jeudi 17 août 2017

Drogues et politiques dans les Amériques

Drogues et politiques dans les Amériques. De la « guerre à la drogue » à la régulation de la production, du commerce et des usages des psychotropes 


Appel à communications


11-12-13 avril 2018 EHESS-Maison de l’Amérique Latine 

Depuis quelques années, le continent américain connaît une effervescence de réformes législatives et d’expérimentations innovantes en matière de politiques publiques des drogues. Bien que ce continent ait longtemps inscrit la question des drogues dans une stratégie de guerre, notamment sous l’impulsion des États-Unis depuis les années 1970, il est en même temps celui où, aujourd’hui, l’échec de cette stratégie apparaît le plus nettement et est clairement dénoncé. Une pluralité d’acteurs sociaux et politiques (ONG, Global Commission de l’ONU) semble s’accorder autour d’un constat : la stratégie de la guerre aux drogues a renforcé et multiplié tous les problèmes qu’elle était censé combattre. Au niveau des objectifs de cette lutte, on souligne l’illusion d’un monde sans drogues et, au niveau de ses effets, on insiste sur toute une série de conséquences : l’augmentation massive de la population incarcérée, les discriminations et les violences envers certains groupes sociaux et ethniques, l’accroissement des profits des organisations criminelles, dont on critique le potentiel de corruption et d’affaiblissement des institutions, la militarisation des forces d’intervention contre la population de différents pays, etc. Autant de catégories et de discours produits par ces critiques correspondant à autant de tensions historiques et sociologiques dont il s’agira ici de se saisir, pour les interroger. Certaines de ces critiques à la guerre aux drogues – qui rejoignent en partie celles adressées à la Prohibition de l’alcool aux États-Unis (1920-1933) – se sont doublées, depuis quelques années, de tout un ensemble de dispositifs expérimentaux visant la régulation de la production et du commerce des stupéfiants (notamment pour le cannabis) et d’encadrement des usages. 

Cette nouvelle configuration doit nous amener à repenser les rapports entre prohibition et régulation des drogues et leurs effets historiques, politiques et sociaux. Ce colloque a pour vocation de rassembler un ensemble de chercheurs et d’acteurs travaillant sur les modes et les effets de la régulation et des prohibitions des drogues dans les Amériques, ainsi que sur les violences sociales liées à la guerre aux drogues et les réponses variées qui y ont été apportées. Nous souhaitons rassembler les réflexions autour de trois axes thématiques, correspondant à autant de journées de colloque.

1. Genèses et enjeux des régimes prohibitionnistes 

Le colloque s’ouvrira avec un volet historique, consacré à la genèse des politiques prohibitionnistes et à leurs effets dans des contextes géographiques et politiques différents. Il s’agira de prendre en compte l’articulation de différentes échelles (internationale, régionale, nationale, locale…) dans la mise en place des systèmes nationaux et internationaux de régulation et de répression des stupéfiants. Ce sera l’occasion d’une part de revenir sur l’histoire, les modalités et les effets du processus complexe d’implantation du système de régulation et de répression des stupéfiants dans les différents pays d’Amérique Latine, qui aboutit dans les années 1970 à la « guerre contre les drogues », déclarée par le président américain Richard Nixon et dont les effets se font sentir jusqu’à aujourd’hui. Et, d’autre part, de comparer les différents modèles entre eux (par exemple avec celui appliqué pour l’alcool aux États-Unis). Nous souhaiterons ainsi aborder les formes d’organisation sociale, économique et politique qui se sont développées autour de la prohibition dans des contextes historiques et politiques différents, en touchant des questions autour des héritages coloniaux des politiques prohibitionnistes et de leurs effets sur les économies des pays producteurs ; de l’enchevêtrement du légal et de l’illégal dans les économies où circule l’argent du trafic de drogue ; des rapports sociaux et des enjeux politiques liés à la prohibition de ce négoce et à la criminalité organisée. 

2. Politiques, violences et sociétés enfantées par les régimes prohibitionnistes 

Nous nous proposons, dans un deuxième temps, de réfléchir aux implications sociales des politiques prohibitionnistes en termes de stigmatisation, de criminalisation et de répression de certaines pratiques et de certains groupes sociaux et de recours à la violence. Différents acteurs se sont emparés de l’usage de la violence pour réprimer, mais aussi pour structurer et se disputer la production et le négoce des drogues. À travers quels discours et quels imaginaires la gestion discrétionnaire de la violence a été justifiée ? Quels ont été les effets en termes de construction des « altérités » internes aux pays ? Au-delà des clivages entre régimes démocratiques et dictatoriaux ou entre gouvernements de gauche et de droite, la gestion de la problématique des drogues – qu’elle soit prohibitionniste et répressive ou de dépénalisation voire de légalisation – est liée à des rapports de pouvoirs géopolitiques, mais aussi de classe, de race et de genre. À travers quels processus et avec quels effets la « guerre contre les drogues » a été réinterprétée à la fin de la guerre froide en continuité avec les politiques contre-insurrectionnelles ? De quelles manières le narcotrafic et la lutte contre celui-ci ont contribué et contribuent à l’approfondissement des inégalités sociales dans les différents pays américains ? Sous quelles formes les nouvelles politiques de régulation des drogues et de réduction de risques actualisent les différences Nord-Sud et les inégalités de classe, de race et de genre ? 

3. Les nouvelles politiques des drogues 

Les effets négatifs des politiques prohibitionnistes ont engendré, depuis quelques années, des débats autour de la dépénalisation voire de la légalisation de certaines drogues. Des dispositifs de régulation et de contrôle effectifs ont été mis en place, des politiques de réduction de risques adoptées. Loin d’avoir des effets univoques, cela a conduit à la réduction de la transmission du VIH et des overdoses et à une plus grande connaissance et un meilleur contrôle des substances, mais cela a aussi eu pour conséquence le développement de nouveaux marchés, la diffusion de nouveaux produits de synthèse. Nous souhaitons interroger ce temps présent, pour étudier les effets et les modalités de ces nouvelles politiques des drogues en termes de diversification des marchés, de renouvellement des inégalités sociales et de gestion des populations. Il s’agira aussi de présenter des alternatives à la prohibition sur la base d’expériences concrètes d’acteurs associatifs et politiques engagés aux niveaux régional, national et international. 


Seront particulièrement appréciées des propositions qui problématisent et discutent de manière réflexive les difficultés méthodologiques, les différentes approches disciplinaires et/ou les enjeux épistémologiques soulevés par la recherche empirique sur ces questions.


La date limite de réception des résumés est fixée au 15 octobre 2017.

Les propositions de communication peuvent être soumises en français, en anglais, en espagnol ou en portugais et doivent mentionner :

- Les coordonnées complètes des auteurs : statut, université et/ou laboratoire de rattachement, pays, mail ;

- Un titre précis ;

- Le résumé de l’intervention (une brève description de l’enquête sur laquelle repose l’intervention et la problématique abordée. 300 mots maximum) ;

- L’axe dans lequel l’intervention se situe.


Les propositions doivent être envoyées à l’adresse suivante : droguespolitiques2018@gmail.com


Organisateurs 
Mariana Broglia de Moura, anthropologue, Mondes Américains-EHESS 
Chiara Calzolaio, anthropologue, IRIS-EHESS 
Anne Coppel, sociologue, présidente AFR 
Sabine Guez, anthropologue, IRIS-EHESS 
Edgardo Manero, sociologue, CR au CNRS, Mondes Américains-EHESS 
Alessandro Stella, historien, DR au CNRS, CRH-EHESS

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