Journée d’étude
3 octobre 2024
UNIL
Organisation : Mireille Berton (Section de cinéma, faculté des lettres, UNIL) & Aude Fauvel (Institut des humanités en médecine, CHUV-UNIL)
Comment la psychiatrie en Suisse a-t-elle médiatisé ses pratiques et ses savoirs (savants ou profanes) ? Quels images et sons a-t-elle fait circuler, dans quels buts et avec quels résultats ? En quoi les spécificités professionnelles, institutionnelles et culturelles de cette branche de la médecine ont-elles infléchi ces productions audiovisuelles ? Et dans quelle mesure la psychiatrie suisse s’est-elle distinguée (ou non) des pays voisins du point de vue de la fabrication d’une archive audiovisuelle ?
La visualité a toujours joué un rôle capital en psychiatrie, comme l’illustre l’exemple bien connu de la photographie, qui a contribué — entre autres — au processus de professionnalisation de cette spécialité. Essentielle dans la formation et la recherche, employée pour véhiculer une image moderne de l’institution, elle a aussi induit la stigmatisation des personnes atteintes de troubles mentaux. Dans le sillage de la photographie, le film, la télévision, la radio et la vidéo ont également participé à construire des savoirs sur la folie, de sorte à les (ré)affirmer, les rationaliser, les promouvoir, les renouveler, etc. Et à chaque fois, selon les époques et contextes de production, de diffusion et de réception, l’audiovisuel a généré différents usages, niveaux de lecture, effets, récits et contre-récits.
Cette journée d’étude vise à explorer comment la psychiatrie en Suisse au XXe siècle s’est emparée des médias audiovisuels pour donner forme à la folie, mais aussi façonner une certaine image d’elle-même, que ces représentations émanent du corps médical et paramédical, des patient·e·s ou de leur entourage. L’objectif de cette rencontre est double : d’une part, rassembler des chercheurs·euses travaillant sur des questions communes et stimuler les échanges entre eux ; d’autre part, favoriser un dialogue transdisciplinaire entre humanités médicales, histoire de l’art et histoire des médias autour d’objets qui gagnent à être éclairés par leurs regards croisés.
Connue pour avoir laissé quelques figures marquantes à l’histoire de la psychiatrie, de la psychologie et de la psychanalyse, on peut se demander si la Suisse a fait des médias audiovisuels des usages singuliers ou originaux. La question peut en effet se poser au regard de ses particularités. Née au sein des grands centres universitaires, la psychiatrie suisse se définit par la pluralité de ses pratiques, son réseau très dense d’établissements privés et publics, l’émulation entre Suisse romande et Suisse allemande ou encore un intérêt pour la psychanalyse et pour le développement de nouvelles méthodes thérapeutiques (cure par le sommeil, insulinothérapie, thérapie par le travail, art thérapie, etc.). La souveraineté des cantons sur le plan des politiques de soins et la situation géographique de la Suisse au centre de l’Europe (qui font d’elle un lieu ouvert aux courants — centripètes et centrifuges — d’idées, de personnes, de savoir-faire) achèvent de dessiner le profil idiosyncrasique de la psychiatrie suisse.
Si l’implication dans l’étude de la psychopathologie de l’expression (connue aussi sous le nom d’« art brut ») a reçu l’attention soutenue des chercheurs·euses, notamment en histoire de l’art et de la littérature, il reste encore bien des pistes et des corpus à explorer du côté des médias comme la radio, le film, la télévision ou la vidéo. Rattachées encore trop souvent au monde de l’art, critiquées pour être des instruments de pouvoir aux mains des psychiatres, minorées car jugées non scientifiques, les sources audiovisuelles méritent pourtant qu’on s’y attarde afin de recueillir en elles des informations absentes des textes écrits.
De fait, les documents audiovisuels constituent des formes de communication en partie non narratives et non verbales, qui invitent à prêter attention aux corps des patients, médecins, etc., à la manière dont ils interagissent et dont la maladie s’incarne. Dans les cas des films de recherche, les images animées montrent autre chose que le savoir médical, révélant l’éthos des médecins, la résistance des patient·e·s ou les limites d’un projet (scientifique, thérapeutique, institutionnel, etc.). Si ces objets sont emblématiques des normes dictées par les protagonistes de la psychiatrie, ils constituent également des sources plurivoques, éloquentes à plusieurs points de vue, y compris dans leurs silences.
