Séminaire du Groupe de Recherche sur les Institutions Disciplinaires (GRID) “Entre les murs, hors les murs. Revisiter l’histoire des institutions disciplinaires” - 2019-2020
Un jeudi par mois de 17h à 20h
Salle S002, Maison de la recherche, 28 rue Serpente, 75006 Paris
Séminaire organisé par le Centre d’histoire du XIXe siècle et le LARHRA, avec le soutien de la faculté des Lettres de Sorbonne Université et du Centre d’histoire de Sciences Po
Coordination : Elsa Génard (Centre d’histoire du XIXe siècle – elsa.genard@gmail.com ),Anatole Le Bras (Centre d’histoire de Sciences Po – anatole.lebras@sciencespo.fr ),Mathieu Marly (IRHIS – mathieumarly@orange.fr ), Mathilde Rossigneux-Méheust (LARHRA– mathildemeheust@yahoo.fr), Lola Zappi (Centre d’histoire de Sciences Po – lola.zappi@gmail.com).
Carnet du GRID : https://grid.hypotheses.org/
Présentation du séminaire
Le séminaire « Entre les murs, hors les murs », initié en 2017-2018, s’inscrit dans le cadre des activités du Groupe de recherche sur les institutions disciplinaires (GRID). Celui-ci s’attache à décloisonner l’étude des institutions disciplinaires, en poursuivant une double perspective. Il adopte d’une part une approche comparative qui interroge la pertinence de penser ensemble des institutions distinctes et de faire dialoguer entre eux des chercheurs qui n’appartiennent a priori pas aux mêmes champs. Il prend d’autre part le parti de travailler à la frontière de ces institutions, c’est-à-dire d’interroger l’ensemble des flux qui traversent leurs murs et de penser tout ce qui se joue à l’interface entre l’intérieur et l’extérieur. Après une première année consacrée à l’analyser des mobilités humaines intra et inter-institutionnelles, le séminaire s’attache depuis 2018-2019 à mettre au jour et à interroger le rôle des liens familiaux dans l’expérience des institués et dans le fonctionnement des institutions en Europe à l’époque contemporaine.
Pourquoi donner une telle place aux liens familiaux pour écrire une histoire renouvelée des institutions disciplinaires ? Ce choix part d’abord d’un constat archivistique : travailler sur les liens familiaux relève presque de l’évidence tant les sources institutionnelles regorgent de correspondances familiales. A ce titre, l’importance de cette présence familiale peut être envisagée autant comme un élément de rapprochement que comme un vecteur de différenciation entre les institutions. Le choix de cette thématique répond ensuite à une insatisfaction épistémologique, face à un récit historique réducteur sur la « solidarité familiale », censée décliner avec l’institutionnalisation des populations. Dans le prolongement des travaux récents de sociologues ou d’anthropologues, qui nuancent cette opposition entre famille et institution, le séminaire invite plutôt à identifier les logiques de complémentarité et d’interpénétration entre les sphères familiale et institutionnelle. Il soulève ce-faisant une quadruple série de questionnements.
1. Travailler sur les liens familiaux implique en premier lieu de se demander ce qu’est une famille pour l’institution. Quelles sont les formes de parenté privilégiées par les acteurs institutionnels, et quelles personnes sont écartées de ces définitions de la famille ? Dans une perspective similaire, il s’agit de s’interroger sur les types de liens prescrits, entretenus ou encouragés par les institutions, et sur ceux qu’elles considèrent comme portant préjudiciables aux individus qu’elles encadrent. Dans quelles conditions les liens familiaux maintenus par les personnes instituées sont-ils perçus comme des obstacles ou comme des ressources dans la prise en charge institutionnelle ?
2. En faisant le choix d’une approche relationnelle, le séminaire invite par ailleurs à s’intéresser à la nature des liens qui unissent les institués et leurs familles, sans présumer de la teneur des interactions que nous allons trouver dans les sources. Que deviennent les liens familiaux à l’épreuve de l’institutionnalisation d’un tiers ? A quel prix sont-ils maintenus ? La question de la distance entre les institués et leurs proches, qu’elle soit physique ou émotionnelle, choisie ou subie, sera ainsi au cœur de nos préoccupations, de même que les efforts pour la réduire ou l’accroître. Les populations en institution sont-elles encouragées à entretenir les liens familiaux ? Quelles sont les stratégies mises en œuvre pour contourner les règlements encadrant les relations épistolaires et de face-à-face ? Qui sont les membres de la famille pourvoyeurs de care et garants du maintien du lien ? A l’inverse, les proches peuvent-ils utiliser l’institution comme un moyen de réguler les conflits internes à la famille, voire de rompre des liens devenus indésirables ?
