lundi 16 juillet 2012

Le laboratoire de génétique évolutive et de biométrie


– Colloque d’Histoire des Sciences –
Le laboratoire de génétique évolutive et de biométrie de Gif-sur-Yvette : De part et d'autre de l'oeuvre de
Georges Teissier

Organisateurs : Université Paris – Sud, CNRS, Laboratoire Evolution, Génomes et Spéciation (LEGS, CNRS, Gif-sur-Yvette) Groupe d’Histoire et de Diffusion des Sciences (GHDSO, Paris 11, Orsay), Centre Francois Viète (Université de Nantes)

Date : mardi 18 septembre 2012, Inscription gratuite mais obligatoire : http://www.legs.cnrs-gif.fr/colloque_Tessier_2012.php

Lieu : Bibliothèque, LEGS, CNRS, avenue de la Terrasse, 91198 Gif-sur-Yvette

Contact : Laurent Loison, laurentloison@yahoo.fr, Yves Carton, carton@legs.cnrs-gif.fr

Argument

L’année 1900 marqua la « redécouverte » des lois de Mendel, et le début du développement de la génétique. Très rapidement, cette nouvelle discipline allait connaître un essor important dans la plupart des pays occidentaux. La France représente de ce point de vue une remarquable exception, puisqu’il fallut attendre 1946 pour que soit créée (contre l’avis des biologistes) la première chaire universitaire de génétique, à la Sorbonne. Le destin particulier de cette discipline au sein de la biologie française a déjà donné lieu à un certain nombre de travaux, notamment ceux conduits par Jean Gayon et Richard Burian.
La présente journée vise à prolonger ces recherches, en prenant pour objet d’étude l’un des trois premiers laboratoires de génétique mis sur pied au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, le « Laboratoire de génétique évolutive et de biométrie » de Gif-sur-Yvette. Celui-ci fut créé en 1951, et sa direction confiée à
Georges Teissier (1900-1972), alors professeur de zoologie à la Sorbonne et qui, de 1946 à 1950, avait également dirigé le CNRS. L’objectif de cette journée est double.
Dans un premier temps, il s’agira de comprendre comment, en elle-même, l’oeuvre scientifique de Teissier a participé au revirement d’une certaine tradition zoologique franç aise (qu’incarnait par exemple son maitre et prédécesseur à la Sorbonne, Charles Pérez (1873-1952)). Pour cela, ses travaux seront analysés, à la fois dans le contexte de la zoologie de l’époque, mais aussi dans la perspective du développement de la génétique des populations, auxquels ils contribuèrent pour une part importante.
Dans un second temps, ce sera la question de sa descendance intellectuelle qui sera posée, et notamment celle qui put prendre place au sein du laboratoire de génétique évolutive et de biométrie. Il s’agira alors de comprendre comment Teissier entendait – ou non – faire école et quelles furent, après lui, les caractéristiques des recherches conduites à Gif. La nomination en 1964 de Charles Bocquet comme professeur à la faculté des sciences de Paris (en 1967, il obtiendra la chaire d'Evolution des Etres organisés) semble en effet marquer le véritable développement des recherches en génétique des populations au sein de ce laboratoire (avec les Jaera et la drosophile comme matériel d'étude). Il sera intéressant, finalement, de s'interroger sur le lien éventuel entre cette histoire complexe et l’actualité des travaux qui y prennent place.
Enfin, ce colloque se veut l’inauguration d’un programme de recherche plus vaste, visant à comprendre  l’histoire de la géneìtique telle qu’elle s’est construite à Gif-sur- Yvette puis à l’Université d’Orsay au cours de la seconde moitié du XXe siècle.

PROGRAMME DU COLLOQUE

Première partie : L’oeuvre scientifique de Teissier, contexte et importance

9h30 Ouverture de la journée par Laurent Loison, organisateur du colloque

10h00 Laurent Loison (CFV, Université de Nantes) : Teissier et la zoologie
française

11h00 Jean David (LEGS, CNRS) : L'oeuvre génétique et biométrique de Teissier

12h00 Pause déjeuner

Deuxième partie : Postérités et développement du laboratoire de génétique

évolutive

14h00 Jean Gayon (IHPST, Université Paris 1) : L’ « école » Teissier

15h00 Yves Carton (LEGS, CNRS) : L'oeuvre de Charles Bocquet (1918-1977),
Directeur du laboratoire de 1965 à 1977

