Appel à communications
15 mai 2015
Maison française d'Oxford
Oxford, Grande-Bretagne
Au dix-huitième siècle, le concept de légèreté semble envahir tous les domaines des connaissances humaines, de la morale à la physique, des inventions aérostatiques aux créations artistiques. Perpétuant cette image d’un âge léger, depuis le dix-neuvième siècle bourgeois, industrieux mais aussi nostalgique du temps des fêtes galantes, jusqu’à notre époque célébrant la frivolité (et la commercialité) des années de Marie-Antoinette et de Fragonard, le dix-huitième siècle français en sa légèreté n’a jamais cessé de séduire. Ainsi, qu’elle soit l’objet d’une conquête (scientifique, morale, esthétique, etc.) ou de constructions historiques, la légèreté du dix-huitième siècle s’impose comme un paradigme dont il s’agira de soulever les enjeux, dans une perspective critique et historiographique.
Tandis que Voltaire écrivait à propos des Français que « la légèreté et l’inconstance ont fait le caractère de cette aimable nation », Caraccioli remarquait qu’« il y a longtemps qu’on accuse les Français de légèreté », mais « il y a longtemps qu’ils ne cherchent pas à s’en corriger ». Si la légèreté devient une question nationale pour la France du XVIIIesiècle, c’est surtout afin de promouvoir les « vertus civiles » dont elle est le lieu par excellence. La nation française serait trop inconstante pour être sérieusement mauvaise. Cependant, cette légèreté du siècle ne fait pas l’unanimité, loin s’en faut, et plusieurs auteurs condamnent l’inconséquence d’esprit de leurs contemporains, faisant de la légèreté l’un des paradigmes autour duquel tout un siècle se définit, ou contre lequel il s’insurge. Mais cette notion ne concerne pas uniquement ces questions de morale, et s’applique à tous les domaines des connaissances humaines. Les amateurs louent la légèreté des œuvres qu’ils commentent, les auteurs allègent leur plume afin de la faire mieux courir, les scientifiques s’interrogent sur cette qualité de la matière… Enfin, couronnant le siècle de la légèreté, le ballon des frères Montgolfier et autres aérostats flottent dans l’azur et enchantent en les survolant les foules enthousiastes. Le siècle le plus léger est aussi celui qui s’est le premier élevé jusqu’aux cieux.
Propre à la façon dont le siècle se construit et se perçoit, la légèreté du XVIIIe siècle habite encore l’historiographie de la période. Pour ses successeurs, les représentations du XVIIIe siècle ne se limitent pas à un siècle des Lumières sérieux et progressiste, mais construisent aussi un siècle de la Légèreté, futile et immoral. Entre la bourgeoisie industrieuse du XIXe siècle considérant avec quelque nostalgie les voluptés des fêtes galantes, et l’intérêt de notre époque célébrant la frivolité (et la commercialité) du siècle de Marie-Antoinette et de Fragonard, il est certain que le XVIIIe siècle en sa légèreté n’a jamais cessé de séduire. Enfin, depuis quelques décennies, l’intérêt des universitaires, des romanciers, des cinéastes et des artistes pour cet aspect du XVIIIe siècle a beaucoup contribué à la pérennité, auprès d’un public de plus en plus vaste, du fantasme d’un dix-huitième siècle volage, galant, voluptueux, riant : léger.
Ainsi, qu’elle soit l’objet d’une conquête (scientifique, morale, esthétique, etc.) ou de constructions historiques, la légèreté du XVIIIe siècle s’impose comme un paradigme dont il s’agira de soulever les enjeux, dans une perspective critique et historiographique. Cette démarche sera l’objet d’une journée d’études interdisciplinaire, qui aura lieu à la Maison française d’Oxford, le 15 mai 2015.
Les communications pourraient par exemple développer les aspects suivants :
Quels liens les développements des belles-lettres françaises au XVIIIe siècle entretiennent-ils avec la notion de légèreté ? Dans quelle mesure l’opposition à la gravitas des Anciens a-t-elle contribué à définir une certaine légèreté stylistique correspondant aux modes littéraires et permettant d’explorer de nouvelles possibilités d’expression ? Par ailleurs, plusieurs genres littéraires étaient accusés de publier une dangereuse futilité et une frivolité coupable : ainsi des contes et des romans ; dans quelle mesure les auteurs ont-ils répondu à ces accusations ? Ou encore, la littérature française abonde en personnages légers, depuis les petits-maîtres jouisseurs et inconstants jusqu’aux sylphes et autres créatures plus ou moins palpables, en passant par les femmes et les petits abbés « à vapeurs ».
Les mémoires et les correspondances des contemporains abondent en commentaires et en réflexions faisant état de la légèreté du siècle. Quelles représentations ont inspiré pareils discours ? Dans quelle mesure ont-ils contribué à façonner la postérité d’un XVIIIe siècle comme celui de la légèreté ?
Dans le domaine de la philosophie, plusieurs essais ont été écrits qui mettent en scène la frivolité, la joie, le plaisir sous un jour avantageux, tandis que la morale elle-même, peut-être en cherchant l’équilibre entre le docere et le placere, a été absorbée dans des récits plaisants et d’apparence superficielle, en cherchant à s’exprimer à travers des contes faits à plaisir et autres fables légères.
