédites. A quelles normes les corps des politiques doivent-ils se conformer ? La démocratie représentative exige des représentant·.e·s qu’ils et elles soient désintéressé·e·s et dévoué·e·s à l’activité politique. Ce qui suppose a minima une certaine disponibilité, une certaine capacité à faire abstraction de soi-même pour se dévouer au bien commun, à la recherche de l’intérêt général, plus généralement au service des autres. Parmi les éléments qui contribuent à cette disponibilité, nul doute que la santé soit un point essentiel.

Si les travaux récents en sociologie politique de la santé mettent principalement l’accent sur les tensions entre changement et stabilité institutionnels dans les politiques de santé, ils renvoient aussi à un autre segment du marché académique, l’analyse des représentations sociales des maladies et de leurs conséquences sur les trajectoires de vie [Bergeron et Castel, 2014]. Sur ces problématiques, la littérature sociologique est prolifique. Elle se déploie entre des travaux portant sur les stigmates associés à différentes pathologies [Goffman, 1963 ; Freidson, 1966], sur les stratégies de normalisation qui en découlent [Strauss et Glaser, 1975] et sur les types de narrations auxquelles elles donnent lieu [Hyden, 1997 ; Atkinson, 1997 ; Frank, 1997]. De façon générale, pouvoir « dire sa maladie » sous-tend la possibilité de se libérer des contraintes sociales et symboliques qui lui sont associées. Ce tournant narratif a fait l’objet de critiques portant sur l’inégale distribution sociale des possibilités de « dire sa maladie », l’ambiguïté de leurs usages sociaux et les réductions psychologisantes qui peuvent en découler [Bury, 2001 ; Charmaz, 2009 ; Atkinson, 2009]. Diverses pathologies (sida, cancer, maladie chronique, hémophilie, etc.) et diverses populations (femmes, populations défavorisées ou précarisées, homosexuel·le·s, enfants), dont celles au travail [Lhuilier et Waser, 2016], ont été l’objet de ces approches, mais on ne trouve guère de travaux portant directement sur le personnel politique à l’exception de celui de Matthias Bandtel sur le cas de deux ministres allemands [Bandtel, 2018].

Le repli sur soi que suscite la maladie, ou simplement le recentrement sur soi qu’elle favorise, pour légitimes qu’ils soient, apparaissent clairement incompatibles avec l’accomplissement d’un mandat électoral, qui plus est en contexte de professionnalisation accélérée de la vie politique. L’exigence démocratique de disponibilité et donc de bonne santé est mise à mal lorsque les élu·e·s sont atteint·e·s par la maladie quelle qu’elle soit. D’où la centralité, dans les démocraties contemporaines, des questions liées à la médiatisation de la santé des élu·e·s. Si les électeurs et électrices ont connaissance de la fragilité d’un·e élu·e, seront-ils et elles disposé·e·s à lui renouveler leur confiance ? L’histoire politique a offert de nombreux exemples de surgissement de la maladie au sommet de l’État. La mort de Georges Pompidou (1974) en constitue évidemment l’épisode le plus dramatique et le plus traumatisant, mais il ne fut pas le seul. Tous les présidents ont dû (et doivent encore) se confronter à l’exigence de transparence désormais exprimée par de nombreux·ses citoyen·ne·s. La question de la santé des politiques, longtemps considérée comme déplacée, n’a depuis cet épisode pas quitté l’agenda politique et médiatique. Les bulletins de santé présidentiels, dont on apprend rétrospectivement la faible fiabilité, ont longtemps servi à nourrir l’illusion d’un président « en pleine forme ». Qu’en est-il aujourd’hui ?

A rebours de ce contre-exemple traumatisant, les élu·e·s travaillent à paraître en bonne santé et même au meilleur de leur forme. Présenter un corps en « bonne » santé permet d’activer l’idéal du renoncement à soi qui caractérise l’engagement « corps et âmes » que les représentants doivent à leurs représenté·e·s. Mais les politiques ne sont pas maîtres de l’image qu’ils produisent dans l’espace public. Il s’agira de considérer le corps politique comme le produit des interactions entre les élu·es, leurs entourages et l’espace médiatique. Inscrite ainsi au cœur de l’espace public démocratique, la question de la santé des politiques donne lieu à des formes variées de médiatisation… ou de non-médiatisation.

