mardi 8 décembre 2015

(Ré)Appropriation des savoirs

(Ré)Appropriation des savoirs. Acteurs, territoires, processus, enjeux


Appel à communications

Université Paris-Diderot, amphithéâtre Buffon -
15 rue Hélène Brion - Paris, France (75013) 

Malgré des situations asymétriques et de domination parfois très fortes, sur de vastes échelles, le processus de mondialisation ne conduit pas forcément à une uniformisation des savoirs et des savoir-faire : comme l’analyse A. Appadurai, c’est précisément cette tension entre homogénéité et hétérogénéité qui définit la complexité des situations globalisées. Nous nous proposons de réfléchir de manière critique, à partir de situations précises, aux processus d’appropriation ou de réappropriation de savoirs et de savoir-faire, en centrant les analyses sur le point de vue des acteurs, leur pouvoir d’initiative et les stratégies qu’ils déploient dans la production et l’usage des savoirs, leurs enjeux, ainsi qu’aux multiples processus de transformations en œuvre.

Argumentaire
Les recherches actuelles sur les élaborations, circulations et usages des savoirs insistent sur l’hybridité de ces constructions, les multiples phénomènes d’emprunts et de recompositions qu’ils mettent en œuvre, et permettent de sortir d’oppositions, parfois un peu simples, entre des savoirs qui seraient scientifiques et des savoirs dits traditionnels ou encore autochtones La notion de transfert, dépassant celle d’acculturation ou d’emprunt (M. Espagne, Werner, L. Turgeon et D. Delage) a souvent été mobilisée pour rendre compte de ces processus. Elle permet en effet d’interroger la circulation de tout type de savoir, par des acteurs variés, et leur transposition en des contextes différents. Toutefois, elle peut tendre à présupposer une forme de permanence ou d’autonomie de ces savoirs et savoir-faire ce qui conduit, parfois, à une étude des circulations dissociée des acteurs qui les produisent, et des contextes, tant spatiaux que temporels, qui y impriment leur marque, en recomposition perpétuelle dans des configurations variées. Ainsi, malgré des situations asymétriques et de domination parfois très fortes, sur de vastes échelles, le processus de mondialisation ne conduit pas forcément à une uniformisation des formes de savoirs : comme l’analyse Arjun Appadurai, c’est précisément cette tension entre homogénéité et hétérogénéité qui définit la complexité des situations globalisées. Les contrastes qui en ressortent invitent à s’intéresser plus précisément à la diversité et aux multiples processus de transformations en oeuvre. Les processus d'homogénisation, de reprise de schémas valorisés ou les tendances à la standardisation, aussi bien, au contraire, que le fourmillement des inventions, des créations nouvelles ou des recompositions nous conduisent à interroger la validité des concepts d'appropriation et de ré-appropriation comme support et filtre de compréhension. Un effort de contextualisation s’impose également, replaçant les phénomènes les plus récents dans la longue durée et mesurant l’ampleur, voir la réalité, d’une rupture proprement contemporaine.

Nous nous proposons de réfléchir dans le cadre de ce colloque, à partir de situations précises, sur le concept d’appropriation ou de réappropriation de savoirs et de savoir-faire, en centrant les analyses sur le point de vue des acteurs, leurs engagements, leurs visées et objectifs, en s'intéressant au pouvoir d’initiative et aux stratégies qu’ils déploient dans la production et l’usage des savoirs. Il sera moins question de réception que de (ré)appropriation de savoirs ou de pratiques par des acteurs, individuels ou collectifs. L’objectif n’est pas de figer la définition de ces processus de (ré)appropriation, mais d’envisager ces notions d’un point de vue méthodologique et heuristique. Nous nous proposons de repérer qui et quels sont les acteurs impliqués mais aussi d'examiner les processus à travers leur épaisseur ou leurs dynamiques.

La journée d’étude d'avril 2015, organisée par l’axe « Constructions et usages des savoirs » du CESSMA, a porté sur des thématiques variées, concernant des faits sociaux, culturels, y compris linguistiques, ou politiques. Les contributions ont dégagé un ensemble d’expériences et de situations concrètes, en contexte tant contemporain qu'ancien, en Asie, aussi bien qu’en Afrique ou en Amérique, y compris dans leurs relations avec le reste du monde.

