lundi 22 avril 2013

L'Antiquité grecque et le mystère de la voix

Les Routes de la voix - L'Antiquité grecque et le mystère de la voix
 

Guy LACHENAUD, professeur émérite (Université de Nantes), ancien élève de l'ENS Ulm. 



Les Belles lettres
N° vol. dans la collection 147

Parution : 15 février 2013
Nb de pages 240 p.
ISBN-10 2-251-32684-7
ISBN-13 978-2-251-32684-9


Ne néglige pas l'écho; car c'est
d'échos que tu vis.
J'épouse chaque syllabe au point
de n'être plus qu'un corps de consonnes,
une âme de voyelles. Est-ce sorcier ?

Edmond Jabès.


J'ai fait l'hypothèse que la rupture du lien entre voix et langage pouvait avoir une valeur heuristique, à condition de transgresser les frontières artificielles que l'érudition universitaire établit trop souvent entre les savoirs véhiculés par les textes techniques, les analyses des philosophes qui vont bien au-delà d’une approche physiologique du phénomène de la voix et de la parole, et les textes divers qui mettent en scène des sujets parlants.
Après avoir présenté les mots du Grec qui désignent la voix, j’examine les définitions de la voix proposées par les Anciens et l’entrelacs des métaphores qui tentent d’éclairer ce mystère. Le discours des médecins et des philosophes grecs explore les relations transitionnelles entre le corps et la voix, mais aussi entre le dedans et le dehors, relation qui fonctionne dans les deux sens. La voix est sans cesse contrecarrée par les déficiences physiques et intellectuelles, par les émotions et les circonstances de la vie sociale. C’est pourquoi l’aphonie, l’aphasie et le silence retiennent tout particulièrement mon attention. En ce qui concerne les états de la voix humaine, la confrontation avec les catégories modernes fait apparaître la grande richesse du vocabulaire des Grecs : force et faiblesse de la voix, tension de l’aigu et du grave, voix parlée et chantée, voix pathétique. Si les Anciens gardent toujours en ligne de mire le langage humain sous sa forme la plus achevée, la distinction entre l’animé et l’inanimé et la classification des êtres vivants sont mises en question et souvent contredites, comme plus tard chez les poètes, et même chez certains théoriciens et penseurs de la modernité.
Les paradoxes du Cratyle, qui définissent l’orthonymie comme homophonie entre les choses et les mots, jettent le trouble, et le Lachès prône l’harmonie entre ce que nous disons et notre genre de vie. C’est en effet la philosophie platonicienne, relayée par ses interprètes, qui illustre le mieux la complémentarité de la grammaire et de la musique, à condition d’en faire un bon usage. Les Lois identifient art choral et paideia. Le « dialogue intérieur de l’âme avec elle-même », dont nous parle le Phèdre, me conduit à étudier les deux discours, « immanent » et « proféré », le repli de l’âme sur elle-même, ce qui lui est propre qui est aussi ce qu’il y a de divin en elle. Je propose au lecteur de suivre en ma compagnie un parcours herméneutique qui conduit d’Homère, Hésiode ou Platon à Proclus et aux Chrétiens, sans m’interdire de leur faire répondre en écho les voix des poètes ou des penseurs modernes.

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