En finir avec la révolution scientifique. Génération spontanée et démarche expérimentale au XVIIe siècle
Conférence de Pascal Duris, professeur en épistémologie et histoire des sciences, université Bordeaux 1.6 mars 2013 14 h 00
POITIERS (86) | Amphi A - bât B8 Sciences naturelles, campus de l'université de Poitiers
40 av. Recteur Pineau, 86000 POITIERS, FRANCE
En 1668, le naturaliste italien Francesco Redi montre
expérimentalement que les insectes ne naissent pas par génération
spontanée contrairement à ce qu’on affirmait depuis l’époque d’Aristote.
Beaucoup d’historiens des sciences voient dans ce résultat une avancée
« décisive » participant d’une révolution scientifique en cours au XVIIe
siècle. Or, il n’en est rien. Si Redi adopte sans s’en glorifier les
méthodes de la science moderne, il n’y a chez lui nulle velléité de
rupture avec quiconque, d’appel à faire table rase comme on trouve chez
Descartes. Comme tous les médecins et naturalistes de l’âge classique
(Harvey, Borelli, Swammerdam, etc.), Redi conteste sans arrogance le
savoir et l’autorité des anciens, questionne respectueusement la
littéralité des Écritures, et met en œuvre des raisonnements et des
argumentations bien différents de ceux qui prévaudront avec Claude
Bernard au milieu du XIXe siècle. Les contradicteurs de Redi, comme le
père jésuite Athanasius Kircher, qui assure pouvoir faire naître des
mouches ou des serpents de diverses matières, sont autant pris au
sérieux que lui. La question de la génération spontanée, posée de
nouveau au XVIIIe siècle après la découverte des infusoires, et encore
au siècle suivant après celle des microbes, est de celles qui présente
d’insurmontables difficultés aux partisans d’une histoire discontinuiste
des sciences. Et si l’histoire des sciences du vivant se montre rebelle
au paradigme de la révolution scientifique et aux ruptures
épistémologiques, pourquoi en serait-il différemment de l’histoire des
autres sciences ?
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