Face à la douleur. Médecins, chercheurs et patients, 16e-21e siècle
Colloque du Comité pour l’histoire de l’Inserm
7 juin 2023
Amphithéâtre Molinié, Maison de la Recherche, Sorbonne Université
28 rue Serpente - Paris 6°
Pour John Bonica, reconnu comme l’un des pionniers de la médecine de la douleur, le soulagement de la douleur est la raison première de l’avènement du shaman, du guérisseur, puis du médecin et de tous les professionnels de santé. Dès les années 1950, ce médecin anesthésiste, professeur à l’Université de Washington à Seattle, considéra que la douleur était plus qu’un signal biologique alertant le patient d’un dysfonctionnement ou d’une pathologie. Il fallait considérer de nouveaux domaines, en particulier la douleur chronique[1].
Encore au tournant des années 1970-1980, on déplorait le retard accusé dans le domaine de la douleur comme champ de recherche biomédicale, alors que précisément les avancées en neurologie et biochimie promettaient une meilleure compréhension de ses mécanismes[2]. Toutefois, les réseaux scientifiques se structuraient. Fondée en 1974, l’International Association for the Study of Pain, réunion internationale et multidisciplinaire d’experts, proposa une définition de la douleur qui, régulièrement révisée, fit progressivement consensus auprès des autorités sanitaires : « la douleur est une expérience sensorielle ou émotionnelle désagréable, associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle ou décrite dans ces termes ». La douleur est ainsi subjective, elle relève des sens et de l’émotion.
La douleur est également devenue un objet d’histoire. Dans son ouvrage de référence, Roselyne Rey appréhende la douleur comme étant « par nature double, au croisement du biologique et du culturel ou du social »[3]. L’approche historienne de la douleur s’est affirmée plurielle. Inscrite dans le sillage de l’histoire des mentalités et des sensibilités, elle renseigne aussi l’histoire de la santé publique (Isabelle Baszanger[4]) et plus largement l’histoire politique (Keith Wailoo[5]). La douleur est au cœur du colloque singulier entre le médecin et le patient. Joanna Bourke propose alors d’appréhender la douleur comme une relation entre des processus physiologiques en négociation permanente avec des mondes sociaux. « In other words, pain is what people in the past said was painful » écrit-elle[6]. Les travaux récents renforcent cette approche culturelle (Raphaële Andrault, Ariane Bayle[7], Javier Moscoso[8]). Mais l’approche matérielle est encore trop peu approfondie : protocoles de mesure, techniques et produits visant à réduire la douleur devraient faire l’objet de nouvelles recherches en histoire. En la matière, la présente épidémie des opiacés peut profiter d’un éclairage historique sur les prescriptions des antidouleurs.
Le prochain colloque organisé par le Comité pour l’histoire de l’Inserm en collaboration avec Didier Bouhassira, neurologue spécialiste de la douleur, Inserm U987, en partenariat avec l’UMR SIRICE et Sorbonne Université, propose d’entrer dans cette histoire par la rencontre entre historiens, témoins et acteurs engagés dans la lutte et la recherche contre la douleur.
Le colloque éclairera trois pans principaux de l’histoire de la douleur en lien avec les évolutions de la recherche : 1) la construction de la médecine de la douleur 2) Les voies multiples de la prise en charge de la douleur 3) médecins et patients face à la douleur.
[1] John Bonica. Introduction, in Pain. New York, Raven Press, 1980.
[2] P. D. Wall. Editorial. Pain, 1975, n° 1: 1-2.
[3] Roselyne Rey. Histoire de la douleur, Éditions de la découverte, 2011, [1ère éd. 1993] : 5-13.
[4] Isabelle Baszanger. Douleur et médecine, la fin d’un oubli. Paris, Éditions du Seuil, 1995.
[5] Keith Wailoo. Pain: A Political History. Baltimore, Johns Hopkins University Press, 2014.
[6] Bourke, Joanna. The Story of Pain: From Prayer to Painkillers. Oxford, OUP, 2014 : 9.
[7] Raphaële Andrault, Ariane Bayle dir. La douleur de l’Autre, xvi-xviie siècle. Histoire, médecine et santé, n° 21, printemps 2022.
[8] Javier Moscoso. Histoire de la douleur. París, Les prairies ordinaires, 2015, trad. [1ère éd. 2011].
