lundi 6 juin 2016

Les réseaux médico-littéraires dans l’Entre-deux-guerres

Les réseaux médico-littéraires dans l’Entre-deux-guerres : revues, institutions, lieux, figures

Appel à communication

Journées d’étude organisées dans le cadre du projet FNS « La figure du poète-médecin (XXe-XXIe siècles) : une reconfiguration des savoirs »

24-25 Novembre 2016 | Université de Fribourg, Suisse


Si le XIXe siècle apparaît comme le grand siècle des Cliniciens ès lettres[1], celui où de grandes figures de la médecine comme Charcot deviennent des acteurs incontournables du monde des lettres, où les écrivains hantent les hôpitaux en quête des dernières découvertes de la médecine, de tels échanges sont loin de se tarir au XXe siècle, plusieurs études concernant le champ « littérature et médecine » l’ont montré[2], mais les réseaux, qui sont le ferment actif de ces échanges, sont encore loin d’être bien connus.

Aux lendemains de la Première Guerre Mondiale, le rapprochement entre la littérature et les sciences est au cœur d’enjeux géopolitiques qui lui donnent un rayonnement nouveau. La création de la Commission internationale de coopération intellectuelle de la Société des Nations en 1922 donne une dimension particulière à des échanges qui s’élargissent à l’échelle européenne. Paul Valéry, entre autres, y est très actif – alors même que Céline travaille au Bureau d'hygiène de la SDN – et y rencontre de nombreux médecins[3]. Dans ce contexte, comment ont évolué les échanges entre les milieux médicaux et littéraires ? Nous aimerions que cette journée soit l’occasion d’examiner, tout autant que les grandes voix qui font vivre ce dialogue, le commerce quotidien qui en constitue l’arrière-plan.

Les propositions attendues peuvent concerner les associations, comme par exemple l'Association des médecins et pharmaciens écrivains dont Georges Duhamel en 1938 est le vice-président. L'attention portée à ces institutions permet en effet d'apprécier les logiques politiques et commerciales susceptibles d’orienter le dialogue entre littérature et médecine. Le cas des associations d’écrivains-médecins permet d'observer la constitution d'une figure d’écrivain-médecin tournée vers un idéal universaliste associant la référence à Hippocrate à celle du cosmopolitisme. Ces associations, nées de l'expérience de la guerre, réunies en congrès internationaux, s'interdisent toute discussion politique et religieuse et promeuvent une vision universaliste de l'homme. Duhamel cite Littré, formé à la médecine et traducteur d'Hippocrate, qui explique que « si par l'étude le médecin doit se faire cosmopolite, par l'étude il doit se faire encore contemporain de tous les âges[4] ». Les logiques institutionnelles permettent de comprendre comment écrivains et médecins ont œuvré ensemble dans des hôpitaux, des salles de garde (pour y rencontrer les « carabins plutôt lettrés[5] »), des centres de recherche et des sociétés savantes.

Un regard particulier devra être accordé aux congrès rassemblant écrivains et médecins, ainsi qu’aux institutions comme les Académies, que ce soit l’Académie de chirurgie, désireuse qu’un poète comme Paul Valéry, à l’initiative d’Henri Mondor, tente d’y « ouvrir le chirurgien[6] » en 1938, ou l’Académie Française, qui peut accueillir des écrivains-médecins comme Georges Duhamel.

La presse est un acteur majeur de ce dialogue, insuffisamment étudié. La presse médicale en particulier, très abondante, s’ouvre à la littérature, à la critique littéraire et peut devenir un lieu de création autant qu’un lieu où les médecins interrogent leur rapport à la littérature. Une revue comme la Chronique médicale fondée par Augustin Cabanès[7] étend le réseau de ses lecteurs à travers les médecins de toute la France. Le rôle des laboratoires est également important, qui peuvent financer la publication de livres ou de revues, à des fins de mécénat ou d’autopromotion, la part publicitaire étant rarement absente, comme c’est le cas pour Art et médecine, la luxueuse revue des laboratoires Debat[8].

Quels sont enfin les lieux qui ont le plus durablement favorisé ces rapprochements entre médecins et écrivains ? Un auteur comme Paul Valéry étend ses relations avec la médecine des cercles mondains parisiens aux Académies, en passant par ces foyers de la recherche biomédicale que sont les laboratoires : l’Institut Pasteur, où Pierre Lecomte du Noüy l’initie à la notion de « temps biologique propre », ou encore le laboratoire d’Henri Piéron, professeur de physiologie des sensations au Collège de France, qui lui permet de découvrir en 1934 un oscillographe cathodique, source de réflexions concernant « le nœud du monde sensible ou psychique[9] ».

Nous attendons de ces journées qu’elles nous mettent sur la voie, pour cette période charnière, de la cartographie des échanges entre littérature et médecine, qui manque encore dans l’étude de ce champ.

Les propositions de contribution (titre et résumé de 15 à 20 lignes, accompagnés d’une bio-bibliographie d’une demi-page) sont à envoyer, pour le 20 juin 2016 au plus tard, simultanément à Martina Diaz (martina.diaz@unifr.ch) et Thomas Augais (thomas.augais@unifr.ch). 


[1] V. Segalen, Les Cliniciens ès lettres, Paris Mercure de France, 1902.

[2] Voir notamment Collectif, Littérature et médecine ou les pouvoirs du récit, éd. G. Danou, préf. J. Starobinski, Paris, Centre Pompidou, 2001 et Médecine, sciences de la vie et littérature en France et en Europe, de la révolution à nous jours, sous la direction de L. Dumasy-Queffélec et H. Spengler, Genève, Droz, collection « Histoire des idées et critique littéraire », 2014, 3 vol.

[3] Voir Paul Valéry et la médecine, propos recueillis par les soins de P. Chardon, Paris, Armand Fleury, 1930 et A. Mandin « Paul Valéry et la médecine », dans Histoire des sciences médicales, t. 26, n° 1, 1992, p. 35-42.

[4] D. Aga,
Les Médecins-écrivains. L'apport de la médecine à la littérature, Thèse de doctorat, Fac. de médecine de Paris, 1942, p. 25.

[5] A. Fontaine, Henri Mondor, Paris, Grasset, 1960, p. 231.

[6] P. Valéry, « Discours aux chirurgiens », Œuvres, t. I, éd. J. Hythier, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1957, p. 915.

[7] La Chronique médicale, 45 volumes, 1894-1938.

[8] Art et médecine : revue mensuelle réservée au corps médical, dir. F. Debat, [s.n.], 1930-1936. Devient La Revue du médecin: revue mensuelle réservée au corps médical, 1936-1938. Redevient Art et médecine: revue mensuelle réservée au corps médical, [s.n.], 1938-1939.

[9] P. Valéry, Cahiers, CNRS, XVII, p. 288.





RESPONSABLES
Prof. Alexandre Wenger, Julien Knebusch, Martina Diaz, Thomas Augais

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