Guerres médicales. Penser, combattre et instrumentaliser les épidémies dans l’Italie du Nord, 1796-1805
Soutenance de thèse de Paul-Arthur Tortosa
La soutenance aura lieu le 24
juin à 10h30 en visioconférence Zoom. Celles et ceux qui seraient
intéressé·es peuvent s'inscrire à l'adresse suivante : https://www.eui.eu/events?id=536842
Le jury est composé de :
Maria Pia DONATO, Professeure à l’Université de Cagliari et Directrice de recherche CNRS (Examinatrice)
Rafael MANDRESSI, Directeur de Recherche CNRS, EHESS (Co-directeur)
Anne RASMUSSEN, Directrice d’études, EHESS (Examinatrice)
Lucy RIALL, Professeure, European University Institute (Examinatrice)
Stéphane VAN DAMME, Professeur, École Normale Supérieure (Directeur)
Cette thèse propose une histoire des épidémies dans le nord de l’Italie sous domination française (1796-1805). Elle s’inscrit dans l’histoire sociale de la médecine et l’étude sociale des sciences, et se focalise sur les épidémies contestées, c’est-à-dire celles dont l’origine, la nature et souvent l’existence même sont largement débattues, telles que les fièvres intermittentes, le mal du pays, la fièvre des hôpitaux et la fièvre de Livourne. Ce travail analyse deux types différents mais complémentaires de « guerres médicales » : l'instrumentalisation des connaissances et des acteurs médicaux pour soutenir l'expansion militaire française ; et les guerres politiques et commerciales menées contre des États accusés de mentir sur la situation épidémiologique de leur population.
Politiquement morcelée, traversée par des armées étrangères, frappée par de nombreuses épidémiques dont les autorités civils et militaires tentent de minimiser la gravité voire de nier l’existence, l’Italie de cette période est un observatoire privilégié de la production sociale de savoirs et d’ignorance relative aux épidémies. Si ces dernières affectent profondément la société italienne, je montre que les discours médicaux et les politiques de santé publique obéissaient moins à des logiques sanitaires qu’à des impératifs économiques et géopolitiques.
L’étude du rôle joué par les questions sanitaires lors des campagnes d’Italie offre un nouveau regard sur des guerres ayant joué un rôle essentiel dans la carrière politique de Bonaparte. Cette thèse montre que les médecins militaires ont aidé l'impérialisme français en soignant les soldats malades et blessés, mais aussi en publiant des traités définissant les maladies comme endémiques au lieu d'épidémiques ou niant leur existence même, afin de combattre le discours des autorités municipales accusant l'armée française de propager des maladies sur le sol italien.
Les enjeux politiques de la production de connaissance et d’ignorance sont également au cœur de mon analyse de la fièvre qui a frappé Livourne en 1804. Grâce à une approche microhistorique, je mets en évidence le rôle crucial joué par les acteurs non professionnels dans la surveillance épidémiologique quotidienne, et démontre que les sources informelles étaient paradoxalement considérées comme des preuves plus fiables que les documents officiels signés par des médecins et des fonctionnaires. J'analyse également la manière dont la confiance se construit entre les magistrats de santés des différents pays, en montrant que les gouvernements prennent des mesures de santé publique considérant les effets qu'elles sont censées avoir sur les gouvernements des États voisins plus que leur fondement scientifique.
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