9h Ouverture
Olivier Forcade, Professeur Lettres-Sorbonne Université, directeur de la Maison de la Recherche et directeur-adjoint de l’UMR Sirice
Étienne Hirsch, Directeur de l’ITMO Neurosciences, Aviesan
Introduction
Pascal Griset, Professeur Lettres-Sorbonne Université, Président du Comité pour l’histoire de l’Inserm
9h20 Partie 1 : Structurer une « médecine de la douleur »
Présidence de session Michel Hamon, directeur de recherche honoraire à l'INSERM, Professeur émérite honoraire de neuropharmacologie à Sorbonne Université, membre correspondant de l'Académie nationale de médecine
Alain Serrie, chef de service de médecine de la douleur à l’Hôpital Lariboisière, Paris, membre de l’Académie nationale de médecine et président-fondateur de l’ONG Douleurs sans frontières : le premier plan gouvernemental de lutte contre la douleur dans le cabinet de Bernard Kouchner »
Serge Perrot, PU-PH, Université de Paris Cité, Inserm U987 : « Les enjeux de l’enseignement de la médecine de la douleur, les années 2000 »
Radhouane Dallel, Professeur des Universités, Praticien-Hospitalier, Université Clermont Auvergne/CHU Clermont-Ferrand, Inserm U1107 : « Organisation de la recherche sur la douleur à l’Inserm depuis les années 1970 »
10h30 Pause
10h50 Partie 2 : Agir contre la douleur : diversité des approches et des pratiques
Présidence de session : Guy Simmonet, Professeur émérite, Université de Bordeaux, INCIA CNRS, UMR 5287
Marguerite Zimmer, chirurgien-dentiste retraitée, Faculté de chirurgie dentaire de Strasbourg : « Perfectionnements apportés à l’anesthésie chirurgicale grâce aux brevets d’invention (xixe siècle) »
Daniel Annequin, psychiatre, médecin de la douleur, anesthésiste, hôpital Trousseau, AP-HP : « Mon mentor, Stanislas Tomkiewicz (1925-2003), directeur de recherche INSERM »
Luis Garcia-Larrea, Centre for Neuroscience & Neurological Hospital Pain Centre Inserm U1028, Université Claude-Bernard, Lyon : « La douleur et son cerveau : de la nociception à la compassion »
Nicolas Authier, Université Clermont Auvergne, Inserm 1107 - Neuro Dol, CHU Clermont-Ferrand, Fondation Institut Analgesia : « Trajectoire de recherches sur la douleur : de la modélisation animale à la santé numérique »
12h30 Pause déjeuner
14h Partie 3 : Quels risques entre analgésie et addiction ?
Présidence de session : Muriel Le Roux, historienne au CNRS, directrice adjointe de l’Institut d’histoire moderne et contemporaine, CNRS, ENS, Panthéon Sorbonne, membre du Comité pour l’histoire de l’Inserm
Nadine Attal, UVSQ, Inserm U987, Hôpital Ambroise-Paré : « La recherche pharmacologique dans la prise en charge de la douleur, xix-xxie siècle »
Zoé Dubus, docteure en histoire, Aix-Marseille Université : « “Donner de la morphine est une cruauté”. Médecins français et morphinophobie au xxe siècle »
Jean Costentin, Professeur émérite de l’Université de Rouen, « Recherches contemporaines sur l’analgésie : des progrès importants sur les connaissances des médiateurs et de leurs mécanismes dans l’analgésie, mais pas de révolution depuis la morphine »
15h Pause
15h50 Partie 4 : Le rôle essentiel de la relation médecin-patient
Présidence session : Dominique Donnet-Kamel, ancienne responsable de la mission Associations de malades, Inserm, membre du Comité pour l’histoire de l’Inserm
Raphaële Andrault, CNRS ENS Lyon, « Le médecin de l’époque moderne face à la douleur : les mots du patient »
Marilène Vuille, docteure en sciences de la société, Institut des Humanités en médecine, Université de Lausanne : « Interpréter et traiter la douleur de l’accouchement, xix-xxe siècle »
Joséphine Eberhardt, docteure en sociologie, Cermes3 : « “J’ai mal docteur”. Déchiffrer et soigner la douleur en médecine générale »
Fanny Parent, Université de Fribourg, Laboratoire des Sciences Sociales du Politique de Toulouse : « Prendre en charge la douleur : une voie de légitimation pour les pratiques médicales de l’acupuncture en France ? »
Carole Robert, présidente de Fibromyalgie France : « 1998-2023 : du patient diagnostiqué au patient expert ».
17h30 Discours de clôture
Didier Bouhassira, neurologue, directeur de recherche à I’INSERM, U987 « Physiopathologie et pharmacologie clinique de la douleur ».
18h Fin du colloque
Inscription libre, sur réservation, dans la limite des places disponible. Remplir le formulaire en ligne
https://framaforms.org/colloque-face-a-la-douleur-medecins-chercheurs-et-patients-16-21e-sieclepublic-1682096467
Contact : Céline Paillette, secrétaire scientifique : celine.paillette@ext.inserm.fr
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire