Autour du cadavre. Histoire et anthropologie de la mort
Séminaire inter-laboratoires ADES/Telemme
2020 — 2021
Les transformations contemporaines du traitement des morts ordinaires (gestion des cimetières, essor de la crémation ou de la thanatopraxie) et les problèmes soulevés par les récentes crises de mortalité (migrants, canicule, épidémies, guerre, etc.) incitent à engager une réflexion pluridisciplinaire et internationale sur le fait mortuaire, en faisant intervenir de façon conjointe des anthropologues, des archéologues, des historiens, des historiens de l’art, des médecins, des philosophes, des psychologues, des sociologues.
Or, s’il existe à ce jour de nombreuses forces dispersées et plus ou moins institutionnalisées (carnets de recherches, programmes courts financés, dispositifs institutionnels) il n’existe pas en France d’espace scientifique et de recherche spécifiquement consacré à la mort. Ce séminaire de recherche inter-laboratoire a vocation à combler ce manque en engageant une réflexion sur le fait mortuaire, ses modalités, ses évolutions, ses enjeux.
Dans le cadre de sa première année de fonctionnement, 4 journées d’étude auront lieu alternativement à Marseille (sur le site de la Timone) et à Aix-en-Provence (sur le site de la MMSH). Les recherches de membres d’ADES et de Telemme travaillant directement sur ces questions y seront présentées, débattues, et mises en dialogue avec celles de spécialistes français et européens.
Les chercheurs, doctorants et étudiants de master sont les bienvenus à participer à ce séminaire.
CONTACT : anne.carol@univ-amu.fr / elisabeth.anstett@univ-amu.fr
MERCREDI 18 NOVEMBRE 2020 : CADAVRES ANONYMES
Marseille, campus de la Timone (salle à déterminer), 10h-12h et 14h-16h.
Lorsqu’elles en viennent à gérer leurs morts, les sociétés confrontées aux crises de mortalité se retrouvent le plus souvent face à trois types de situations difficiles : l’absence de cadavres (lorsque certains morts sont manquants), la présence de restes partiels (lorsque les cadavres sont fragmentés) et la présence de corps non-identifiés. Cette dernière situation se rencontre dans tous les contextes marqués par les violences de masse mais aussi dans des contextes plus ordinaires marqués par d’autres types de violences (telles que les violences sociétales par exemple) ou lors des catastrophes qu’elles soient sanitaires, «naturelles » ou industrielles lorsqu’un grand nombre de décès interviennent simultanément; cette situation se traduit alors par la présence persistante et problématique de corps anonymes ou de restes humains qui demeurent parfois non-identifiés durant une période de temps extrêmement longue. La simple présence de ces cadavres anonymes, tout autant que leur prise en charge mortuaire et funéraire, pose alors aux sociétés comme aux individus de nombreuses questions (d’ordre
techniques, juridiques, morales ou politiques) que cette première journée de présentations et de discussion entend précisément aborder.
Intervenants :
- Pascal Adalian (anthropologue biologique, AMU, ADES)
- Elisabeth Anstett (anthropologue sociale, CNRS, ADES)
- Bruno Bertherat (historien, Université d’Avignon et des Pays du Vaucluse, CNE)
- Jean-Marc Dreyfus (historien, Université de Manchester, GB)
VENDREDI 8 JANVIER 2021 : MÉDECINS ET CADAVRES
Aix-en-Provence, Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme, Salle Georges Duby,
10h-12h et 14h-16h.
Depuis le XVIIIe siècle, la médecine revendique conjointement une expertise sur et un usage des cadavres, au point qu’on a pu parler de médicalisation de la mort. Ce sont des médecins que l’état civil a chargés de certifier la mort, et aux médecins légistes que l’on a confié la tâche de déterminer les circonstances du décès ou d’identifier les corps anonymes. Partant du principe que les cadavres sont dangereux pour la santé des vivants, les médecins ont aussi été à l’oeuvre dans la gestion hygiéniste des cimetières modernes ou dans la promotion de la crémation. Par ailleurs, l’institutionnalisation des travaux anatomiques dans la formation médicale, les besoins de la recherche ou ceux des transplantations d’organes ont créé une demande de corps qui s’est longtemps satisfaite auprès des populations fragiles (pauvres des hôpitaux, suppliciés) avant d’être alimentée par les dons de corps à la science. Nous nous proposons dans cette journée de confronter quelques-unes de ces logiques médicales aux logiques funéraires portées par d’autres acteurs (les proches, les acteurs religieux), à travers quelques exemples de corps ou de situations limites.
Intervenants :
- Pierre Guyomarch (anthropologue forensique, CICR, Suisse, associé ADES)
- E. T. Hurren (historienne, Université de Leicester, GB)
- D. Peiretti (historienne, AMU, Telemme)
- Valérie Robin Azevedo (anthropologue sociale, Université de Paris, URMIS)
MERCREDI 17 MARS 2021 : CADAVRES DANGEREUX
Marseille, campus de la Timone (salle à déterminer), 10h-12h et 14h-16h.
Que ce soit en situation de mortalité ordinaire, ou extraordinaire, de nombreuses sociétés se sont retrouvées confrontées à des dépouilles représentant un danger ou un risque avéré ou supposé. Cadavres potentiellement contagieux (comme dans le cas des épidémies de peste, ou plus récemment celles d’Ebola et du Covid) ou bien radioactifs (comme dans le cas des morts du Tsunami aux alentours de Fukushima), dépouilles de sorciers, de magiciens ou de tyrans réputés pour le pouvoir qu’ils exercent à distance dans le temps et l’espace voire par-delà la mort, la nécessaire prise en charge ces cadavres symboliquement ou physiquement dangereux oblige alors les sociétés à reconsidérer leur traitement funéraire au regard des normes en vigueur par ailleurs, et plus généralement repenser le rapport qui peut être entretenu avec ces dépouilles dangereuses. Les quatre intervenants de cette 3e journée de discussions aborderont plusieurs exemples de traitements sociaux de cette dangerosité.
Intervenants :
- Régis Bertrand (historien, AMU, Telemme)
- Sébastien Boret (anthropologue social, Tohoku University, Japon)
- Diego Carnevale (historien, Université de Naples Federico II, associé Telemme)
- Gaëlle Clavandier (sociologue, Université de Saint-Etienne, associée ADES)
JEUDI 6 MAI 2021 : CADAVRES INDÉSIRABLES
Aix-en-Provence, Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme, Salle Paul-Albert Février,
10h-12h et 14h-16h.
Si les rites funéraires ont une fonction de cohésion sociale, il est des cadavres dont personne ne veut et dont le sort est en déshérence. Les morts peuvent se situer aux marges de la communauté (esclaves, S.D.F.), en avoir été exclus par leurs actes (terroristes, criminels) ou leur dissidence politique ou religieuse, se trouver en position d’exil. La question de la prise en charge de leurs corps se pose donc, qu’il s’agisse des acteurs, des modalités concrètes de leur traitement et de leur degré de formalisation, des enjeux symboliques éventuels.
Intervenants :
- Anne Carol (historienne, AMU, Telemme)
- Maria-Teresa Ferreira (archéologue, Université de Coimbra, Portugal, associée ADES)
- Carolina Kobelinski (anthropologue sociale, CNRS, LESC)
- Isabelle Renaudet (historienne, AMU, Telemme)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire