vendredi 15 mars 2013

Economie de la pauvreté

Les économies de la pauvreté (Moyen Âge - époque moderne)

2e école d'été d'histoire économique de Hyères


Le LAMOP (UMR 8589, l’Université Paris 1- Panthéon-Sorbonne/CNRS), le CRH (UMR 8558, EHESS/CNRS) ainsi que le FRAMESPA (UMR 5136, Université de Toulouse 2 - Le Mirail/CNRS), organisent avec le soutien du Labex HASTEC (Histoire et Anthropologie des Savoirs, des Techniques et des Croyances), de l’IUF (Laurent Feller), de la chaire d’excellence Toulouse 2-CNRS (Emmanuel Huertas) et de l’EHESS (Katia Beguin et Simona Cerutti) la deuxième école d’été d’histoire économique qui se réunira à Hyères les 30-31 août et 1er sept. 2013. Cette manifestation se déroulera sous le patronage de l’Association des Historiens Economistes Français (AHEF). Elle rassemblera des chercheurs, des enseignants-chercheurs, des chercheurs postdoctoraux, des doctorants et des étudiants de Master 2 de toutes nationalités, médiévistes et modernistes, historiens spécialistes d’histoire économique, économistes, sociologues, et anthropologues. On prévoit des participations espagnoles, italiennes, anglaises et, naturellement, françaises. Cette opération devrait permettre d’institutionnaliser les liens existant entre les différents établissements d’où proviennent les chercheurs concernés (Universités de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, de Toulouse 2 – Le Mirail et de l’EHESS. La finalité est d’assurer la circulation des problématiques et des informations bibliographiques entre modernistes et médiévistes, sur des thèmes d’histoire économique, tout en ouvrant les perspectives aux apports des spécialistes d’autres disciplines, économistes, sociologues, anthropologues, pour partager, confronter, élargir les méthodes d’analyse des uns et des autres. L’organisation scientifique est assurée, par le LAMOP (UMR 8589, Université Paris 1- Panthéon-Sorbonne/CNRS), le CRH (UMR 8558, EHESS/CNRS) ainsi que le FRAMESPA (UMR 5136, Université de Toulouse 2 - Le Mirail/CNRS) de Toulouse. Elle reçoit l’appui financier du Labex HASTEC (Histoire et Anthropologie des Savoirs, des Techniques et des Croyances). Son financement, outre la subvention du Labex, repose sur la mobilisation de ressources provenant de l’IUF (Laurent Feller), de la chaire d’excellence Toulouse 2-CNRS détenue par Emmanuel Huertas et de l’EHESS où Katia Beguin, et Simona Cerutti, directrices d’étude, participent à l’affaire. Enfin, cette manifestation se déroulera sous le patronage de l’Association des Historiens Economistes Français (AHEF).

