Les exhumations, transferts et réinhumations de cadavres dans la France de la Libération
Appel à communications
Journée d’étude
Date : 25 novembre 2022
Lieu : Sciences Po Aix
Organisateurs : Jean-Marc Dreyfus (Université de Manchester, Royaume-Uni), Taline Garibian (Université de Genève, Suisse), Benoît Pouget (Sciences Po Aix)
Un récent ‘tournant forensique’ dans l’étude des violences de masse, génocides et conflits armés s’est fait jour, particulièrement en histoire et en anthropologie. Il considère le cadavre en nombre comme un objet de recherche. Ce nouveau paradigme permet de mettre à jour des événements historiques demeurés jusqu’ici des angles morts de la recherche et de l’historiographie, et de faire émerger de nouveaux questionnements et de nouvelles méthodologies. Ainsi, les recherches sur le traitement des corps des soldats après la Première Guerre mondiale a connu un renouvellement certain, en particulier avec les travaux de Beatrix Pau, de Stéphane Tison (parmi bien d’autres) et plus récemment de Taline Garibian et Benoît Pouget. Or, sur cette question de la recherche des corps et de leurs transferts, il n’existe aucune recherche pour la période de l’après-Seconde Guerre mondiale en France. Dès la Libération, la recherche des corps des disparus fut entreprise avec zèle. Les exhumations eurent lieu parfois quelques jours seulement après la libération d’un territoire, signe que celles-ci étaient une préoccupation majeure des Français à ce moment-là. Cette urgence même à localiser les corps interroge. En janvier 1945, le ministère des Anciens combattants et victimes de la guerre estimait que 70 000 cadavres restaient à exhumer. Les exhumations se poursuivirent au moins jusqu’au milieu des années 1950. Les pratiques furent loin d’être unifiées et ces exhumations témoignent des mutations qui s’opèrent dans la gestion de la mort de masse et les enjeux politiques qui l’entourent. Ainsi, les exhumations des corps relevaient de différentes catégories : des juifs morts à Drancy avant leur déportation et enterrés dans les cimetières parisiens (étudiés par Johanna Lehr dans des récentes recherches), jusqu’aux victimes des bombardements enterrés tout d’abord dans des tombes collectives. Les exhumations des corps des résistants disparus dans la nuit de l’occupation mais assassinés en France même, ceux des combattants FFI tombés lors des combats de la Libération ont connu une certaine visibilité, devenant des événements publics, largement photographiés, parfois même filmés pour les actualités cinématographiques. Ce fut le cas par exemple de l’exhumation des résistants fusillés au Fort de Vincennes. Pour connaître les trajets de ces cadavres de résistants, un outil précieux et indispensable est le Maitron des fusillés, accessible en ligne et qui compte 29 500 entrées (https://fusilles-40-44.maitron.fr/).
Cette journée d’étude entend considérer ces exhumations, mais aussi ces transferts et réinhumations de corps, dans une pluralité de dimensions.
Il s’agit de chercher à comprendre en quoi elles sont sous-tendues par des logiques qui articulent enjeux sociaux et politiques. La signification politique sera interrogée en priorité, dans le cadre du rétablissement de la légalité républicaine. En quoi ces opérations sur les cadavres et restes humains ont-ils été un élément de la transition politique entre la dictature de Vichy et la République restaurée ? Les présentations devront considérer des échelles différentes, le niveau local étant prédominant, au moins dans les premiers mois de la Libération, avec un effort d’homogénéisation, de reprise du contrôle par l’État central – par les organismes policiers, médicaux et judiciaires. La temporalité pour appréhender ces événements sera aussi variable : des exhumations eurent lieu immédiatement après la libération d’un territoire ; d’autres plus de dix ans plus tard. La journée d’étude voudra considérer aussi la mise en œuvre pratique de ces immenses efforts d’exhumation, d’identification et de réinhumation.
La question des agents des exhumations attirera toute notre attention. Qui a été à l’initiative de ces opérations ? Qui les a contrôlées ? Quels moyens ont été mis en œuvre ? Les agents étatiques traditionnellement en charge du traitement des cadavres des morts violentes ont-ils joué un rôle (magistrats, policiers, médecins légistes) ? Peut-on décrire des spécificités régionales dans les entreprises autour des cadavres ? Quel fut le jeu des différents acteurs entre eux, voir la concurrence qui a pu émerger ? Quelles ont été les destinations de ces corps retrouvés ?
Le comité scientifique du colloque accueille des propositions de communication sur tous ces thèmes. Elles pourront par exemple traiter des questions suivantes :
- Le rôle des administrations françaises dans la recherche des corps
- Le rôle des résistants individuels et des organisations de Résistance, des comités de libération
- Les spécificités des exhumations de la Libération par rapport à celles d’autres épisodes de l’histoire de France (comme les révolutions du XIXème siècle, la Commune ou la Première Guerre mondiale)
- Les techniques de médecine légale utilisées pour l’identification des cadavres
- Un cas spécifique d’exhumation
- Le développement d’une culture visuelle autour de ces exhumations et transferts de corps
- Les utilisations politiques, voire partisanes, des exhumations
- La construction de monuments, l’apposition de plaques, en souvenir de ces exhumations et transferts
- Les productions culturelles et mémorielles autour des exhumations.
Le comité scientifique recevra un résumé de la présentation d’une longueur maximale de 300 mots, accompagné d’un résumé biographique de 250 mots.
Les propositions devront être envoyées à l’adresse suivante : jean-marc.dreyfus@manchester.ac.uk
Date limite d’envoi : 15 mai 2022
Comité scientifique : Claire Andrieu (Sciences Po Paris), Elisabeth Anstett (CNRS – ADES), Walter Bruyère-Ostells (Service historique de la Défense – Sciences Po Aix), Caroline Fournet (Université d’Exeter), Judith Lyon-Caen (EHESS – CRH – GRIHL), Benoît Pouget (Sciences Po Aix) Taline Garibian (Université de Genève), Roderick Bailey (Université d’Oxford).
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