Cette médiatisation est d’autant plus forte que les élu·e·s, on le sait, sont en France (et ailleurs) souvent âgé·e·s, ce qui peut nourrir un questionnement légitime de la part des citoyen·ne·s sur leur capacité à gouverner, comme l’a montré le débat autour de l’âge du président Biden aux Etats-Unis. La variable de l’âge n’est cependant pas la seule devant être envisagée ; le débat sur la santé des politiques se déploie différemment selon le degré de visibilité des pathologies qui leur sont prêtées : de ce point de vue, la médiatisation de la silhouette des personnalités politiques peut susciter un centrement significatif par exemple sur la question du poids (problèmes d’obésité), alors que certaines pathologies, parce qu’elles demeurent invisibles (ainsi de tout ce qui a trait à la santé mentale), attirent moins l’attention. Il y a lieu également d’envisager la façon dont cette question de la santé des élu·e·s se déploie en fonction des scènes politiques. Au niveau central, l’hypermédiatisation des corps des personnalités politiques, au principe d’une forte individualisation / psychologisation du champ politique, incite à visibiliser fortement ces questions. Localement, au sein des espaces politiques « périphériques », ce centrement est moindre, ce qui ne signifie évidemment pas que la question de la santé des élu·e·s ne se pose pas. Suggérons enfin, parmi les pistes possibles (et de façon non limitatives) la variable du genre : la féminisation du champ politique a-t-elle pour effet une focalisation plus systématique sur le corps des politiques et, partant sur les questions de santé [Gingras, 2014 ; Matonti, 2017] ?

A la croisée des stratégies des deux familles d’acteurs les plus directement concernés, élu·e·s d’un côté et journalistes de l’autre, il est possible de suggérer deux orientations de recherche qui nourriront ce numéro de Politiques de communication.

1/ Les stratégies de présentation de soi des élu·e·s : la norme de « pleine forme » ?

La première s’intéressera aux stratégies de présentation de soi [Goffman, 1973 ; Collovald, 1988 ; Deloye, 1999] des élu·e·s dans la mise en scène publique de leur santé. Si les questions de santé sont généralement invisibilisées, les élu.e·s donnant à voir un corps « performant » dont la disponibilité physique et mentale n’est pas problématique, l’irruption d’une défaillance corporelle (maladie notamment) dans l’espace public constitue un enjeu essentiel de la (re-)construction de leur identité politique. Les stratégies de présentation de soi varient selon diverses caractéristiques sociales, comme le genre, l’expérience politique ou encore les types de mandats occupés (voire possiblement l’appartenance partisane), car les normes qui s’imposent dans l’espace politique central diffèrent de celles qui prévalent au niveau local. L’objectif des contributions sera dès lors de comprendre les conditions de mobilisation d’éléments relatifs à la santé, de la part d’élu·e·s placé·e·s dans des configurations différentes, et de repérer les logiques qui conduisent à faire de la « bonne » ou de la « mauvaise » santé une ressource dans la présentation publique que les élu·e·s font d’eux et d’elles-mêmes : comment la bonne santé est-elle mise en scène, exhibée, et à travers elle, l’exemplarité sociale qui préside désormais aux « bonnes pratiques » (par exemple dans le domaine de l’alimentation, dans le rapport à l’alcool, dans la pratique sportive) ? Comment les atteintes à la santé et la maladie sont-elles mises en scène, masquées, euphémisées, ou exhibées, et auprès de qui, depuis les collaborateurs les plus proches jusqu’aux concitoyens ? Certaines pathologies sont-elles plus « présentables », plus dicibles et plus recevables que d’autres ? La maladie peut-elle, dans certains cas-limites, devenir ressource politique par l’exhibition d’un « second corps » fragile, proche, ordinaire, semblable à n’importe quel autre [Le Bart, 2024] ? Certaines pathologies sont-elles plus avouables que d’autres ? Quid des addictions ? des psychopathologies ? Que se passe-t-il quand la maladie est directement liée à l’activité politique (burn-out par exemple) ? Nous incitons les contributeurs et contributrices à étudier la façon dont les normes posant la bonne santé comme condition nécessaire à l’exercice des mandats sont déclinées dans l’ensemble du champ politique. Sachant que les normes qui définissent la recevabilité politique de la maladie ne peuvent être rabattues sur les seules stratégies des femmes et des hommes politiques et de leurs conseillers. Elles s’actualisent aussi dans les interactions que les élu·e·s entretiennent avec l’espace médiatique.