Argumentaire

La thématique de la pauvreté est en train de reprendre, dans les sciences sociales, une importance considérable, comme le montre l’existence au Collège de France d’une chaire destinée à l’étude des questions liées au développement comme le montre aussi l’apparition récente d’une littérature vouée à la pauvreté, avec les travaux d’Amartya Sen et, très récemment, ceux d’Esther Duflo. D’importantes inflexions se font jour dans ces travaux. S’écartant de la simple quantification des seuils de pauvreté ou de l’extrême pauvreté, si frappants que soient ces chiffres à l’échelle mondiale, ils élargissent la notion de pauvreté à ses dimensions plurielles, intégrant la santé, l’éducation, la capacité à mobiliser des ressources. Ils rompent avec l’idée d’un état qui résulterait d’un défaut de rationalité des pauvres, pour souligner que la pauvreté révèle davantage une rationalité humaine confrontée à des situations de choix plus contraints et moins encadrés, moins soutenus. Cette dimension microéconomique, où l’accent est mis sur les mécanismes dans lesquels les compétences des misérables sont appelées à s’exercer, met l’accent sur les arbitrages des individus qui, placés dans des situations de contrainte, ne peuvent ni imaginer ni a fortiori mettre en œuvre les solutions qui leur permettraient de passer un mauvais cap ou de s’enfermer pour toujours dans un cercle de pauvreté. Du côté des sociologues et des anthropologues, le regard critique porté sur les analyses substantialistes de la pauvreté et leur réduction en chiffres a aussi incité à mettre en avant les définitions particulières que chaque société peut produire pour ses pauvres, les formes d’assistance qu’elle leur réserve. Ils prêtent de façon générale une attention accrue aux contextes larges et aux dynamiques dans lesquels ces trajectoires individuelles s’inscrivent. Pour toutes ces raisons, le dialogue avec les historiens paraît s’imposer.
Ces questions des compétences des pauvres, de leur savoir-faire et de leur marge de liberté dans un système de contraintes complexes est celle que nous voulons aborder en premier lieu au cours de cette école, en effectuant tout d’abord un rappel sur les liens entre pauvreté et développement.
Ainsi, le développement de la période médiévale, qui a transformé les fondements matériels de la vie en Occident, s’est accompagné d’une immense pauvreté que les actions caritatives pouvaient à peine soulager. Cette misère a deux conséquences. La première, évidente, est une sensibilité extrême aux variations de la production et à celle du prix des denrées alimentaires. La pauvreté débouche sur la famine, dont elle est bien souvent synonyme. La seconde, moins nette, est le développement de stratégies et de savoir-faire, le plus souvent intuitifs qui permettent de survivre malgré tout, c’est-à-dire malgré le renchérissement des prix et malgré l’insuffisance des approvisionnements. Ce sont ces techniques et ces savoir-faire qui déterminent l’attitude d’une bonne partie des habitants de l’Occident à l’égard du travail et de la production d’une part, mais aussi à l’égard de la propriété. Ce sont elles que nous voudrions présenter pour les périodes médiévale et moderne afin d’en faire la liste et de les comparer.
Modernistes et médiévistes se dont depuis longtemps interrogés, par exemple, sur le rapport entre le marché foncier et le cycle de vie. Consciemment, les paysans organisent leur exploitation non pour obtenir un revenu sans cesse accru mais pour obtenir le revenu suffisant pour leur permettre de satisfaire à ce qu’ils considèrent comme leurs besoins. Cela signifie que la survie ne passe pas toujours par une augmentation de la production et du travail mais aussi et parfois même surtout par la capacité à faire jouer des réseaux d’amitié, de solidarité et d’entraide qui protègent contre les aléas et les mauvaises fortunes. La pauvreté doit alors se comprendre comme l’absence de ressources sociales ou comme le résultat de l’incompétence dans leur maniement.
Il en va de même, dans certains contextes, des travailleurs agricoles salariés : dans les périodes où la main d’œuvre est rare mais l’offre de travail abondante, ils peuvent se permettre de définir eux-mêmes le temps qu’il leur est nécessaire de travailler pour subvenir à leurs besoins. Dans un cas qui fit scandale en Angleterre, un ouvrier agricole fut poursuivi parce qu’il refusait de travailler plus de 120 jours par an, sur une année où le nombre théorique de jours ouvrables était de 280. Cela signifie des besoins matériels assez bas mais aussi un réel arbitrage entre le loisir et le travail : il est alors possible d’investir le temps libre dans des occupations qui resserrent les liens sociaux et renforcent la capacité à faire face aux difficultés du temps.
Les arbitrages de cette nature sont plus que des savoir-faire pratiques. Ils montrent la maîtrise de réseaux d’information perfectionnés : on ne peut limiter volontairement son temps de travail que si les informations concernant le montant des salaires est disponible et si les travailleurs peuvent envisager d’être mobiles. Ces compétences sont le plus souvent tacites et ne se laissent analyser qu’à travers des conflits opposant employés et employeurs, soit au sujet du salaire, soit au sujet du temps de travail. Elles existent cependant bel et bien ;  elles structurent la vie de la majorité de la population occidentale et donnent à la vie économique un aspect apparemment irrationnel, parce que l’utilité n’est pas placée dans le gain mais dans l’accumulation de liens sociaux actifs. Pauvreté et rationalité des comportements économiques constituerait un second axe de ces journées.
D’autre part, survivre rend obligatoire la construction d’une capacité à mobiliser des savoir faire complexes, à l’égard des objets de propriété, à l’égard du crédit et à l’égard du marché. Les objets possédés sont parfois détenus non pas pour leur utilité mais pour leur valeur d’échange. Les vêtements, certains biens de luxe apparus même dans les maisons pauvres servent ainsi de réserve de valeur et sont soit des gages potentiels pour des emprunts de consommation, soit des biens que l’on vend sur le marché lorsque la nécessité s’en fait sentir. Le marché des objets d’occasion est littéralement vital pour les nécessiteux qui s’y procurent les liquidités dont ils ont besoin pour se procurer des aliments. D’un autre côté, les mêmes s’y procurent les vêtements qui leur sont nécessaires et correspondent à leurs disponibilité. Il faut développer des stratégies complexes d’achat, de vente et d’emprunt pour obtenir aliments et vêtements, la question du logement, particulièrement en ville, demeurant la plus difficile à résoudre.
L’école d’été d’histoire économique désire donc réfléchir à ces savoirs pratiques et tacites et présenter là-dessus les avancées d’une réflexion en plein mouvement.
Une autre dimension sera également abordée, celle des aspects spirituels et intellectuels de la pauvreté. Ces dernières années, la réflexion sur la place de la pauvreté dans les règles et dans la vie monastique, de sa signification en tant que qualité positive parce que choisie a beaucoup avancé, dans la lignée des travaux de G. Todeschini. Car, à côté des compétences des pauvres, se pose évidemment le problème, pour une société chrétienne de la signification spirituelle de leur présence dans le monde. 
Cette direction, explorée autrefois par M. Mollat, a été profondément renouvelée par des recherches portant sur l’usage chrétien de la richesse, dans lequel il faut compter naturellement l’aide aux pauvres, considérés d’une façon qui n’est pas seulement rhétorique comme les véritables propriétaires des biens dont l’Église n’est que le gestionnaire ou le dépositaire. Les moines, par leur prière et leur action, convertissent les richesses en mérites et participent à des processus dans lesquels le véritable usage chrétien des choses se situe dans leur mise en circulation.
Les Franciscains, ou du moins les plus extrêmes d’entre eux, en refusant toute forme de propriété, même s’agissant des biens d’usage courant, se sont mis dans l’obligation de penser tout un ensemble de questions ayant trait à la vie économique, et en particulier à l’échange et au crédit. La fondation, à l’extrême fin du Moyen Âge des Monts-de-Piété, qui institutionnalisent, formalisent et consolident de très anciennes pratiques de prêts sur gage, tout en offrant des garanties au prêteur comme à l’emprunteur repose, par exemple, sur une pensée véritable de la richesse, de la pauvreté et de la nécessaire circulation des richesses dans un monde chrétien.
Une autre dimension est celle de l’économie de la charité ou de l’assistance, celles des institutions hospitalières en particulier, sur lesquelles des recherches d’histoire médiévale et moderne jettent des lumières nouvelles. Autour de ces institutions, s’articulent des phénomènes tels que les donations, les fondations de lits, les mises en apprentissage, le versement de rentes viagères, qui forment le socle d’une gestion hospitalière complexe, sujette aux oscillations des revenus disponibles, du nombre des pauvres secourus. Les administrateurs des hôpitaux apprennent à marier calcul et charité. Par ailleurs, les études sur la catégorie juridique des misérables, comme ceux privés de conseil et d’argent, façonnent une image des ayants droits à l’assistance judiciaire, celle des cités et des États, où les critères des ressources économiques s’estompent devant les définitions de la déchéance sociale, de la pauvreté « honteuse », méritant réparation. Ces conceptions extensives de la pauvreté comme privation d’accès aux moyens ordinaires, d’insuffisance plutôt que d’indigence, sont en résonance avec les avancées des spécialistes d’autres disciplines.
Aussi de telles journées doivent-elles nécessairement et résolument être pluridisciplinaires et c’est pourquoi nous convierons, comme en 2012, des économistes et des sociologues ou des anthropologues à venir nous faire part de leurs réflexions sur ces thèmes et à participer à la discussion.
D’autre part, les doctorants et chercheurs postdoctoraux seront associés sous la forme d’exposés qu’ils feront à partir d’un ouvrage classique d’histoire économique, en rapport ou non avec le sujet des journées, mais qui aura été particulièrement important dans la genèse de leur réflexion ; ou à partir de la présentation d’un fonds d’archives ou d’une source d’histoire économique qui a été au cœur de leur travail de doctorat (en rapport ou non avec le sujet des journées).

