dimanche 13 novembre 2016

Le corps obèse et sa stigmatisation

Le corps obèse et sa stigmatisation 

Pierre Fraser


Broché: 362 pages
Editeur : CreateSpace Independent Publishing Platform (26 septembre 2016)
Collection : Le corps et ses manifestations
Langue : Français
ISBN-13: 978-1539105671


Une constante culturelle, en Occident, semble traverser les époques depuis la Renaissance jusqu’au XIXe siècle : l’aversion envers le corps obèse fédérée sous l’égide de la morale puritaine, de la gouvernance de soi et de la contenance. Avec le passage du statut d’être un corps à celui d’avoir un corps au XVIIe siècle, dont l’individu est personnellement et socialement responsable, avec l’émancipation et l’autonomisation de l’individu au Siècle des Lumières, avec le corps au travail, machine énergétique de la Révolution industrielle, et d’un XIXe siècle marqué par l’idée de dégénérescence de la race, l’aversion ne concerne plus uniquement le corps obèse : elle glisse également vers le corps en surpoids et en embonpoint, ce dernier devenu signe d’un défaut de gouvernance de soi. Des jugements moraux traversent également les époques, conséquences de cette aversion envers l’individu au corps obèse : paresseux, oisif, manque de volonté, abuseur, profiteur. Des modèles de corps traversent également les siècles : un idéal de beauté pour la femme, finesse et minceur ; un idéal de puissance pour l’homme, être bien en chair et en muscles. Deux techniques s’imposent avec plus ou moins de succès au fil des siècles pour normaliser et réguler le corps obèse : les régimes et l’exercice. En résumé, c’est ici le parcours d’une stigmatisation récurrente, de la pression sociale croissante et des moyens et techniques requis pour normaliser le corps en excès de graisse. Plus que tout autre phénomène, la graisse incarne et fusionne toutes les peurs émanant du corps et de tous ces aliments jugés malsains. La graisse est non seulement au centre d’une incertitude collective, mais elle est aussi vigilance accrue de soi, vigilance elle-même constamment alimentée par la recherche scientifique, la santé publique, les spécialistes de la santé, les nutritionnistes, l’industrie de la perte de poids, l’industrie de la remise en forme et le complexe agroalimentaire. Depuis la Renaissance, une constante émerge : l’aversion envers le corps obèse. Une idéologie fédère cette aversion : la contenance et la gouvernance de soi édictées en règles au XVIIe siècle par la morale puritaine. Une stigmatisation découle de cette morale puritaine et traverse également le temps : le manque de volonté de la personne en excès de poids. Deux moyens de régulation du corps persistent depuis le XVIIe siècle : la réduction de la prise alimentaire et l’augmentation de l’activité physique. Ce qui distingue le XXe siècle des siècles précédents tient en deux idées : la responsabilité de la santé est de plus en plus du ressort de l’individu ; l’aversion non plus seulement envers la graisse qui se développe dans le corps, mais aussi l’aversion envers toute graisse qui se retrouve pernicieusement cachée et enfouie dans les aliments. Conséquemment, avec l’épidémie d’obésité déclarée en 2004 par l’OMS, la graisse est devenue un cri de guerre et de ralliement, le casus belli du nouveau siècle.

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