Contexte : cette journée d’étude est organisée dans le cadre de deux recherches financées par le FNS :Cinéma et (neuro)psychiatrie en Suisse : autour des collections Waldau, 1920-1990 (2021-2025), dir. Mireille Berton (UNIL). Site : https://waldau.hypotheses.org/.
MEDIF (2023-2027), dir. Aude Fauvel (IHM-CHUV-UNIL) et Rémy Amouroux (Institut de psychologie, UNIL). Le projet étudie l’histoire des premières femmes médecins en Suisse romande et en France, des années 1870 à l’entre-deux-guerres, ainsi que leurs contributions aux savoirs médicaux.
Comité scientifique : Dr Mireille Berton (Section d’Histoire et esthétique du cinéma, UNIL) ; Dr Aude Fauvel (Institut des Humanités en médecine-CHUV-UNIL) ; Dr Marianna Scarfone (Faculté des sciences sociales, Université de Strasbourg) ; Dr Félix Rietmann (Section de médecine, Université de Fribourg).
UNIL
Organisation : Mireille Berton (Section de cinéma, faculté des lettres, UNIL) & Aude Fauvel (Institut des humanités en médecine, CHUV-UNIL)
Comment la psychiatrie en Suisse a-t-elle médiatisé ses pratiques et ses savoirs (savants ou profanes) ? Quels images et sons a-t-elle fait circuler, dans quels buts et avec quels résultats ? En quoi les spécificités professionnelles, institutionnelles et culturelles de cette branche de la médecine ont-elles infléchi ces productions audiovisuelles ? Et dans quelle mesure la psychiatrie suisse s’est-elle distinguée (ou non) des pays voisins du point de vue de la fabrication d’une archive audiovisuelle ?
La visualité a toujours joué un rôle capital en psychiatrie, comme l’illustre l’exemple bien connu de la photographie, qui a contribué — entre autres — au processus de professionnalisation de cette spécialité. Essentielle dans la formation et la recherche, employée pour véhiculer une image moderne de l’institution, elle a aussi induit la stigmatisation des personnes atteintes de troubles mentaux. Dans le sillage de la photographie, le film, la télévision, la radio et la vidéo ont également participé à construire des savoirs sur la folie, de sorte à les (ré)affirmer, les rationaliser, les promouvoir, les renouveler, etc. Et à chaque fois, selon les époques et contextes de production, de diffusion et de réception, l’audiovisuel a généré différents usages, niveaux de lecture, effets, récits et contre-récits.
Cette journée d’étude vise à explorer comment la psychiatrie en Suisse au XXe siècle s’est emparée des médias audiovisuels pour donner forme à la folie, mais aussi façonner une certaine image d’elle-même, que ces représentations émanent du corps médical et paramédical, des patient·e·s ou de leur entourage. L’objectif de cette rencontre est double : d’une part, rassembler des chercheurs·euses travaillant sur des questions communes et stimuler les échanges entre eux ; d’autre part, favoriser un dialogue transdisciplinaire entre humanités médicales, histoire de l’art et histoire des médias autour d’objets qui gagnent à être éclairés par leurs regards croisés.
Connue pour avoir laissé quelques figures marquantes à l’histoire de la psychiatrie, de la psychologie et de la psychanalyse, on peut se demander si la Suisse a fait des médias audiovisuels des usages singuliers ou originaux. La question peut en effet se poser au regard de ses particularités. Née au sein des grands centres universitaires, la psychiatrie suisse se définit par la pluralité de ses pratiques, son réseau très dense d’établissements privés et publics, l’émulation entre Suisse romande et Suisse allemande ou encore un intérêt pour la psychanalyse et pour le développement de nouvelles méthodes thérapeutiques (cure par le sommeil, insulinothérapie, thérapie par le travail, art thérapie, etc.). La souveraineté des cantons sur le plan des politiques de soins et la situation géographique de la Suisse au centre de l’Europe (qui font d’elle un lieu ouvert aux courants — centripètes et centrifuges — d’idées, de personnes, de savoir-faire) achèvent de dessiner le profil idiosyncrasique de la psychiatrie suisse.
Si l’implication dans l’étude de la psychopathologie de l’expression (connue aussi sous le nom d’« art brut ») a reçu l’attention soutenue des chercheurs·euses, notamment en histoire de l’art et de la littérature, il reste encore bien des pistes et des corpus à explorer du côté des médias comme la radio, le film, la télévision ou la vidéo. Rattachées encore trop souvent au monde de l’art, critiquées pour être des instruments de pouvoir aux mains des psychiatres, minorées car jugées non scientifiques, les sources audiovisuelles méritent pourtant qu’on s’y attarde afin de recueillir en elles des informations absentes des textes écrits.
