mercredi 19 août 2020

Les données médicales

Données médicales

Appel à contributions


La revue Histoire, médecine et santé lance un appel à contributions pour un dossier thématique portant sur les données médicales. Le big data s’est aujourd’hui imposé dans le champ de la santé : les données en grand nombre sont mobilisées dans la recherche biomédicale, pour diagnostiquer la maladie ou bien envisager un traitement. Nous aimerions que ce numéro thématique questionne la notion de données médicales dans un temps long, en partant du principe qu’elles constituent tous les éléments mobilisés par les soignant·e·s et les chercheurs/euses pour appréhender l’état de santé des individus et leurs éventuelles pathologies. Il s’agit notamment de réfléchir aux mécanismes de pouvoir sur les corps produits par un regard médical fondé sur l’élaboration de données sérielles et d’investiguer la manière dont elle façonne les savoirs médicaux et la définition même des pathologies.


Argumentaire

Le big data s’est aujourd’hui imposé dans le champ de la santé : les données en grand nombre sont mobilisées dans la recherche biomédicale, pour diagnostiquer la maladie ou bien envisager un traitement. Elles répondent aussi à des logiques comptables (gestion des établissements de santé notamment) et s’insèrent plus largement dans des marchés (industries technologiques et pharmaceutiques, assurances) très concurrentiels. Les données médicales, hautement convoitées, se monnayent à travers le monde et portent à questionner les modèles économiques, mais aussi scientifiques, qui les sous-tendent.

De nos jours, le paradigme du grand nombre entraîne un renouvellement des représentations médicales du corps (qui se voit fragmenté en autant de données comparables et agençables à merci) et de la relation thérapeutique. L’avènement de la médecine dite personnalisée, de l’intelligence artificielle et de ses dispositifs algorithmiques s’accompagne effectivement de nouveaux imaginaires et rhétoriques soignantes. Ces dernières s’appliquent à déployer un discours prophétique sur les découvertes scientifiques à venir, sur la capacité des sciences à repousser les maladies et même la mort, à renforcer et normaliser les corps ; l’idée d’une médecine toute puissante, en somme. La « vérité » des corps et la résolution de leurs troubles ne se trouveraient que dans ce qui est pensé comme une double objectivation : traitement de données quantitativement nombreuses et réalisation de l’exercice par une machine non douée d’affects.

Nous nous proposons de revenir sur ces rhétoriques médicales, de saisir ces promesses intellectuelles et techniques dans le temps long, en les articulant aux relations thérapeutiques qu’elles induisent. En investissant d’une part les imaginaires soignants, et d’autre part la place des individus souffrants, nous souhaitons enquêter sur les césures que génère l’émergence des données médicales en grand nombre, comme sur les très fortes permanences, jusqu’aux discours contemporains, de l’idée d’un « progrès » nécessairement obtenu par une mise à distance, de plus en plus importante, de la médiation humaine, pour saisir les corps et leurs pathologies.

Nous aimerions plus particulièrement que ce numéro thématique questionne la notion de données médicales dans un temps long, en partant du principe qu’elles constituent tous les éléments mobilisés par les soignant·e·s pour appréhender l’état de santé des individus et leurs éventuelles pathologies. Il s’agit notamment de réfléchir aux mécanismes de pouvoir sur les corps produits par un regard médical fondé sur l’élaboration de données sérielles et d’investiguer la manière dont elle façonne les savoirs médicaux et la définition même des pathologies.

Diverses pistes de recherche pourront être explorées :

Définitions et élaboration d’une donnée médicale : quels sont, au fil des siècles, les éléments corporels ou psychiques observés et évalués par les soignant·e·s ? Comment passe-t-on de l’expérience du corps malade à l’énonciation d’une pathologie singulière ? Comment s’élabore une donnée, des approches sensualistes aux dispositifs techniques ? Quels sont les méthodes et contextes de recensement, mais aussi les processus d’objectivation du corps ? Quelle place pour les perceptions des souffrant·e·s et leurs mises en récit ?

Données et paradigmes : quels rapports aux données les médecines idiosyncratiques, holistiques, personnalisée ou encore prédictive ont-elles élaborés ? Quelles évolutions notables dans les représentations du corps et de la santé sont décelables ?

Formes des données : sous quelles formes les données sont-elles élaborées ? Quels codages nécessitent-elles pour être appréhendées et comparées ? Quelles en sont les incidences sur leurs mobilisations et leur traitement ?

Mise en série : l’approche sérielle, au cœur des données en grand nombre, invite à explorer la notion de « cas » et ses possibles mises en série, mais aussi à revenir sur les rationalités à l’œuvre. Quelles intelligences mobiliser pour saisir les données ? Quelle est la place des soignant·e·s face aux données, comment les faire parler ? La machine algorithmique induit-elle une disqualification des capacités d’observation et d’analyse des soignant·e·s, simples exécutant·e·s « éclairé·e·s » des diagnostics ou traitements proposés ?

Patient·e·s : Quelle place des malades, et plus largement des individus, dans ces dispositifs ? Que faire de l’expérience sensible et individuelle des malades : est-elle une donnée et comment est-elle traduite ? Quelles collaborations sont demandées aux souffrant·e·s ? Quelles capacités de négociation ont les malades face aux données ? Quelles sont les incidences sur la relation thérapeutique ?

Utilisation des données médicales : comment et dans quels domaines les données médicales peuvent-elles servir en dehors du champ du soin ? Quelles ont été les mobilisations de ces données dans le domaine économique, social, politique, militaire… ? À qui appartiennent-elles et par quels dispositifs sont-elles devenues monnayables ?

Des contributions relevant de ce thème, mais davantage destinées à la présentation critique de sources, textuelles et/ou iconographiques, pourront également être proposées pour la section « Sources et documents » de la revue.

Histoire, médecine et santé publie des articles aussi bien en français qu’en anglais et en espagnol. Les propositions de contributions pour la section « Sources et documents » peuvent être soumises dans une de ces trois langues, mais la publication imprimée de ces textes se fera exclusivement en traduction française ; en revanche, la version numérique pourra être bilingue.


Modalités de contribution

Les travaux proposés ne devront pas excéder 45 000 signes (espaces comprises) pour les articles, 10 000 pour les textes de présentation de sources. Ils devront être adressés
jusqu’au 15 décembre 2020

à Céline Barthonnat (celine.barthonnat [@] cnrs.fr).

Pour toute question d’ordre scientifique sur cet appel, vous pouvez joindre Hervé Guillemain (herve.guillemain [@] univ-lemans.fr) ou Nahema Hanafi (nahema.hanafi [@] univ-angers.fr).

Les consignes sont disponibles sur le site de la revue, à l’adresse suivante : https://journals.openedition.org/hms/757.


Responsables du numéro
Émilie Bovet, Maître d'enseignement HES, Haute École de Santé Vaud (HESAV), Lausanne ;
Hervé Guillemain, Professeur des Universités, Le Mans Université - TEMOS UMR 9016 CNRS ;
Nahema Hanafi, Maîtresse de conférences, Université d’Angers - TEMOS UMR 9016 CNRS.

Modalités d'évaluation

Le comité de rédaction, composé d’enseignant·e·s-chercheur·e·s et de jeunes chercheur·e·s, sélectionne les articles avant de les envoyer à deux évaluateurs/trices anonymes. Les articles peuvent être : acceptés en l’état, acceptés sous réserve de modifications, refusés.


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