vendredi 9 avril 2021

L’usage médical des eaux minérales (1300-1850)

Médecine des eaux. L’usage médical des eaux minérales (1300-1850)

  

Appel à propositions

 

Date limite de réception des propositions : 21 mai 2021

 Penser la médecine des eaux suppose de se dégager de l’ombre rétrospective de la « fièvre thermale » du second xixe siècle et d’une vision centrée sur l’émergence des loisirs et du tourisme, de la commercialisation et de la consommation. En nous inscrivant dans le renouveau de l’histoire des thérapeutiques et en poursuivant les travaux qui ont montré leur appropriation par les médecins, d’abord en Italie, à la fin du Moyen Âge, nous voudrions replacer les eaux dans le contexte médical de leurs savoirs et de leurs usages. Le statut particulier des eaux, entre médicament et élément du régime de vie, permet d’interroger les dynamiques savantes et pratiques du monde médical.

Dans une perspective de longue durée, nous voudrions réévaluer la chronologie de l’usage médical des eaux minérales et poser les jalons d’une périodisation renouvelée. Notre objectif serait de montrer comment, à des périodes et dans des espaces variés, un certain nombre de questions et de tensions sont mobilisées et reconfigurées.

Les eaux minérales peuvent être lues au prisme des savoirs médicaux : l’efficacité du traitement des eaux, ses causes et son évaluation ; la relation problématique entre la composition de l’eau et son usage thérapeutique ; éventuellement comme remède spécifique de maladies particulières. Elles s’inscrivent aussi dans des considérations d’ordre géographique et économique : l’association des eaux à un lieu et la possibilité de produire et commercialiser des eaux minérales artificielles ; l’articulation entre les espaces médicaux et les espaces de loisirs ou de transgression condamnés par les autorités. Les villes d’eaux sont des lieux de sociabilité entre des groupes professionnels et sociaux divers dont la cohabitation éphémère redéfinit les frontières.

Des eaux qui guérissent

Savoirs sur les eaux : La formalisation du savoir sur les eaux implique notamment des recherches sur la composition des eaux et sur leur origine, qui convoquent la philosophie naturelle, la minéralogie, la géologie ou la chimie. Elle mobilise des institutions de nature et d’échelle variées qui capitalisent ces savoirs et les publient. Ces processus font intervenir une diversité d’acteurs (médecins, apothicaires, philosophes de la nature, alchimistes, chimistes…), de genres médicaux et littéraires (traités, catalogues, dictionnaires, guides…).

Indications : La prescription, la recommandation ou l’auto-prescription des eaux minérales dans la thérapeutique peuvent être étudiées à plusieurs échelles. Les eaux minérales font figure de « remède spécifique des maladies chroniques » et permettent d’intégrer ces maladies, l’expérience des malades ainsi que leur parcours dans l’histoire de la médecine et de la santé. Par ailleurs, la variété des indications et la spécialisation des eaux et des lieux invitent à penser l’articulation entre composition des eaux et stratégies thérapeutiques et commerciales. 


Lieux de rencontre thérapeutique

Cohabitation : L’interaction d’acteurs/rices divers·es dans un même lieu, selon une chronologie de plus en plus souvent réglée permet d’envisager la relation thérapeutique et ses intermédiaires d’une manière complexe, alliant aspects médicaux, sociaux et économiques. On pense notamment à la diversité des professions, aux relations entre civils et militaires parmi les malades ou les autorités, ainsi qu’aux articulations entre les échelles locale, nationale ou internationale. À la fréquentation par des populations diverses s’ajoute une économie des réputations fondée sur des récits pluriels.


Lieux et espaces : La géographie des eaux peut être interrogée à la fois en termes de répartition et de hiérarchie. On pourra s’intéresser particulièrement aux villes de second ordre. Les aménagements et le développement urbain autour des eaux sont un enjeu important, à la charnière de l’économique et de ce qu’on appellerait aujourd’hui une médecine environnementale. Le développement d’une médecine des eaux dans les espaces coloniaux comporte également des enjeux spécifiques qui pourraient être éclairés.

 
Les multiples enjeux de la médecine des eaux

Économie de la santé : Entre bien commun et objet d’appropriation, comment s’organisent la propriété et la distribution des eaux ? Quelles sont les relations économiques établies autour de la propriété foncière et l’exploitation thérapeutique des eaux ? Comment sont financés les aménagements des villes et des établissements thermaux ? L’accès gratuit aux eaux pour certaines catégories de malades – indigents et populations locales notamment – est un enjeu croissant. La concurrence entre les eaux, dont témoignent les sources primaires et la littérature secondaire, pourrait aussi être interrogée et cartographiée à des échelles variées. Le commerce des eaux en bouteille et le développement des eaux artificielles participent enfin à reconfigurer l’économie des eaux à l’époque moderne.

Médecine et croyances - usages concurrents : L’utilisation thérapeutique de l’eau n’est pas le monopole des médecins. L’usage des sources et des fontaines peut faire l’objet de pratiques, traditions ou réappropriations religieuses. Que pourrait nous apprendre une étude croisée des “fontaines miraculeuses” ou holy wells et des petites sources ? La coexistence de pratiques et des discours concurrents autour de ces eaux mériterait d’être explorée.

Une médecine environnementale ? : L’étude des eaux minérales peut contribuer à une histoire environnementale de la médecine à la fois dans la mesure où l’eau peut être pensée comme un déterminant environnemental de la santé ou de la maladie mais aussi parce que l’exploitation thérapeutique des eaux et les modalités de leur accès s’intègrent dans les problématiques de l’appropriation ou de la mise en commun des ressources naturelles.

Rouvrir le dossier des eaux minérales nécessite également d’évoquer la question des sources disponibles et d’en établir une typologie et une cartographie. Dans cette perspective, nous invitons particulièrement des contributions dans la rubrique « Sources et documents » destinée à la présentation critique de sources, textuelles ou iconographiques. 


Recommandations

Les propositions (5 000 signes environ, références bibliographiques incluses) devront être envoyées pour le 21 mai 2021 à Sophie Vasset (sophie.vasset [@] u-paris.fr) et François Zanetti (francois.zanetti [@] u-paris.fr).

Nous réunirons les autrices et auteurs des propositions retenues au début du mois de juillet pour discuter ensemble de l’équilibre du numéro et de ses enjeux et permettre ainsi des échanges durant la rédaction des articles et la préparation du numéro. Une seconde rencontre est prévue courant octobre.

La revue publie des articles en français, en anglais et en espagnol (30 000 signes/5 000 mots). Les consignes sont disponibles sur le site de la revue, à l’adresse suivante : https://journals.openedition.org/hms/757


Calendrier


21 mai 2021 : soumission des propositions d’article


4 juin 2021 : sélection des propositions


2 juillet 2021 : séminaire de mise en route du dossier


mi-octobre 2021 : atelier de discussion des articles


mi-janvier 2022 : soumission des premières versions achevées des articles 


Bibliographie


Andretta, E., « Les médecins du Tibre. La construction d’un savoir sur les fleuves dans la Rome du XVIe siècle », Histoire, médecine et santé, 11, 2017, p. 99-129.

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Boisseuil D., Le thermalisme en Toscane à la fin du Moyen Âge : les bains siennois de la fin du xiiie siècle au début du xvie siècle, Rome, École française de Rome, 2002.

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