2/ Les stratégies de divulgation des journalistes : en parler ? si oui, comment ?

La seconde dimension visera donc à analyser comment les médias se saisissent des questions relatives à la santé des élu.e·s, et comment les configurations du champ journalistique orientent les mécanismes d’imposition des normes de recevabilité et de traitement de ces sujets [Snow et Altheide, 1979 ; Kuhn et Neveu, 2002]. Sur ces questions, les journalistes sont pris dans une forme de double contrainte. D’un côté, la maladie des élu·es·peut être source de profit professionnel, constituant un sujet susceptible de faire la différence et de gagner la course au scoop, et renvoyant à un devoir d’information légitimé par l’invocation d’un idéal de transparence démocratique (dès lors que la santé des élu·e·s engage leur capacité à gouverner) [Rentchnick, Accoce, 1997]. D’un autre côté, ces révélations peuvent avoir un coût professionnel, quand elles se voient critiquées pour leur sensationnalisme, leur voyeurisme, leur entorse au respect de la vie privée, en partie encadré légalement [Schauer, 2003 ; Errera, 2006 ; Rafter et Knowlton, 2014], ou lorsqu’elles compromettent les relations que les journalistes entretiennent à leurs sources, spécialement dans les espaces locaux marqués par la dépendance à l’égard des édiles locaux [Frisque, 2010]. Nous faisons l’hypothèse que la médiatisation de la santé des élu·e·s invite les journalistes à se poser la question des valeurs et des règles professionnelles qui fondent et cadrent leur métier. Objet médiatique ambivalent, le traitement médiatique de la santé des élu·e·s engage chez ces professionnels des questionnements sur leurs pratiques, lorsqu'il s'agit par exemple, de décider ce qui est ou non publiable ou de composer avec les rumeurs, voire les fake news. Dit autrement, le cadrage médiatique de la santé des élu.e·s apparait doublement contraint par des règles pratiques d’exercice du métier journalistique (en particulier dans leurs relations aux sources) et par les valeurs et normes de publicité acceptables dans l’espace médiatique [Lemieux, 2000].

Afin d’éviter le biais du « médiacentrisme » [Schlesinger, 1992] qui tend à réduire sur un mode binaire et souvent naïf les relations entre médias et politique [Neveu, 1997], les contributeurs sont invités à prendre en compte les ajustements entre des intérêts concurrentiels portés non seulement par les journalistes et les élu.es, mais également par d’autres acteurs ayant leurs propres logiques professionnelles (patrons de presse, conseillers en communication politique, partis et adversaires politiques). La médiatisation de la santé des élu.es s’inscrit ainsi dans des activités interdépendantes, des relations plus ou moins routinisées et des transactions multiples entre différents acteurs investis dans la production d’information [Marchetti, 2010]. Elle est le produit d’une construction collective impliquant les journalistes et leurs sources, les élu.es eux et elles-mêmes, l’ensemble des auxiliaires de la vie politique, mais aussi dans une certaine mesure « l’opinion publique » à travers, par exemple, les réseaux sociaux numériques [Frinault et alii, 2023].

Au total, il s’agira d’étudier la médiatisation du corps des politiques comme élément constitutif du lien qui unit, dans une démocratie représentative, les gouvernants aux gouvernés. Comment et jusqu’à quel point l’idéal de transparence s’est-il imposé ? Les comparaisons dans le temps et dans l’espaces seront ici particulièrement bienvenues, de même que les analyses portant sur la recevabilité, elle-même variable, de cet idéal de transparence en fonction des publics et des groupes sociaux. Que peut-on savoir de la tolérance des divers secteurs de l’opinion à la maladie et à la fragilité ? En quoi (et auprès de quels segments de l’opinion) certaines pathologies sont-elles mieux acceptées que d’autres ? Auprès de qui la mise en scène de la « pleine forme » à grand renfort de performance sportive et de frugalité alimentaire fait-elle impression ?

Au plan méthodologique, les contributions pourront avoir une dimension monographique ou comparative et porter sur la France comme sur des cas à l’étranger. Elles pourront se situer à l’échelle des grand·e·s élu·e·s médiatisé·e·s (ceux et celles que l’on désigne par l’expression de « personnalité politique »), mais aussi à celle des « petit·e·s élu·e·s » médiatisé·e·s à l’échelle plus modeste, mais non moins significative, des médias locaux.

Les contributions pourront notamment (mais non de façon exclusive) s’appuyer sur plusieurs types de sources et de matériaux.

- D’abord bien sûr des matériaux d’entretiens menés avec les élu·e·s ou les journalistes, chacune de ces familles d’acteurs pouvant être élargie aux entourages (pour les élu·e·s) et aux rédactions (pour les journalistes). Il s’agit par exemple, s’agissant de ces derniers, de saisir les conditions dans lesquelles s’effectue le choix de dire ou de ne pas dire, de prêter attention ou non à une rumeur, d’être complice (et jusqu’à quel point) d’une stratégie de dissimulation voire de déni. Seront en priorité interrogé·e·s des journalistes ayant abordé ces problématiques, soit parce qu’ils et elles appartiennent au service politique d’un journal, soit parce qu’ils et elles ont été amené·e·s à suivre un·e élu·e frappé·e par la maladie, soit encore parce qu’ils et elles travaillent au sein d’un média favorisant plus le « scoop » que l’investigation.

- Les élu·e·s peuvent de leur côté être interrogé·e·s sur leurs stratégies de médiatisation : confirmer, au risque de s’affaiblir politiquement ? Taire, au risque de devoir démentir et de manquer à l’obligation de transparence ? Les contributeurs et contributrices sont invité·e·s à saisir les stratégies des élu·e·s, et en particulier bien sûr de celles et ceux qui furent (ou qui sont) confronté·e·s à des problèmes de santé, sans pour autant sous-estimer les variables qui permettent de la/le situer dans le champ politique ; parcours, trajectoire sociale, type de mandat, territoire, ancienneté… Une attention particulière sera portée à la variable du genre : la lecture des “pépins de santé” est-elle la même chez les femmes et chez les hommes ?

- Il est aussi possible de travailler à partir de corpus de presse (ou de corpus médiatique en général) pour analyser les discours relatifs à la santé des politiques : scoop révélant, sur un mode sensationnaliste, la maladie d’un·e élu·e ; interview permettant à un·e politique de rassurer et de faire taire la rumeur, ou au contraire venant confirmer, au nom d’une transparence revendiquée aussi bien par les élus que par les journalistes, un problème de santé ; plus généralement représentations dominantes relatives à des pathologies particulières auxquelles les politiques seraient particulièrement exposé·e·s (burn-out, dépendance à l’alcool, addictions diverses…). 



Bibliographie

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Atkinson P. (2009), « Illness narratives revisited: the failure of narrative reductionism », Sociological Research Online, 2009, vol. 14, no 5, p. 196-205.

Bandtel M. (2018), Illness narratives in political communication. Illness Narratives in Practice : Potentials and Challenges of Using Narratives in Health-related Contexts, 2018, p. 322-334.

Bergeron H. et Castel P. (2014), Sociologie politique de la santé. Puf.

Bourdieu P. (1981), « La représentation politique », Actes de la recherche en sciences sociales, 36-37, 3-24.

Boyadjian J. et Theviot A. (2021), « La politique à l’heure des réseaux sociaux », dans Frinault T., Le Bart C, Neveu E. (éd.), Nouvelle sociologie politique de la France, Paris, Armand Colin, 165-175.

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Charmaz K. (2009), « Stories and silences : Disclosures and self in chronic illness », In : Communicating to manage health and illness. Routledge, 2009. p. 248-278.

Desrumaux C. et Nollet J. (dir.), (2022), Un capital médiatique ? : Usages et légitimation de la médiatisation en politique. Presses universitaires de Rennes.

Deloye Y. (1999), « Se présenter pour représenter : enquête sur les professions de foi électorales de 1848 », dans Offerlé M. (dir.), La profession politique (19e-20e siècle), Paris, Belin, 231-254.