Responsables scientifiques

  • Katia BEGUIN (EHESS),
  • Simona CERUTTI (EHESS),
  • Laurent FELLER (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne/IUF),
  • Julie CLAUSTRE (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne),
  • Emmanuel HUERTAS (Université Toulouse 2-Le Mirail/CNRS).

Chercheurs participants

1. Eléonore Andrieu (Univ. Bordeaux 3)
2. Michela Barbot (CNRS – ENS Cachan)
3. Katia Béguin (EHESS – CRH)
4. Simona Cerutti (EHESS – CRH)
5. Julie Claustre (Univ. Paris 1 – Lamop)
6. Laurent Feller (Univ. Paris 1/IUF – Lamop)
7. Laurence Fontaine (CNRS – CMH)
8. Marina Garbellotti (Université de Vérone)
9. Agnès Gramain (Univ. Paris 1/ISST)
10. Emmanuel Huertas (Univ. Toulouse 2/CNRS – Framespa)
11. François Menant (ENS Ulm)
12. Pierre-Charles Pradier (Univ. Paris 1/Samm)
13. Giacomo Todeschini (Université de Trieste)
14. Massimo Vallerani (Université de Turin)

Planning prévisionnel

Le schéma général (provisoire) de l’organisation de l’école d’été se présente de la sorte :
Arrivée le jeudi 29 août au soir.

