jeudi 17 novembre 2016

Discipliner le sexuel

Discipliner le sexuel

Appel à communication

MESHS, Lille
Vendredi 11 juin 2017

Organisée dans le cadre du projet EpiSex (programme « partenariat » de la MESHS Lille), avec le soutien du Clersé (Université Lille 1), du Ceries (Université Lille 3), de l’Iris (EHESS). Comité d’organisation : Gwenola Ricordeau & Régis Schlagdenhauffen


Depuis le 18e siècle, les manières de définir la sexualité, mais aussi les configurations sociopolitiques et économiques au sein desquelles elle s’est inscrite, ont fortement varié. Par exemple, les conceptions de l’érotique et du sexuel, mais aussi les parties du corps qui y sont associées, se sont profondément transformées au fil de l’histoire (Perrot, 1984) et selon les types de sociétés étudiées. Dans son Histoire de la pudeur (1987), Jean-Claude Bologne souligne ainsi les revirements marquant la topographie de l’érotique. Par ailleurs, des anthropologues ont souligné combien les touchers génitaux pouvaient perdre leur signification sexuelle dans certains contextes (Fusaschi, 2012). Dans sa définition même, la sexualité est labile : vue comme « naturelle », universellement connue, elle se dérobe en fait à l’analyse. Au-delà des difficultés définitionnelles et méthodologiques, les normes hiérarchisant les sexualités – et les individus – sont, elles aussi, complexes et changeantes. Selon les régimes politiques, les espaces sociaux et les catégories sociales, certaines formes de sexualité sont valorisées et d’autres sont utilisées pour altériser des personnes et des groupes, voire les disqualifier socialement ou juridiquement. « Technique du soi » (Foucault, 2001) permettant de gouverner les corps et les esprits, la sexualité est de fait aussi un instrument de classement complexe utilisé par les institutions économiques et politiques, les groupes sociaux, mais aussi les personnes pratiquantes ou spectatrices. À ce titre, comme tout instrument de pouvoir, outre qu’elle normalise et assigne, elle émancipe et crée des capacités d’action collective (Lazega, 2006) : mouvements féministes, homosexuels, LGBT, revendications de droits à la sexualité de personnes en situation de handicap, etc.

La journée d’études que nous organisons fait suite aux journées « Sexualité(s) et enfermement en Europe »[1] précédemment organisées qui ont fait apparaitre l’importance de saisir les manières diverses dont le sexuel peut être discipliné. Au-delà des seuls lieux d’enfermement (prisons, camps, couvents, asiles, etc.) sur lesquels se sont focalisées les journées « Sexualité(s) et enfermement », nous souhaitons ouvrir nos questionnements à d’autres formes d’énonciation formelles de normes sexuelles (Bozon & Rennes, 2015).
Les communications pourront notamment porter sur les cinq thèmes suivants :

Politique(s) et sexualité(s)
« Politique » est à entendre ici dans sa polysémie. Nous attendons des communications portant sur les mobilisations collectives contestant ou cherchant à renforcer les règles (sociales ou juridiques) liées à la sexualité ainsi que sur les manières dont les politiques publiques ou institutionnelles aménagent, encadrent ou répriment la sexualité, mais aussi sur les formes de régulation, voire de gestion de la sexualité au sein des organisations.

Normes, contre-normes et rites
Quelles formes prennent l’énonciation de normes sexuelles? Quels rites sont associés à la sexualité (comme les enterrements de vie de célibataire) ? Observe-t-on des stratégies de transgression des normes institutionnelles ou de renouvellement des normes ? Quel rôle joue la religion ou le religieux dans le respect ou la transgression des normes et des rituels sociaux associés ?

Histoire, espaces, pratiques et discours sur la non-mixité
La « non-mixité » (sur la base des identités liées au genre ou à la sexualité), qu’elle serve au contrôle des populations (par exemple en prison ou au couvent) ou qu’elle soit un outil d’émancipation (dans les mobilisations collectives) ; les discours sur les risques entrainés par la mixité, comme sur la non-mixité.

Dire et représenter
Comment la sexualité est-elle mise en récit ? Quelles représentations ou interdits de représentation observe-t-on dans les productions culturelles (théâtre, cinéma, littérature) ? Qu’en est-il de la réception de ces représentations ? Enfin, comment certaines institutions parlent et pensent le sexuel ?

Questions méthodologiques
Quelles sont les formes, les conditions et les effets des enquêtes sur la sexualité ? Comment se distancier des allant-de-soi entourant l’objet sexuel ? Comment s’assurer que les enquêtes sur les sexualités sont menées de manière éthique et déontologique ?
Modalités de soumission d’une proposition de communication :
Cet appel à communications s’adresse en particulier aux chercheur.e.s travaillant en sciences sociales, histoire, littérature, arts et langage, mais il reste ouvert aux autres approches disciplinaires. Il n’est pas restrictif quant aux périodes historiques, ni aux aires géographiques étudiées.
Les propositions de communication des doctorant-e-s et des jeunes chercheur-e-s sont fermement encouragées.
Les propositions de communication (3 000 signes maximum, en indiquant un titre, votre statut et votre institution de rattachement) doivent être adressées par email avant le 6 décembre 2016 aux adresses suivantes : gwenola.ricordeau@univ-lille1.fr / regis.schlagdenhauffen@ehess.fr
Les réponses seront transmises courant décembre 2016.


Références citées
Bozon M., Rennes J., « Histoire des normes sexuelles :l’emprise de l’âge et du genre », Clio. Femmes, Genre, Histoire, n°42, 2015, p. 7-23.
Ricordeau G., Schlagdenhauffen R., « Approcher la sexualité dans les institutions pénales », Champ Pénal/Penal Field, vol. XIII, automne 2016 [En ligne].
Bologne J.-C., Histoire de la pudeur, Hachette, coll. Pluriel, 1987,
Foucault, M., Dits et écrits. Tome 2 : 1976-1988, Paris, Gallimard, 2001.
Fusaschi M., « Plaisirs croisés : gukuna-kunyaza. Missions, corps et sexualités dans le Rwanda contemporain », Genre, sexualité & société[En ligne], n°8, Automne 2012.
Lazega E., « Capital social, processus sociaux et capacité d’action collective », in Bevort A., Lallement M., Le capital social : performance, équité et réciprocité, Paris, La Découverte, 2006, p. 211-25.
Perrot P., Le travail des apparences, ou les transformations du corps féminin XVIIIe-XIXe siècle, Paris, Le Seuil, 1984.

[1] Les journées Sexenfer se sont tenues les 11-12 décembre 2014, avec le soutien de l’Université Lille 1 (Bonus Qualité Recherche), du Clersé et du LabEx EHNE (Paris-Sorbonne).

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