Errera C. (2006), « La vie privée des politiques, un tabou de la presse française », Communication & Langages, 2006, vol. 148, no 1, p. 81-102

Frank A. W. (1997), « Enacting illness stories: When, what, and why », In H. L. Nelson (Ed.), Stories and their limits: Narrative approaches to bioethics, New York, Routledge, p. 31-49.

Freidson E. (1966), « Disability as social deviance », In Sussman M. (Ed.), Sociology and Rehabilition, American Sociological Association, Washington, DC.

Frinault T., Karila-Cohen P., Neveu E. (2023) Qu'est-ce que l'opinion publique ? Dynamiques, matérialités, conflits, Paris, Gallimard, coll. « Folio. Essais ».

Frisque, C. (2010) . Des espaces médiatiques et politiques locaux ? Revue française de science politique, Vol. 60, n°5.

Gingras A.-M. (2014), Genre et politique dans la presse en France et au Canada, Québec, PUQ.

Goffman E. (1973), La mise en scène de la vie quotidienne, 1- La présentation de soi, Minuit, (trad.).

Goffman E. (1963), Stigma : Notes on the Management of Spoiled Identify, Prentice Hall, Englewood Cliffs, NJ.

Hyden L-C. (1997), « Illness and narrative », Sociology of health & illness, vol. 19, no 1, p. 48-69.

Kantorowicz E., 2016, Les deux corps du roi. Essai sur la théologie politique au Moyen-Age (1957), Gallimard

Kuhn R. et Neveu E. (2002), Political journalism, New Challenges, New Practices, London and New York, Routledge.

Le Bart C. (2024), La politique à l’envers, essai sur le déclin de l’autonomie du champ politique, CNRS-éd.

Lemieux C. (2000) Mauvaise presse : une sociologie compréhensive du travail journalistique et de ses critiques, Paris, Métailié.

Lhuilier D. et Waser A-M. (2016), Que font les 10 millions de malades ? vivre et travailler avec une maladie chronique. Erès.

Matonti F. (2017), Le genre présidentiel, enquête sur l’ordre des sexes en politique, La Découverte.

Marchetti D. (2010), Quand la santé devient médiatique. Les logiques de production de l’information dans la presse, Grenoble, PUG.

Neveu E. (1997), « Des questions « jamais entendues ». Crise et renouvellements du journalisme politique à la télévision », Politix, 10(37), 25-56.

Rafter K. et Knowlton S. (2013), “Very schocking news : Journalism and reporting on a politician's illness », Journalism Studies, vol. 14, no 3, p. 355-370.

Rentchnick P. et Accoce P. (1997), Ces malades qui nous gouvernent, Paris, Stock.

Schauer F. (2003), “The Social Construction of Privacy.” In : La May C., Journalism and the Debate Over Privacy. New Jersey : Lawrence Erlbaum Associates.

Schlesinger P. (1992), « Repenser la sociologie du journalisme. Les stratégies de la source d’information et les limites du média-centrisme », Réseaux, 10(51), 75-98.

Snow R. et Altheide D. (1979), Media Logic. Beverly Hills, vol. 8, p. 1094-1096.

Strauss A-L. et Glaser B-G. (1975), Chronic Illness and the Quality of Life, 1st Edition, St, Louis ; Mosby

Strömbäck J. et Esser F. (2014), « Mediatization of politics: Towards a theoretical framework », In : Mediatization of politics : Understanding the transformation of Western democracies, London : Palgrave Macmillan UK, 2014. p. 3-28.

Weinberg A. (2017), “The mental health of politicians”, Palgrave Communication, 3, 17081.



Merci de faire parvenir vos articles pour le 15 février 2025 simultanément à :

renaud.crespin@sciencespo.fr, christian.lebart@sciencespo-rennes.fr, paul.le-derff@univ-lille.fr, sandrine.leveque@sciencespo-lille.eu, sebastien.segas@univrennes2.fr, ainsi qu'à l'adresse de la revue : revuepolitiquesdecommunication@gmail.com et à jsedel@orange.fr

L'appel à articles et les consignes de mise en forme sont disponibles sur le carnet Hypothèses de la revue : https://revuepol2com.hypotheses.org/1495.

lundi 2 décembre 2024

Le renouveau historiographique des drogues

Drogues. Le renouveau historiographique

Histoire, médecine et santé n° 26

Auteur : Erwan POINTEAU LAGADEC (coord.)
 