De fait, les documents audiovisuels constituent des formes de communication en partie non narratives et non verbales, qui invitent à prêter attention aux corps des patients, médecins, etc., à la manière dont ils interagissent et dont la maladie s’incarne. Dans les cas des films de recherche, les images animées montrent autre chose que le savoir médical, révélant l’éthos des médecins, la résistance des patient·e·s ou les limites d’un projet (scientifique, thérapeutique, institutionnel, etc.). Si ces objets sont emblématiques des normes dictées par les protagonistes de la psychiatrie, ils constituent également des sources plurivoques, éloquentes à plusieurs points de vue, y compris dans leurs silences.
Contexte : cette journée d’étude est organisée dans le cadre de deux recherches financées par le FNS :Cinéma et (neuro)psychiatrie en Suisse : autour des collections Waldau, 1920-1990 (2021-2025), dir. Mireille Berton (UNIL). Site : https://waldau.hypotheses.org/.
MEDIF (2023-2027), dir. Aude Fauvel (IHM-CHUV-UNIL) et Rémy Amouroux (Institut de psychologie, UNIL). Le projet étudie l’histoire des premières femmes médecins en Suisse romande et en France, des années 1870 à l’entre-deux-guerres, ainsi que leurs contributions aux savoirs médicaux.
Comité scientifique : Dr Mireille Berton (Section d’Histoire et esthétique du cinéma, UNIL) ; Dr Aude Fauvel (Institut des Humanités en médecine-CHUV-UNIL) ; Dr Marianna Scarfone (Faculté des sciences sociales, Université de Strasbourg) ; Dr Félix Rietmann (Section de médecine, Université de Fribourg).
Programme de la journée
8h30-9h00 : Introduction
Panel 1 : Promouvoir l’institution psychiatrique
Modération : Dr Mireille Berton
9h00-9h30 : Mikhaël Moreau (IHM-CHUV/UNIL) – Comment faire de la publicité pour la psychiatrie ? L’exemple des campagnes de « propagande » pour l’hôpital de Cery dans les années 1960
9h30-10h00 : Dr Elodie Murtas (UNIL) – De l’Abeitstherapie à l’ergothérapie : quand le film s’empare de la thérapeutique psychiatrique occupationnelle
10h00-10h30 : Discussion
10h30-11h00 : Pause
Panel 2 : Représenter le monde des patient·e·s
Modération : Dr Félix Rietmann (Université de Fribourg)
11h00-11h30 : Dr Jessica Schupbach (UNIL) – Au fil et au cœur des films de la collection Waldau… les patient·e·s.
11h30-12h00 : Chiara Sartor (Université Humboldt de Berlin) – Médiatiser l’écriture « brute », 1979–2021. De la critique sociale post-soixante-huitarde à l’esthétisation actuelle
12h00-12h30 : Discussion
12h30-13h45 : Pause de midi
Panel 3 : Médiatiser la psychanalyse
Modération : Dr Aude Fauvel
13h45-14h15 : Dr Camille Jaccard (UNIL) – Inconscient et prophylaxie des troubles mentaux sur les ondes de Radio-Lausanne dans l’après-guerre : Les chroniques du psychanalyste Georges Favez (1901-1981)
14h15-14h45 : David Bucheli (UNIBAS) — “Tell me what you see”. Looking at Rorschach’s Inkblots through the Cinema of Robert Siodmak and Ken Jacobs
14h45-15h15 : Discussion
15h15-15h45 : Pause
Panel 4 – Mettre en perspective les archives audiovisuelles aujourd’hui
Modération : Prof. Anne-Katrin Weber (UNIL)
15h45-16h15 : Paola Juan (IHM-CHUV/UNIL) – Éthique et productions audiovisuelles (2019-2024) : regards croisés
16h15-16h45 : Alexandra Tilman (CIRCEC) – Retour sur les archives RTS de la psychiatrie des années 1960. Un travail de recherche-documentaire multimédias réalisé à l’Université de Lausanne
16h45-17h15 : Discussion
17h15-17h35 : Conclusion – Dr Marianna Scarfone (Université de Strasbourg)
Contact : mireille.berton@unil.ch
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