L'objectif de ce colloque international est de poursuivre la réflexion dans les directions suivantes :
La diversité des acteurs, singuliers ou collectifs, les coopérations ou compétitions entre eux, dans des contextes historiques, sociaux, spatiaux définis constitueront autant d’éléments placés au coeur des analyses. En quoi acteurs locaux, institutions, Etats, et organisations internationales se distinguent-ils, conjuguent-ils leurs dynamiques ou entrent-ils en contradiction pour la captation, la maîtrise ou les bénéfices tirés de savoirs et savoir-faire ?
La notion même de savoir est en question dans notre problématique. La nature des savoirs envisagés sera donc très diverse, qu’il s’agisse des savoir-faire, de savoirs considérés comme « scientifiques », tant formels qu'informels, de savoirs dits « professionnels » ou encore « traditionnels », qu'ils soient perçus comme populaires, lettrés, classiques ou savants. Les questions liées aux processus de patrimonialisation participent de cette réflexion. La convention Unesco sur le patrimoine immatériel de 2003 a en effet recomposé des normes qualifiées d’hégémoniques et ouvert la voie à des processus nouveaux de reconnaissance de savoir-faire auparavant négligés, reconsidérant ainsi les notions d’appartenance, d’authenticité et de transformation. La formation de nouvelles catégories de biens culturels a suscité de nouvelles modalités de légitimation, institutionnelles ou non, de l’autochtonie et contribué à l’émergence de nouveaux acteurs, qu’ils soient ancrés localement ou en diaspora, membres de la communauté ou chercheurs (Bortolotto 2011, Tornatorre 2010 et 2011, ANR Fabriq’am).
Que signifie s’approprier, se réapproprier ou incorporer des savoirs ? Comment s’établit le rapport de l'observateur ou de l'apprenant à un savoir identifié ? Quelles méthodologies ou perspectives critiques permettent d'identifier des savoirs existants mais non reconnus comme tels, dans la société d'origine ou dans la culture de l'observateur ? Y a-t-il là une question de positionnement théorique et pratique, posant aussi la question de l'engagement idéologique ou politique des participants ou du chercheur autant que celle du détachement scientifique de l'observateur et analyste ?
On pourra ainsi s’intéresser à tous les phénomènes de (ré)appropriation ou d’incorporation des savoirs et savoir-faire, issus de régions ou de cultures spécifiques, comme à tous les processus de fabrication ou de dépassement (pratique, critique), conduisant à des transformations de leurs signification et de leurs usages, et porteurs d’éventuelles réélaborations ou inventions originales, Les différents langues et langages, en concurrence, juxtaposés ou en relations, les phénomènes de traduction et de transposition, les formes prosaïques ou littéraires de (ré)appropriation pourront constituer autant de questions de recherche.

On sera attentif au rôle déclencheur des événements, des situations conflictuelles ou d’opposition et des crises dans les processus de (ré)appropriation. On suivra aussi les circulations de ces savoirs et savoir-faire, de ces (re)créations, dans la durée et dans l’’espace en posant la question des transmissions entre acteurs sociaux (individus, groupes, générations…) mais aussi des ruptures et des résurgences dans la transmission des savoirs. Les (ré)appropriations de savoirs conduisent-elles à faire table rase d’héritages, d’identités, de cultures ou procèdent-elles de recombinaisons plus subtiles ? Comment certains savoirs ou savoir-faire font-ils l’objet de réinvestissements, de «redécouvertes » et, à cette occasion, de réinterprétation ou de réinvention ? Quelles ruptures et résurgences s'opèrent-elles dans le processus de transmission ou de perpétuation des savoirs ?

L'appropriation des savoirs n’a pas nécessairement de finalité purement intellectuelle, culturelle ou scientifique. Il convient donc de s’interroger sur les intérêts poursuivis par des acteurs se (ré-) appropriant des savoirs : pour quelles finalités et quels usages ? Dans quelle mesure la (ré)appropriation de savoir participe-t-elle à la construction d’identités culturelles et sociales dans le cadre de systèmes de valeurs ? En quoi peut-elle servir des objectifs de valorisation individuelle ou collective, qui incluent la recherche de l'efficacité ou de légitimités, et qui visent la quête de bénéfices symboliques ou réels, dans le jeu des positions et des rôles sociaux comme dans les domaines du pouvoir et de la communication ?

On s’interrogera aussi sur les effets, parfois non désirés, des (ré)appropriations de savoirs, en fonction de la position relative des acteurs, selon qu’ils sont en position dominante ou minoritaire, qu'ils se situent dans une relation de dépendance, d'aliénation ou d'autonomie. Dans quelle mesure les processus de (ré)appropriations apparaissent-ils subversifs ou dangereux, exacerbent-ils des formes de concurrences, ou sont-ils perçus comme inaboutis, illégitimes en tant que signe de reniement d’une identité ou d’une culture supposée originelle ? Transforment-ils et comment le rapport de l’acteur individuel ou collectif à soi et au monde ?
Modalités de soumission

Les propositions de communication (3 000 signes) préciseront le terrain et la période à partir desquels la réflexion sera élaborée ; elles pourront envisager l’un ou plusieurs des aspects évoqués ci-dessus ou adopter une perspective originale, en lien avec la thématique du colloque.

Les propositions peuvent être formulées en français, en anglais ou en espagnol.
Elles sont à adresser avant le 10 décembre 2015


Les réponses du comité scientifique seront communiquées le 15 janvier 2016.

Les langues de communication pendant le colloque seront le français, l’anglais et l’espagnol (dans ce cas, un résumé de deux pages de la communication, en français ou en anglais, sera aussi demandé)
Date et lieu

19-20 mai 2016

Université Paris 7 Denis-Diderot 
Comité scientifique 
Anath ARIEL DE VIDAS, EHESS CERMA
Françoise BOURDARIAS, CITERES / CESSMA,
Anna CAIOZZO-ROUSSEL Paris-Diderot, ICT
Marie CHOSSON, INALCO, CESSMA
Dominique COURET, IRD, CESSMA
Alexandra GALITZINE-LOUMPET, CESSMA
Dr. Hans Peter HAHN, Goethe Universität, Frankfurt/Main, Institut für Technologie
Harit JOSHI, INALCO, CESSMA
Mina KLEICHE-DRAY, IRD, Paris-Descartes, CEPED
Daniel NEGERS, INALCO, CESSMA
Frédéric OBRINGER, EHESS, CECMC
Fabrizio SPEZIALE, Mondes iraniens et indiens, Paris-Sorbonne nouvelle, CNRS
Marie-Albane de SUREMAIN, UPEC, CESSMA
Mahamet TIMERA, Paris-Diderot, URMIS
Anne VIGUIER, INALCO, CESSMA
Céline WANG, Paris-Diderot, CESSMA

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