N° ISBN : 978-2-8107-1310-3
Format et nombre de pages : 16 × 24 cm – 224 p.
Parution le 27 novembre 2024


Champ de recherche en plein renouveau en France, l’histoire des drogues n’a plus fait l’objet d’un état des lieux conséquent depuis près de 30 ans. C’est ce manque que se propose de pallier le présent numéro, au travers d’une série de contributions à forte coloration historiographique présentant quelques-uns des principaux chantiers en cours d’investigation : la place qu’occupaient l’opium et le haschisch dans les sociétés de l’Islam médiéval, l’essor du mouvement anti-alcoolique français à partir du XIXe siècle, la panique morale des années 1960 ayant conduit à la prohibition des stupéfiants, le retour en grâce des thérapies à base de substances psychédéliques depuis le début des années 2000, la massification du recours aux produits dopants dans le monde sportif, la stigmatisation des usagers de crack, etc. Les réflexions ainsi menées révèlent un champ de recherche intimement lié aux choses médicales et sanitaires, dont les perspectives d’avenir – multiples et clairement identifiées – sont tracées par des chercheurs s’employant à exhumer le passé afin de contribuer à l’émergence d’un nouveau régime de gestion collective de la dépendance, de l’ivresse et de la modification de conscience.




Sommaire
Dossier : Drogues. Le renouveau historiographique
Erwan Pointeau-Lagadec, Où en est (et où va) l’histoire
des drogues en France ? ................................................................................................................................... 9
Danilo Marino, Le haschich dans l’Islam médiéval.
Une histoire de l’ivresse entre médecine, loi et littérature ................................................. 19
Victoria Afanasyeva, L’antialcoolisme en France comme objet d’histoire :
généalogie et perspectives ............................................................................................................................37
Zoë Dubus, Pour une histoire de l’usage médical des stupéfiants :
état des lieux et perspectives ..................................................................................................................... 57
Alexandre Marchant, Une « épidémie de drogue » en France
dans les années 1960-1980 ? ......................................................................................................................73
Marie Jauffret-Roustide, La construction du crack comme « problème
public ». Socio-histoire des imaginaires sur des publics considérés comme
« indésirables » (1986-2023)...................................................................................................................... 95
Sources et documents
Vincent Verroust, Sur un extrait du film documentaire Les champignons
hallucinogènes du Mexique (1964) : art sous influence et transformation
de la personnalité ............................................................................................................................................. 117
Entretien
Olivier Hoibian, Dopage sportif, substances illicites et addictions :
entretien avec le Docteur Jean-Pierre de Mondenard......................................................... 131
Relecture
Jean-Jacques Yvorel, Pour une histoire du cannabis...................................................... 149
Varia
Gaspard Aebischer, Le corps médical genevois en politique
de la Restauration à « l’affaire Coindet » (1814-1856) ......................................................... 163
Iván Olaya Pelaez, Eugénisme et redressement de l’enfant délinquant
en Colombie au début du xxe siècle : la maison de correction
et école de travail Fontidueño ................................................................................................................ 179
Comptes rendus
Francesco Baldanzi et Giovanna Zipoli, Il medico fiorentino Bernardo Torni
(1452-1497) e gli usi alimentari nella Firenze dei Medici (Marilyn Nicoud) ..... 201
Lori Jones (dir.), Disease and the Environment in the Medieval
and Early Modern Worlds (Philip Rieder) ............................................................................. 205
Rebecca Whiteley, Birth Figures. Early Modern Prints
and the Pregnant Body (Laura Tatoueix)............................................................................... 209
Matthew James Crawford et Joseph M. Gabriel (dir.), Drugs on the Page.
Pharmacopoeias and Healing Knowledge in the Early Modern
Atlantic World (Rafael Mandressi ) ............................................................................................. 213
Sara E. Black, Drugging France. Mind-Altering Medicine
in the Long Nineteenth Century (Erwan Pointeau-Lagadec) ................................ 215
Konstantinos Gkotsinas, Poisons sociaux. Histoire des stupéfiants
en Grèce (1875-1950) (Zoë Dubus) ................................................................................................. 219

Histoire, Santé, Travail, Environnement

Histoire, Santé, Travail, Environnement

Séminaire 

 

Le séminaire s'inscrit dans l’axe thématique de recherche Écologie et Soins des mondes vivants du Centre Norbert Elias (UMR 8562). Il est organisé par le Centre d'enseignement de recherche (CER) d'histoire, dans le cadre de la Chaire ToxCit, avec le Groupement d’Intérêt Scientifique sur les Cancers d’Origine Professionnelle et Environnementale dans le Vaucluse (GISCOPE 84). 