3. Intégrer la famille dans le jeu institutionnel requiert également d’être attentif à l’influence des liens familiaux sur les trajectoires des institués et d’analyser réciproquement les effets de l’enfermement sur l’organisation familiale. Quelles sont les conséquences sur la structure familiale du placement d’un des membres de la famille ? La question du vide économique ou affectif laissé dans sa famille d’origine par un individu placé en institution est tout aussi centrale, puisqu’elle participe à la compréhension des logiques d’enfermement. Comment les familles interfèrent-elles dans la prise en charge institutionnelle de leurs proches ? L’expérience de l’institution, quelle qu’elle soit, est une expérience familiale. Comment faire face à l’absence d’un proche enfermé, ou au contraire à la solitude de l’institutionnalisation ?
4. La quatrième et dernière série de questions part du constat que certaines institutions vont jusqu’à calquer leur fonctionnement sur un modèle familial idéalisé. Il sera dès lors particulièrement intéressant de mesurer la pénétration du schéma familial dans l’organisation de ces communautés humaines disparates. Quel est le rôle de la famille dans la structuration des institutions disciplinaires contemporaines et quelle histoire des relations familiales les archives de ces institutions nous permettent-elles d’écrire ? En faisant dialoguer des spécialistes d’institutions aussi diverses que l’école, la prison, la caserne, l’hôpital psychiatrique, le couvent, le camp de travail ou les colonies familiales, ce séminaire aimerait en définitive contribuer à écrire une histoire de la famille en acte(s) et participer aux renouvellements de ce champ de recherche.
Programme
Séance 1. Les liens familiaux du personnel surveillant (14 novembre 2019, salle S002)
Amandine Thiry (Université catholique de Louvain / Universiteit Gent) : « Concilier ordre carcéral et ordre familial. Les familles du personnel et l’organisation des prisons belges au XIXe siècle »
Samuel Tracol (Sorbonne Université, Centre d’histoire du XIXe siècle) : « Les relations intimes entre femmes et filles de personnel et la population pénale dans les bagnes de Guyane »
Séance 2. Modèles familiaux et familles alternatives (12 décembre 2019, salle S002)
Antoine Rivière (Paris 8, CIRCEFT) : « Les familles nourricières des pupilles de l’Assistance publique parisienne (1870-1940) »
Elsa Neuville (Lyon 2, LARHRA), « Les crèches sauvages et parallèles dans les « années 1968 » : l’enjeu de la place des parents dans l’institution à l’origine de nouveaux modes de garde »
Séance 3. L’institution disciplinaire entre projet familial et projet colonial / Camps, familles et masculinités (9 janvier 2020, salle S002)
Neil Davie (Lyon 2, LARHRA), « Entre peuplement colonial et mise à l’écart. La transportation des jeunes délinquants britanniques vers la Terre de Van Diemen (1820-1850) »
Josselin Tricou (INSERM, CESP / LEGS) : « Re-genrer les familles et la société : des camps pour hommes adultes en non-mixité masculine choisie au sein du catholicisme d’identité »
Séance 4. La continuité de la vie de famille (26 mars 2020, salle S002)
Irène Gimenez (Lyon 2/IEP Grenoble, LARHRA) : « Marraine de prison, un lien conjugal alternatif ? Genre et care à l’épreuve de la correspondance d’Alicia »
Anne Jusseaume (Université d’Artois, CREHS) : « Entrer en religion, rester en famille : liens de parenté et vie familiale de part et d’autre du couvent, France, XIXe-premier XXe siècle »
Séance 5. Être « sans famille » (23 avril 2020, salle S002)
Julien Hillion (Université d’Angers, TEMOS): « Seul parmi les “nuisibles”. Vivre sans famille à la colonie pénitentiaire de Belle-Île-en-Mer (1880-1911) »
Joris Guillemot (Université du Mans, TEMOS) : « Transferts des malades et éloignement des familles, quels enjeux pour l’institution ? Le cas de Plouguernével »
Séance 6. Le devoir de « faire famille » : l’encadrement des liens familiaux dans et hors les murs (14 mai 2020, salle S002)
Albert Garcia (Universitat Pompeu Fabra, Barcelone) : « Military Presidios and Colonial Wars in late 19th-century Spain: “Race”, Gender and the Politics of Transatlantic Deportation after Cuba’s ‘Guerra Chiquita’, 1879-1885 »
Marion Fontaine (Université d’Avignon, Centre Norbert Elias) : « Jusqu’où peut aller le paternalisme ? Surveillance et encadrement des familles dans les Houillères nationalisées françaises »
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