Les miroirs d’Hippocrate. Médecine et altérité de l’Antiquité à nos jours
Appel à communication
« Là où les vicissitudes des saisons sont très fréquentes et très marquées, là vous trouverez les formes extérieures, les moeurs et le naturel fort dissemblables ; ces vicissitudes sont donc les causes les plus puissantes des variations dans la nature de l’homme »
Hippocrate, Airs, eaux, lieux.
« Menstruum quasi monstruum »
Michel Savonarole, Practica maior, 1479.
« Que la femme n’est animant mutil ny imparfacit, mais faible et maladif »
Jean Liébault, Trois livres appartenant aux infirmitez et aux maladies des femmes, 1582.
« Laissons donc aux Théologiens, aux Historiens, aux Antiquaires, &c. à discuter ces origines […] prenons les choses en l’état où elles sont, de quelque source qu’elles viennent, & examinons en Anatomiste, en Physicien scrutateur des faits, les causes de la couleur de tous ces hommes blancs, basanés, noirs, cuivrés, & c. »
Claude-Nicolas Le Cat, Traité de la couleur de la peau humaine, 1765.
Cette journée d’étude entend interroger le rapport entre la pensée médicale et l’altérité à des époques différentes de l’histoire. L’objectif est de comprendre comment la médecine a contribué, par sa façon d’interpréter les différences, à construire ou consolider des discours infériorisant certains groupes humains. Y a-t-il, au contraire, des arguments médicaux qui vont à l’encontre de ces préjugés ? Comment en proposer une lecture à partir du contexte au sein duquel ils émergent ?
Il s’agit d’éclaircir l’influence de ces discours médicaux sur la construction et l’évolution des perceptions de l’altérité dans les sociétés et dans les sciences, et d’étudier l’emprise des contextes historiques et intellectuels sur les discours médicaux touchant à la race et au genre, à la monstruosité et à la difformité, ainsi qu’à la sexualité et à toute autre forme de différence.
Comment et par quels biais les représentations et les conceptions de la différence sexuelle, physique ou raciale influencent-t-elles les pratiques de santé ? Outre les approches physiologique et anatomique, l’analyse des conceptions thérapeutiques constitue également un terrain d’étude prometteur.
Les déclinaisons de la « normalité » étant très diverses selon les époques et les aires culturelles, les contributions s’intéressant à la représentation de la différence au sein de traditions médicales extra-occidentales offriraient la perspective de riches échanges.
Les travaux devront s’inscrire dans les trois axes suivants :
1) Disséquer, interpréter et représenter le corps-autre : médecins et anatomistes face aux sexes, aux races, aux difformités et aux autres formes d’altérité. Comment le corps différent est-il appréhendé par discours médical ? Il s’agit, en outre, d’étudier la façon dont les représentations influencent la description physique de l’Autre, ainsi que le rôle joué par la théorie médicale, mobilisée pour offrir une explication naturelle ou scientifique de la différence. Depuis l’Antiquité, la médecine développe un discours sur les différences physiques et morales observables entre les peuples, comme le montre par exemple le traité hippocratique des Airs, eaux, lieux et ses nombreuses relectures.
2) Ausculter, soigner, préserver le corps différent : dès ses origines hippocratiques, les questions relatives à l’altérité influencent la production médicale, comme le montrent par exemple les ouvrages consacrés aux maladies des femmes et aux régimes de santé. Au XVIIIe siècle, les médecins s’emploient à écrire des traités sur la santé des “Nègres”, si nécessaires à la mise en valeur des mondes coloniaux. Nous observerons comment cette médecine de la différence se conçoit et se matérialise dans le cadre de l’intervention thérapeutique ou prophylactique. Il est également question de comprendre comment ces corps perçus comme différents sollicitent les théories et les pratiques médicales, jusqu’à la production d’une littérature spécialisée.
3) La fabrique de la normalité : les interactions entre les sciences médicales et la société dans la construction de l’altérité. Il s’agit d’appréhender l’influence exercée par le discours médical sur la production des représentations au sein des sociétés et d’analyser sa place parmi les autres champs du savoir. Nous allons questionner la manière dont la médecine peut être interrogée pour orienter et arbitrer les débats publics au sujet de la différence, tout comme sa propension à corriger les corps et les conduites. La récente querelle à propos des athlètes hyperandrogènes constitue un exemple du rôle prééminent du discours médical dans les questions sociétaires.
En mobilisant un large champ disciplinaire, ce sujet interroge notre vision des sociétés du passé et du présent. L’analyse fine du discours médical vise à éclairer, de manière originale, la question du rapport à l’Autre à travers l’histoire.
Modalités de soumission et calendrier
La journée est ouverte, en priorité, aux doctorant.e.s et jeunes chercheurs.euses qui intègrent la question du discours médical sur l’Autre dans leur travail de recherche. Toutes les périodes, aires culturelles, disciplines et thématiques sont les bienvenues. Les communications (en français ou en anglais) doivent s’inscrire dans les trois axes thématiques définis ci-dessus. Elles peuvent toucher aux multiples sujets non exhaustifs :
▪ Médecine des femmes
▪ Médecine des races
▪ Construction médicale de la différence sexuelle
▪ Tératologie
▪ Santé et perversion sexuelles
▪ Hermaphrodisme et intersexualité
▪ Régimes de santé
▪ Médecine et animalité
▪ Mutilations génitales
▪ Médecine et handicap
▪ Médecine des femmes
▪ Médecine des races
▪ Construction médicale de la différence sexuelle
▪ Tératologie
▪ Santé et perversion sexuelles
▪ Hermaphrodisme et intersexualité
▪ Régimes de santé
▪ Médecine et animalité
▪ Mutilations génitales
▪ Médecine et handicap
Les propositions de communication d'un maximum de 2 000 signes (titre et espaces compris), accompagnées d'une courte biographie précisant le statut et le laboratoire de rattachement, sont à envoyer à l’adresse e-mail : miroirs.hippocrate@gmail.com au plus tard le 5 janvier 2020. Un support écrit de la communication est également à prévoir, la publication des actes étant envisagée.
Les modalités de publication seront communiquées aux participant.e.s par la suite.
Les modalités de publication seront communiquées aux participant.e.s par la suite.
La journée d’étude aura lieu le jeudi 14 mai 2020 à l’Université Paris-Est Créteil.
Organisation : Guillaume Linte, (CRHEC - UPEC et SAGE - Unistra), Roberto Poma (LIS - UPEC), Sofia Zuccoli (LIS - UPEC)
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