 Principalement destiné aux chercheur·es et étudiant·es (en premier lieu masterant·es et doctorant·es) de différentes disciplines (sciences humaines et sociales, sciences de l’environnement, du vivant etc.), le séminaire est ouvert à tous·tes.

 

Programme 2024-2025

Jeudi 28 novembre (15h-17h) : Classé cancérogène  : une histoire des classifications du Centre international de recherche sur le cancer . Avec Valentin Thomas, sociologue (Cermes3/CNRS) 

Jeudi 12 décembre (15h-17h) : De l'implantation de Marcoule à la nucléarisation du Rhône (années 1950 - années 1990). Avec Louis Fagon, historien (LARHA/ENS Lyon)

Jeudi 23 janvier (15h-17h) : Le camp militaire de Miramas dans la Crau et les armes chimiques dans les guerres coloniales françaises (1920-2006). Avec Olivier Saint-Hilaire, photographe, historien, (Cired, Iris/EHESS)

Jeudi 27 février (15h-17h) : Avoir l’amiante : trajectoires et perceptions dans le pays roussillonnais (titre provisoire). Avec Bastien Guillermin, sociologue (Pacte/Université Grenoble Alpes)

Jeudi 27 mars (15h-17h) : Habiter la pollution industrielle. Expériences et métrologies citoyennes de la contamination (Presses des Mines, 2023). Avec Christelle Gramaglia, sociologue (G-EAU, INRAE). La séance sera suivie d’une projection-débat consacrée au film Toxicily de François-Xavier Destors et Alphonso Pinto (horaires et lieux communiqués prochainement)

Jeudi 10 avril  (15h-17h) : Comprendre la pollution aux PFAS par l’histoire de la production et des ateliers de production : Arkéma, une enquête en cours. Avec Emmanuel Martinais, géographe, (EVS-RIVES/ENTPE Université de Lyon) 

 

Infos pratiques :  

Les séances ont lieu les jeudis de 15h00 à 17h00 à Avignon Université sur le site Hannah Arendt [https://univ-avignon.fr/universite/plans-dacces] et en visioconférence.

 

Entrée libre avec inscription obligatoire au préalable : https://digipad.app/p/992715/f2960f1567532. Les salles et lien pour la visio seront communiqué·es avant chaque séance aux inscrit·es. 

Les informations sont à retrouver sur le site du Centre Norbert Elias ou sur le site du GISCOPE 84. Contacts : sylvain.bertschy@univ-avignon.fr ou giscope84@centrenorbertelias.fr 

 

dimanche 1 décembre 2024

Cancers et reconstructions médico-chirurgicales

Cancers et reconstructions médico-chirurgicales à travers les siècles

Michel A. Germain

Introduction de Mathilde Gandar
Préface de Francis Michot

L'Harmattan
Date de publication : 27 juin 2024
Broché - format : 13,5 x 21,5 cm • 218 pages
Langue : français
ISBN : 978-2-336-46663-7


Le corps répare le corps… Aider les patients atteints de cancer, les reconstruire physiquement, leur redonner de l’espoir, les voir sourire, autant de réussites qui confèrent au jour présent un soleil plus luisant et plus beau dans le cœur de notre chirurgien.

L’auteur, pionnier de la microchirurgie en France, insiste sur les examens complémentaires, la technique de microchirurgie, les lambeaux et les transplants proposés après exérèse d’un cancer pour réhabiliter un malade fragilisé.
Pour cela, Michel A. Germain revient sur l’histoire des diverses thérapeutiques et des innovations médicales découvertes et aménagées, de l’Antiquité à nos jours, pour traiter les cancers.
Soucieux de l’être humain, de sa souffrance, il dépeint avec précision comment la chirurgie a évolué, comment elle est passée de mutilante à conservatrice d’une fonction, d’un membre.