16h00 Pause café

16h30 Pierre Capy (LEGS, Université Paris 11) : Histoire contemporaine du LEGS

17h30 Table ronde et conclusion de la journée

Résumés des communications 

Teissier et la zoologie française (Laurent Loison)

Parmi les scientifiques qui contribuèrent au renouveau de la biologie en France après la Seconde guerre mondiale, certains, comme Jacques Monod, se posèrent explicitement en opposition avec la zoologie traditionnelle telle qu’elle s’était construite au cours du XIXe siècle et telle qu’elle continuait d’être pratiquée
durant l’entre-deux-guerres. D’autres, au contraire, persistèrent à inscrire tout ou partie de leur activité dans le prolongement de cette tradition de « zoologie générale ». C’est à cette seconde catégorie qu’appartient Georges Teissier (1900- 1972). De son oeuvre, on ne retient souvent que la partie consacrée à la génétique des populations. Il fut en effet avec Philippe L’Héritier le premier en France à saisir l’importance de cette nouvelle discipline dans la perspective d’une étude expérimentale de l’’évolution des espèces. Cependant, Teissier se considérait lui-même avant tout comme zoologiste. C’est dans le cadre de travaux de zoologie marine classiques qu’il fit ses premières armes, et Teissier demeura toujours très respectueux de la tradition zoologique qu’incarnait par exemple son maître et prédécesseur à la Sorbonne, Charles Pérez. L’objectif de cette communication est double. Dans un premier temps, il s’agira de décrire certaines des premières recherches de Teissier concernant la zoologie et l’embryologie des hydraires, afin de comprendre comment il entendait luimême participer à la réalisation du projet de zoologie générale que le XIXe siècle avait fait naître. Dans le cadre de la science française, une telle tradition fut souvent à la racine de différentes formes de néolamarckismes. Ceci nous permettra ensuite de questionner d’éventuels rapports entre cette tradition et sa façon – de prime abord classiquement néodarwinienne – de concevoir les mécanismes de l’évolution des
espèces.

L’ oeuvre génétique et biométrique de Teissier (Jean David et Yves Carton)
L’ oeuvre scientifique de Georges Teissier se répartit selon trois thématiques qui ont reçu pratiquement la même attention : des études morphologiques et anatomiques sur le développement des hydrozoaires marins, des recherches sur la génétique expérimentale des populations et enfin des travaux sur les variations de la
forme des organismes au cours de leur développement, ce que l’on désigne maintenant par les termes de biométrie et d’allométrie. Les travaux de zoologie sur les hydraires sont présentés par Laurent Loison. Les recherches de génétique des populations ont déjà fait l’objet d’excellentes revues et nous apporterons seulement quelques compléments. L’essentiel de l’exposé sera consacré aux études de biométrie et d’allométrie, qui furent d’ailleurs le sujet de la thèse de Georges Teissier. Celui-ci, très intéressé à la fois par la zoologie et certains aspects mathématiques des sciences naturelles, a étudié les variations de nombreux caractères au cours de la croissance de divers Arthropodes, Insectes et Crustacés. Il a ainsi mis au point
des méthodes d’étude et montré que la croissance n’était pas forcément uniforme, mais qu’elle pouvait varier au cours du temps selon des règles précises dont il importait de rechercher les bases biologiques. Il a aussi montré que l’allométrie ne se bornait pas à l’étude de la variation d’un organe en fonction de la taille corporelle et qu’il était possible et intéressant d’étudier les variations conjointes de deux caractères, ce qui pouvait faciliter la recherche d’une causalité. Les travaux de biométrie et d’allométrie restent toujours d’actualité dans le monde scientifique, même si l’oeuvre de pionnier de Georges Teissier est parfois oubliée.

