mercredi 5 octobre 2022

Faire l’histoire des réseaux du soin

Faire l’histoire des réseaux du soin : acteurs, espaces et pratiques de l’Antiquité à nos jours

Appel à communications




Journée d’étude 

 les 13 et 14 avril 2023

EHESS (Campus Condorcet, Aubervilliers-Paris).



Depuis le milieu des années 2010, la notion de réseau occupe une place grandissante dans le champ des études historiques. Comme le rappelle Laurent Beauguitte, l’analyse des réseaux sociaux provient de la sociologie des années 1950 – 1960, via les écoles de Manchester et de Harvard. Appliquée à l’histoire, l’analyse de réseau consiste alors à utiliser des méthodes quantitatives — et pourquoi pas de visualisation des données — afin de rendre compte d’un phénomène relationnel dans un cadre historique. Toutefois, contrairement aux craintes des historiens, la méthode quantitative ne supplante pas l’approche qualitative, les deux s’avérant complémentaires l’une de l’autre.

En histoire de la médecine, l’analyse de réseaux reste marginale. Elle se réduit bien souvent aux biographies individuelles des acteurs qui valorisent la figure du savant, souvent au détriment du fonctionnement collectif et relationnel des professions médicales. Cependant, bien que ces travaux mettent en lumière les réseaux d’acteurs dans les professions du soin, ils ne s’appuient pas explicitement sur le concept des réseaux de sociabilité.

L’objectif de cette journée d’études sera par conséquent de se saisir de l’analyse de réseaux et de l’appliquer à l’histoire de la médecine et de la santé, de l’Antiquité à nos jours. Cette nouvelle méthode permettra ainsi de revisiter un certain nombre de sources (données cartographiques, inventaires après-décès, correspondances épistolaires, etc.) afin de révéler les réseaux à la fois personnels et professionnels qui structurent les communautés médicales. On pourra penser à plusieurs manières d’étudier les réseaux et leurs formes : l’approche prosopographique qui, par la mise en relation de sources diverses, souligne la place des professions médicales dans les milieux savants. Une approche biographique qui s’intéresserait aux espaces, aux cercles fréquentés et qui éclairerait un contexte historique plus large à partir de la trajectoire de vie de l’individu. Quant à elle, l’approche quantitative met en avant les structures, les récurrences, les failles, les logiques des réseaux, par un échantillonnage de données tirées de sources historiques. Enfin, l’approche spatiale met en lumière l’interconnexion des communautés médicales et d’autres professions (artisans, botanistes, éditeurs, marchands, etc.) ou au contraire son absence ; cet angle peut en outre inclure des outils de visualisation (cartes, graphiques relationnels…). Les pistes de travail présentées ci-dessus ne sont pas exclusives et nous invitons les participant.e.s à proposer d’autres approches lors de la soumission de leur communication.

Nous proposons quatre axes pour orienter notre réflexion. Bien que ces axes peuvent être traités séparément, nous apprécierons particulièrement les communications qui les croiseraient pour réfléchir à la complexité des situations étudiées.


Échelles et espaces. Cet axe invite à penser le soin de l’Antiquité à nos jours à partir d’une approche spatiale. Partie intégrante d’une étude des réseaux, les échelles mettent en lumière les espaces investis par les acteurs et les échanges qui s’y déroulent à plusieurs niveaux. À quelle échelle pouvons-nous penser le soin selon les époques ? Par exemple, dans la France de l’époque moderne, les médecins ne peuvent exercer plus loin que la province où ils ont obtenu leur diplôme. Si les corporations urbaines régulent le travail des chirurgiens et des apothicaires à l’échelle de la ville, c’est souvent à l’échelle du quartier que se déroule l’offre de soin. À une échelle très locale, les espaces domestiques et hospitaliers concentrent d’autres types d’acteurs et de pratiques. Inversement, quelles relations ces échelles locales ont-elles avec des espaces plus larges (le reste de la ville, les campagnes, les provinces, le pays) ? Penser les échelles du soin invite donc à localiser les pratiques et les acteurs dans l’espace, à réfléchir sur la relation entre les centres, les marges et les périphéries du soin, ainsi que les différentes configurations qui peuvent avoir lieu sur le temps long.

Acteurs du soin. Cet axe vise à mettre en lumière la pluralité des acteurs du soin (médecins, chirurgiens, apothicaires, charlatans, domestiques, familles, etc.) et la complexité des profils soignants. Dans l’optique des réseaux, on s’intéressera particulièrement à leurs contacts personnels, familiaux, professionnels ainsi qu’aux acteurs qui gravitent autour d’eux. Il s’agit de se pencher sur la complexité des échanges et des relations qui ont lieu (complémentarité, tensions, collaborations), qu’ils soient inscrits dans des hiérarchies sociales ou contraints par des régulations. Cela peut inclure l’étude des trajectoires d’acteurs afin de faire apparaître leurs déplacements, activités et points de contact au fil du temps pour souligner la complexité des profils soignants.

Déplacements et mobilités. Tout en rejoignant le premier, cet axe insiste davantage sur les mobilités des acteurs entre divers espaces. Certains acteurs se déplacent pour apprendre les gestes du métier (compagnonnage), certains soins requièrent des visites régulières sur une période définie, d’autres personnages itinérants voyagent pour vendre des remèdes. Comment les acteurs du soin investissent-ils l’espace dans lequel ils pratiquent ? De même, comment des idées et des objets médicaux circulent entre différents réseaux d’acteurs ? De quelle manière ces personnes se déplacent-elles et ainsi reconfigurent-elles les réseaux (à pied, par bateau…) ? Cet axe invite donc à dépasser les seuls actes du soin pour mettre en lumière l’étendue des pratiques impliquées de près ou de loin dans les activités du soin.

Visualisations des réseaux du soin. Avec le développement des humanités numériques, de nombreux logiciels (géolocalisation, nuages, outils cartographiques, etc.) apparaissent comme des moyens innovants pour transmettre des données historiques par le visuel et mettre en image des réseaux. Cet axe souhaite réfléchir à ces nouveaux outils et ce qu’ils peuvent apporter à la méthode historique à travers leur exploitation, leur maniement, leur potentiel ainsi que leurs limites. Pour se saisir de cette question en situation, des communications présentant une étude de cas en histoire de la médecine seront appréciées (visualisation d’un réseau d’un professionnel du soin, réseau d’un marchand de remèdes, réseau éditorial de médecins, correspondances épistolaires).

Date limite de soumission des projets de communication : 1er décembre 2022.

Les résumés des communications sont attendus en français et ne devront pas excéder ½ page (1500 signes, espaces comprises), à envoyer aux adresses suivantes : berengere.pinaud@ehess.fr et laura.pennanech@ehess.fr

Les propositions de jeunes chercheur.se.s (post-docs ou doctorant.e.s) sont particulièrement bienvenues.

Dans l’optique d’un projet de publication, nous attendrons des participant·es retenu·es un texte de leur communication à nous remettre au plus tard le 1er avril 2023.

La journée d’étude se tiendra les 13 et 14 avril 2023 (sur deux jours, sous réserve du nombre de participant.e.s) en présentiel sur le Campus Condorcet, Aubervilliers (Paris).

Comité d’organisation : Laura Pennanec’h & Bérengère Pinaud

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire