vendredi 6 juin 2014

Doctorat sur l'OCDE et la santé publique

Doctorat "Transformer l’action publique par l’expertise internationale : L’OCDE comme laboratoire de la reformulation des enjeux et des politiques de la santé publique"

Appel à candidatures



Les transformations de la prise en charge de la santé des populations peut être lue historiquement comme une réarticulation croisée entre d’une part, les transformations de la puissance publique et d’autre part, les évolutions des savoirs scientifiques et médicales. Le concept de biopolitique théorisé par Michel Foucault décrit l’affirmation du rôle des Etats européens au XVIIIe et XIXe s’appuyant sur des savoirs médicaux, statistiques et économiques naissantes. Ce processus construisait la santé des sujets comme un enjeu public et comme un facteur de la puissance des Etats. La santé publique a été transformée au XIX et la première moitié du XXe siècle par l’essor du capitalisme industriel, la question sociale et par la naissance de l’Etat social. Cette construction, toujours dans un cadre national, mobilisait avant tout un savoir hygiéniste et préventif, en pensant la maladie en termes de risque social. Sous les effets conjugués des pandémies (grippe espagnole, Sida, H1N1), les avancées médicales (vaccins), mais aussi l’affirmation d’organisations internationales (OMC, OMS, Banque mondiale, ONU, OCDE, CEE, puis UE) et la décolonisation, les questions de santé publique ont été progressivement désencastrés de leur contextes nationaux et ont été continuellement reformulées depuis la fin de la deuxième guerre mondiale.

C’est sur cette dernière période, marquée par une transnationalisation des risques, des mécanismes de prise en charge de la santé publique et de l’expertise que portera la thèse. Le point d’entrée empirique sera l’OCDE, une organisation créée en 1961 succédant à l’OEEC (Organization for European Economic Co-operation) créée en 1948 pour administrer le fonds Marshall et que rien ne prédisposait à perdurer au-delà de sa fonction initiale. Pourtant, sans disposer de compétences politiques directes, l’OCDE a su se transformer en institution incontournable de l’expertise internationale et un des principaux lieux de production et de circulation de normes, de savoirs et de modèles d’action publique. Si l’OCDE ne s’est pas particulièrement spécialisé sur les questions de santé, il n’en demeure pas moins un acteur important sur deux questions. D’une part, l’OCDE a établi des liens avec l’industrie pharmaceutique et a été un acteur important dans la mise en place d’outils de construction des marchés, en particulier sur la définition des normes et standards internationaux. L’OCDE a joué un rôle important pour l’élaboration des « guidelines de bonnes pratiques », autorégulations industrielles par un réseau d’expertise international et a engagé des politiques d’assistance aux pays moins développés. D’autre part, l’OCDE a démultiplié des études comparatives de dispositifs d’action publique et a diffusé des modèles d’action publique qui ont contribué à déstabiliser les arrangements du l’Etat providence.

Dans une perspective qui croise l’histoire des sciences et techniques avec la sociologie de l’action publique, la thèse s’efforcera de répondre à plusieurs questions :

1) Quand, comment et dans quel contexte l’organisation s’est-elle emparée de questions de santé publique ? Comment et dans quel contexte est-ce que la stratégie de l’OCDE s’est redéfinie ?

2) Quels types d’acteurs ont été enrôlés (universitaires, acteurs industriels, think thanks, hauts fonctionnaires) pour façonner la production des savoirs et pour reproblématiser la question de santé publique notamment dans un cadrage économique ? Le questionnement consiste ici à analyser l’articulation entre les formes d’expertise mobilisée, les intérêts institutionnels et les effets en termes de formulation des problèmes de santé publique, et de construction et de diffusion de chartes de bonne conduite et de bonnes pratiques exerçant un effet normatif sur de acteurs industriels.

3) Partant de ce vivier d’experts à différents moments de l’histoire de l’institution, une approche prosopographique sur leurs trajectoires visera à établir empiriquement les vecteurs de diffusion des savoirs experts formulés et reformulés autour de l’OCDE. L’objectif ici est de dépasser une approche purement institutionnelle et monographique pour saisir l’espace transnational d’expertise, les effets de l’émergence de cet espace et les formes de multipositionnement des acteurs entre organismes privés et publics, nationaux et supranationaux.

Cette recherche vise ainsi à une meilleure compréhension des relations entre l’OCDE et d’autres institutions internationales, telles que la Banque mondiale, l’OMS, et l’Union Européenne. Au-delà de l’intérêt de ce cas, le projet entend contribuer plus largement à la compréhension des transformations de la santé publique, à la sociologie des institutions internationales et aux transformations des articulations entre les savoirs scientifiques, experts et l’action publique.



Compétences requises :
Le ou la doctorant(e) doit être titulaire d’un Masters 2 recherche de haut niveau en histoire ou sociologie des sciences, en science politique ou en sociologie politique. Un mémoire de masters sur l’action publique internationale ou européenne ou sur l’histoire de la santé publique serait souhaitable.

Il ou elle doit maîtriser plusieurs méthodes d’enquête en sciences sociales : le travail sur archive, l’entretien sociologique, la construction et l’analyse de bases de données, l’analyse textuelle.

La maîtrise parfaite du Français et de l’Anglais est indispensable. La thèse peut être rédigée en Français ou en Anglais.

La thèse sera co-dirigée par Christian Bonah (PR Histoire de la santé) et Jay Rowell (DR Sociologie politique). Elle sera conduite au sein de l’UMR-7363 CNRS-Université de Strasbourg SAGE « Sociétés, acteurs et gouvernement en Europe » (http://sage.unistra.fr)et de l’Ecole Doctorale « Sciences Humaines et Sociales - Perspectives Européennes », Université de Strasbourg, et s’articulera fortement avec le projet ERC de Jean-Paul Gaudillière (GLOBHEALTH), UMR-8211 – CNRS-INSERM-Université Paris Descartes Cermes3 « Centre de recherche médecine, sciences, santé, santé mentale, société ».

Le contrat doctoral est d’un montant de 1.347 € net mensuel pour 36 mois (1.10.2014-1.10.2017)

Candidature :
Les candidats doivent envoyer une lettre de motivation, un CV détaillé et un exemplaire de leur mémoire de recherche M2 par voie électronique à Christian Bonah (bonah@unistra.fr) et à Jay Rowell (Jay.Rowell@misha.fr).



Date limite de soumission des candidatures 23 juin 2014

Entretien avec les candidats retenus : 30 juin 2014


Audition de le/la candidat(e) devant le jury du Collège des Ecoles doctorales, le 9 juillet 2014 à Strasbourg.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire