Émotions et gestion des épidémies dans les villes-centre de l'Europe moderne et contemporaine (Écosse, France, Espagne, 1500-1900)
Appel à communication
Journée d’étude en novembre 2021.
La pandémie Covid-19 actuelle et la crise sanitaire qui en découle ne sont en rien une nouveauté au regard de l’histoire. Le monde a connu maintes épidémies (pestes, choléra…) qui ont décimé les populations. À chaque fois, il a fallu prendre en charge les victimes, gérer les problèmes d’inhumation et reconstruire physiquement et moralement la Cité. À chaque fois, l’émotion des populations citadines et de leurs édiles a été grande face aux pertes humaines et à la souffrance. Toute épidémie comporte néanmoins un caractère inédit, notamment dans sa gestion par les gouvernements nationaux et locaux ainsi que dans la manière dont la population fait face au fléau.
L’évolution de la médecine à travers les siècles a contribué, avec des succès divers, à mieux comprendre les risques et à expérimenter des remèdes adaptés, aussi les individus et les communautés ont-ils été obligés d’aborder la question de l’amélioration des conditions d’hygiène et de salubrité au sein des foyers mais également des villes et villages. Par intermittence, l’Église et l’État ont été à la fois des moteurs et des freins dans l’évolution de ces expériences de « santé publique ». Pour autant, malgré le degré d’émotion des populations et la forte mobilisation des instances de pouvoir et de savoir, ces progrès n’ont pas toujours été possibles immédiatement ou, s’ils l’ont été, c’est surtout une minorité privilégiée qui en aurait été bénéficiaire. Entre peur, déni, frustration ou morgue, la palette des émotions observables face à une épidémie majeure est vaste. Elle interroge autant les représentations du Mal en matière de santé qu’elle révèle, souvent en négatif, les contradictions sociales : la mortalité, la morbidité et l’accès aux soins en sont le reflet. La crise est un moment de vérité, et elle concerne régulièrement les rapports sociaux, ceci à toutes les échelles.
Afin de mieux comprendre ces évolutions et leurs influences ainsi que la connaissance du corps, de la médecine et les politiques de préventions mises en place depuis par les sociétés, ce projet propose d’aborder les thèmes de la santé et de sa gestion par les politiques des différents états et villes européennes du XVe siècle jusqu’au siècle des Lumières à travers les émotions nées des crises sanitaires et leur impact sur la gestion de l’hygiène des villes d’influence, en Europe, entre 1480 et 1790. Cette période charnière, à partir de la Renaissance et des bouleversements religieux de la Réforme, a permis l’émergence de nouveaux regards sur le corps et sa santé, stimulant par là-même les progrès de la science et de la médecine en faveur des citadins : mais, hommes et femmes, enfants et vieillards, riches et pauvres, firent-ils l’objet d’une attention égale ?
Ce projet souhaite consacrer une étude originale à l’histoire de la santé grâce à des regards croisés sur son évolution en France, en Écosse et en Espagne, entre autres, en ciblant des villes de taille et de statut équivalents telles que Versailles, Paris, Marseille, Édimbourg, Glasgow, Madrid et Séville, qui ont connu un développement démographique et économique fulgurant durant cette période. L’Écosse et les innovations impulsées par ses écoles de médecine de renommée mondiale servira de point de départ à notre approche comparative. Les métamorphoses sociales de ces villes ont obligé les gouvernements locaux à s’adapter, dans l’urgence tout d’abord, pour garantir la sécurité, la prospérité et l’hygiène communes. Ce fut pour elles l’occasion d’investir et d’innover pour réduire, quand cela était possible, l’impact des épidémies et y opposer une nouvelle perception de la ville : une cité contrôlée, saine et propice au négoce. Bien entendu, cette « communication » officielle autour de l’image d’un organisme urbain à l’abri des grandes pestilences joue sur tous les terrains à la fois : il s’agit régulièrement de rassurer pour mieux soigner et pour mieux contrôler.
Cette journée d’études transdisciplinaire et internationale s’attachera à mettre en évidence l’évolution de la perception de la santé publique, celle des puissants et celle des faibles, ainsi que sa « gouvernance » par les autorités locales et nationales.
Trois axes seront privilégiés :
- les émotions face à l’épidémie (peur.s, violence.s, mobilités, formes de mobilisation, désocialisations)
- les émotions en tant qu’instruments et/ou arguments du pouvoir édilitaire (prévention, justification, encadrement)
- les émotions dans la construction d’une mémoire plurielle des épidémies (dire/écrire le Mal, lieux de mémoire, fictions).
De multiples questions émergeront :
- Comment étaient organisées les quarantaines ?
- Les mesures prises, sur le court ou le moyen terme, ont-elles participé à l’accroissement des tensions au sein des populations ?
- Le cas échéant, ces phénomènes étaient-ils volontaires, voire instrumentalisés ?
- Quelle était la teneur des débats médicaux ?
- Existait-il des résistances (en vertu de traditions, d’intérêts privés ou d’un certain déni) de la part de ces gouvernements et/ou des populations ?
- Quel degré d’irrationalité peut-on observer dans les archives, les textes et les images ? Tout autant de questions que nous nous posons encore aujourd’hui dans le contexte de la pandémie de la Covid-19.
Les propositions sont à envoyer avant le 15 avril 2021 sous forme d’un abstract de 200 mots maximum, accompagnés d’une courte biographie aux adresses suivantes :
Les actes de cette journée d’études feront l’objet d’une publication.
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