L’oeuvre de Charles Bocquet, directeur du laboratoire de génétique évolutive et biométrie de 1965 à 1977 (Yves Carton)
Charles Bocquet a eu un parcours universitaire riche et construit : Ecole Normale Supérieure d’Ulm (1938-1943), Chef de travaux à Roscoff (1945-1954), Professeur, Université de Caen (1954-1964), Professeur sans chaire, Université de Paris (Octobre 1964), Directeur du Laboratoire de Génétique Evolutive et Biométrie du CNRS, Gif sur Yvette (Janvier 1965) et Directeur du Laboratoire d’Evolution des
Etres organisés, Paris (Octobre 1967). C’est au cours de ses neuf années à Roscoff qu’il va concevoir l’essentiel de ses thèmes de recherches (en découvrant dans la faune marine le matériel d’étude le plus approprié) et formuler ses conceptions sur la notion d’espèce et ses capacités évolutives. Ses divers centres d’intérêt scientifique ont été les suivants :
- La systématique évolutive et la génétique des populations, avec les Jaera et Sphaeroma (isopodes) comme matériel d’étude.
- Le polychromatisme génétique, avec les Tisbe (copépodes) comme matériel d’étude.
- Les aspects évolutifs de la spécificité parasitaire, avec les copépodes parasites comme matériel d’étude.
Son installation à Gif en 1965 lui fait découvrir un laboratoire assez dégarni en chercheurs et dont certains thèmes de recherches ne correspondent pas à l’objectif fixé au laboratoire par le CNRS. Ce sera souvent une source de vives critiques par le Comité de Direction et la Direction du CNRS. Un retour en arrière, sur les années 50, permet de mieux comprendre comment on est arrivé à une telle situation. C. Bocquet s’appliquera donc à développer les thèmes qui lui sont chers, en particulier sur la biologie évolutive des Jaera pour lequel il recrutera trois chercheurs. Il prendra vite conscience que ce laboratoire avait toutefois une vocation première pour la génétique évolutive des drosophiles, matériel qu’il connaissait mal. La présence au laboratoire de L. Tsacas et du Professeur J. David à partir de 1970, l’aidera à redévelopper les recherches sur la biologie des populations africaines de drosophiles. Deux chercheurs seront recrutés dans ce domaine.
Son décès prématuré en 1977 laisse un laboratoire en convalescence. L’appui fort de la Commission de Biologie Animale (ce qui n’était pas le cas de la Commission d’Ecologie) convaincra la Direction du CNRS de nommer un Directeur (J. David) et de lui fournir au cours des années futures les moyens de développer les recherches sur la drosophile. La découverte de cinq espèces jumelles, nouvelles dans le sous-groupe melanogaster (huit au total) restera le matériel phare du laboratoire, groupe d’espèces sur lequel s’appuieront les recherches du laboratoire pendant plusieurs années avant de se diversifier.

Histoire contemporaine du LEGS (Pierre Capy)
A la fin des années 70 et au début des années 80, le laboratoire, intitulé « Biologie et Génétique Evolutives » est sous la direction de Jean David (direction par intérim de 1977 à 1979 suite à la disparition prématurée de Charles Bocquet, puis directeur en titre de1979 à 1993) . Il va opérer une série de transformations plus
ou moins imposées, notamment par la nécessité de sa survie. Au delà de la poursuite de son ouverture à l’internationale à travers de multiples collaborations et de sa production scientifique, il participe activement à la structuration de la communauté nationale autour des thématiques de la biologie et de la génétique des
populations et il doit se positionner au sein de cette communauté. Les initiatives prises à cette époque, avec d’autres laboratoires, notamment à Montpellier, Lyon et Tours, ont permis la structuration d’une communauté, aujourd’hui internationalement reconnue. Une autre transformation majeure de cette époque a été le recentrage des travaux de l’unité sur un modèle unique, la drosophile. A la suite de cette évolution rapide, le laboratoire a poursuivi une trajectoire naturelle, l’amenant vers la génétique moléculaire des populations sous la direction de Marie-Louise Cariou (laboratoire Populations, Génétique, Evolution), puis vers la génomique et la transcriptomique avec Pierre Capy (laboratoire Evolution, génomes et Spéciation). Ces dernières évolutions se sont accompagnées d’une ouverture vers de nouveaux modèles biologiques avec un changement du fond permettant logiquement de passer d’un stade plus descriptif (étude des patterns) à la
compréhension des mécanismes (étude des processus). En parallèle, les aspects biodiversité ont été développés et les domaines « Evo-Devo » et « comportement » ont pris leur essor. Actuellement, l’unité vit une nouvelle mutation dans le cadre de la restructuration de la biologie dans le cadre de la future Université Paris Saclay. Une Fédération de Recherche, centrée sur la Biodiversité, l’Ecologie et l’Evolution, regroupant 4 unités localisée sur Gif/Yvette et Orsay, a vu le jour en 2010. Si les projets en cours vont jusqu’au bout, cela devrait conduire à un regroupement géographique de ces unités sur le plateau du Moulon au sein de l’Institut Diversité, Ecologie et Evolution du Vivant.

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