Dans les arts visuels et la critique d’art naissante, la légèreté peut être vue comme une qualité essentielle du peintre, tout en se faisant sujet de ses compositions, dont les « fêtes galantes » de Watteau, la Bulle de savon de Chardin, l’Escarpolette de Fragonard ou l’Oiseau mort de Greuze peuvent être des représentants exemplaires (pour les contemporains comme pour la postérité) de la légèreté morale du siècle.
En architecture, la légèreté a été définie comme « le peu de matière » et l’ouverture de la structure. Comment ces qualités ont-elles été interprétées par rapport aux différents styles architecturaux comme le gothique, le rococo, etc. ?
En musique, dans quelle mesure la légèreté est-elle une caractéristique du style français ; en quoi, par exemple, est-elle un enjeu de la Querelle des Bouffons?
En histoire des sciences et de la médecine, entre la théorie des vapeurs et les ballons des frères Montgolfier, comment la légèreté devient-elle un élément central dans les efforts accomplis pour comprendre ou maîtriser la nature ?
Enfin, d’un point de vue historiographique, quelle fortune critique la légèreté du XVIIIe siècle a-t-elle connu au cours des siècles suivants ? Comment les différentes nations d’Europe, de même que les périodes suivantes se sont-elles définies à travers ou par opposition à la légèreté du XVIIIe siècle français ? Qu’indiquent ces représentations quant aux cultures et aux époques qui les ont façonnées ?
Ainsi, qu’elle soit l’objet d’une conquête (scientifique, morale, esthétique, etc.) ou de constructions historiques, la légèreté du XVIIIe siècle s’impose comme un paradigme dont il s’agira de soulever les enjeux, dans une perspective critique et historiographique. Cette démarche sera l’objet d’une journée d’études interdisciplinaire, qui aura lieu à la Maison française d’Oxford, le 15 mai 2015.
Les communications pourraient par exemple développer les aspects suivants :
Quels liens les développements des belles-lettres françaises au XVIIIe siècle entretiennent-ils avec la notion de légèreté ? Dans quelle mesure l’opposition à la gravitas des Anciens a-t-elle contribué à définir une certaine légèreté stylistique correspondant aux modes littéraires et permettant d’explorer de nouvelles possibilités d’expression ? Par ailleurs, plusieurs genres littéraires étaient accusés de publier une dangereuse futilité et une frivolité coupable : ainsi des contes et des romans ; dans quelle mesure les auteurs ont-ils répondu à ces accusations ? Ou encore, la littérature française abonde en personnages légers, depuis les petits-maîtres jouisseurs et inconstants jusqu’aux sylphes et autres créatures plus ou moins palpables, en passant par les femmes et les petits abbés « à vapeurs ».
Les mémoires et les correspondances des contemporains abondent en commentaires et en réflexions faisant état de la légèreté du siècle. Quelles représentations ont inspiré pareils discours ? Dans quelle mesure ont-ils contribué à façonner la postérité d’un XVIIIe siècle comme celui de la légèreté ?
Dans le domaine de la philosophie, plusieurs essais ont été écrits qui mettent en scène la frivolité, la joie, le plaisir sous un jour avantageux, tandis que la morale elle-même, peut-être en cherchant l’équilibre entre le docere et le placere, a été absorbée dans des récits plaisants et d’apparence superficielle, en cherchant à s’exprimer à travers des contes faits à plaisir et autres fables légères.
Dans les arts visuels et la critique d’art naissante, la légèreté peut être vue comme une qualité essentielle du peintre, tout en se faisant sujet de ses compositions, dont les « fêtes galantes » de Watteau, la Bulle de savon de Chardin, l’Escarpolette de Fragonard ou l’Oiseau mort de Greuze peuvent être des représentants exemplaires (pour les contemporains comme pour la postérité) de la légèreté morale du siècle.
En architecture, la légèreté a été définie comme « le peu de matière » et l’ouverture de la structure. Comment ces qualités ont-elles été interprétées par rapport aux différents styles architecturaux comme le gothique, le rococo, etc. ?
En musique, dans quelle mesure la légèreté est-elle une caractéristique du style français ; en quoi, par exemple, est-elle un enjeu de la Querelle des Bouffons?
En histoire des sciences et de la médecine, entre la théorie des vapeurs et les ballons des frères Montgolfier, comment la légèreté devient-elle un élément central dans les efforts accomplis pour comprendre ou maîtriser la nature ?
Enfin, d’un point de vue historiographique, quelle fortune critique la légèreté du XVIIIe siècle a-t-elle connu au cours des siècles suivants ? Comment les différentes nations d’Europe, de même que les périodes suivantes se sont-elles définies à travers ou par opposition à la légèreté du XVIIIe siècle français ? Qu’indiquent ces représentations quant aux cultures et aux époques qui les ont façonnées ?
Modalités de soumission
Nous invitons les personnes intéressées à nous faire parvenir une proposition de communication d’environ 300 mots, ainsi qu’une courte bio-bibliographie aux adresses suivantes :
Marine Ganofsky : Mg216@st-andrews.ac.uk
Jean-Alexandre Perras : jean-alexandre.perras@mod-langs.ox.ac.uk / jeanalexandre.perras@gmail.com
avant le 15 février 2015.
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