Journée 1 :  Vendredi 30 août

Matin
9 h 00- 9 h 30 La pauvreté au Moyen Âge : bilan historiographique
Laurent Feller (Univ. Paris 1/IUF – Lamop) ; Massimo Vallerani (Université de Turin)
9 h 30- 10 h 00 : La pauvreté à l’époque moderne : bilan historiographique
Katia Béguin (EHESS – CRH) ; Simona Cerutti (EHESS – CRH)
10 h 00 – 10 h 30 : Discussion
10 h 30 – 11 h 00 : pause café
11 h 00- 11 h 30 : La pauvreté : approche d’un économiste
Pierre-Charles Pradier (Univ. Paris 1/Samm)
11h 30 – 12 h 00 : La pauvreté : approche d’un sociologue
Laurence Fontaine (CNRS – CMH)
12 h 00 – 12 h 30 : Discussion
12 h 30- 14 h 00 : repas
Après-midi
14 h 00 – 15 h 30 : Les classiques de l’histoire économique / sources de l’histoire économique
Emmanuel Huertas (Univ. Toulouse 2/CNRS – Framespa)
15 h 30 – 16 h 00 : Discussion

Journée 2, samedi 31 août

Matin
Thème : Pauvreté et comportements économiques. Des savoirs tacites et des compétences partagées 
9 h 00- 9 h 30 : Approche d’un médiéviste
François Menant (ENS Ulm)
9 h 30 – 10 h 00 : Approche moderniste
Michela Barbot (CNRS – ENS Cachan)
10 h 00 – 10 h 30 : Discussion
10 h 30 – 11 h 00 : pause café
11 h 00- 11 h 30 : Approche d’un économiste
Agnès Gramain (Univ. Paris 1/ISST)
11 h 30- 12 h 00 : Approche anthropologique
Eléonore Andrieu (Univ. Bordeaux 3)
12 h 00 – 12 h 30 : Discussion
Après-midi
14 h 00 – 15 h 30 : Les classiques de l’histoire économique / sources de l’histoire économique
Julie Claustre (Univ. Paris 1 – Lamop)
15 h 30 – 16 h 00 : Discussion

Journée 3, dimanche 1er septembre

Matin
Thème : Pauvreté, spiritualité et charité
9 h 00- 9 h 30 : Approche d’un médiéviste
Giacomo Todeschini (Université de Trieste)
9 h 30 – 10 h 00 : Approche moderniste
Marina Garbellotti (Université de Vérone)
10 h 00 – 10 h 30 : Discussion
11 h 00- 13 h 00 : Table ronde conclusive
Départ

Conditions de participation

Lieu et date

Hyères (Var) du 30 au 1er sept. 2013 (arrivée le 29 août au soir – départ le 1er sept. à 14h)

Objectifs

La finalité des écoles d’été d’histoire économique de Hyères est d’assurer la circulation des problématiques et des informations bibliographiques entre modernistes et médiévistes, sur des thèmes d’histoire économique, tout en ouvrant les perspectives aux apports des spécialistes d’autres disciplines, économistes, sociologues, anthropologues, pour partager, confronter, élargir les méthodes d’analyse des uns et des autres. D’autre part, les doctorants et chercheurs postdoctoraux seront associés sous la forme d’exposés. Enfin, ces opérations devraient permettre d’institutionnaliser les liens existant entre différents établissements : Universités de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, de Toulouse 2 – Le Mirail et de l’ EHESS.

Modalités d'inscription

Des places sont disponibles pour les jeunes chercheurs en histoire économique médiévale et moderne : doctorants, post-doctorants, étudiants de M2.
Les langues de travail étant l’anglais et/ou le français, les candidats devront avoir une connaissance minimale des deux langues (l’expression orale se fera dans la langue de son choix).
Il sera demandé aux candidats une présentation orale qu’ils feront à partir d’un ouvrage classique d’histoire économique, en rapport ou non avec le sujet des journées, mais qui aura été particulièrement important dans la genèse de leur réflexion ; ou à partir de la présentation d’un fonds d’archives ou d’une source d’histoire économique qui a été au cœur de leur travail de doctorat (en rapport ou non avec le sujet des journées).

L’organisation prendra en charge l’intégralité du séjour sur place et les frais de déplacement à la hauteur de 200 euros max. (de France) ; 300 euros max. (de l’étranger).

Le nombre de places étant limité, les candidatures seront examinées par un comité de sélection. Le dossier (en anglais ou en français) comprendra :
  • Un curriculum vitae détaillé
  • Une présentation (2 pages) des sources de la thèse ou d’un ouvrage classique d’histoire économique

Les candidatures sont à envoyer avant le 15 avril (réponse le 1er mai) à :

Emmanuel Huertas (Univ. Toulouse 2/CNRS) : emmanuel.huertas@univ-tlse2.fr

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