Conférence d'Alexandre Klein (Université d’Ottawa)
Organisée par le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec
19 janvier 2022
10h-11h30
Zoom
Inscription obligatoire : https://forms.gle/63wm8nykpdGpQWSx5
« Une Révolution tranquille au chapitre de la psychiatrie ». C’est ainsi que les artisans de la première politique de désinstitutionnalisation psychiatrique québécoise décrivirent, dès 1964, leur œuvre alors en cours de réalisation. Il faut dire que leurs intentions étaient pour le moins ambitieuses : ils souhaitaient mettre fin à un système de santé mentale entièrement construit, depuis près d’un siècle, autour de l’asile et des congrégations religieuses qui l’administraient pour le réorganiser autour de la communauté et des psychiatres. Cela voulait dire ouvrir les portes des institutions, transformer leur financement, nationaliser leur gestion, fermer des lits, arrêter la construction de nouveaux établissements, créer des cliniques dans les hôpitaux généraux, ouvrir des foyers d’accueil dans les villes, former des psychiatres, des psychologues et des travailleuses sociales, oublier les religieuses et les traitements de choc pour favoriser les approches dynamiques et humanistes. Bref, sortir les malades de ces institutions que le sociologue Erving Goffman décrivait alors comme des institutions totales, pour ne pas dire totalitaires.
Tel était le rêve de la désinstitutionnalisation et des psychiatres dit modernistes qui la soutinrent au début des années 1960 au Québec. Pourtant, dans les faits, rien ne fonctionna comme prévu. De nouveaux hôpitaux furent construits, des salles « en arrière » conservées et des approches thérapeutiques poursuivies. Loin de la désinstitutionnalisation rêvée, on assista au contraire à une désorganisation du système de santé mentale conduisant à une institutionnalisation nouvelle, plurielle et désarticulée, au sein de laquelle les patient.es en perte de repères ne pouvaient plus qu’errer, victimes d’un syndrome de la porte tournante de plus en plus incontournable. C’est ce dont témoignent notamment les parcours de Claude, Bernard, Monique, Marie, ou Raymond reconstitués par Hubert Larose-Dutil à partir des archives de l’hôpital Saint-Michel-Archange de Beauport ou encore ceux de Pauline, Irène ou Estelle étudiés par les historiennes Marie-Claude Thifault et Sandra Harrisson à l’Hôpital Montfort d’Ottawa. Pas de désinstitutionnalisation en vue, mais des parcours transinstitutionnels chaotiques et délétères pour leur rétablissement.
C’est sur ce mythe de la désinstitutionnalisation psychiatrique, soutenu et poursuivi au Québec par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (1971), la Politique de santé mentale (1989), puis les Orientations pour la transformation des services de santé mentale (1997), mais aussi par une première génération d’historien.nes de la psychiatrie, que je souhaite revenir au cours de cette conférence afin d’interroger les modèles historiques caricaturaux autour desquels s’est construite notre conception de la prise en charge de la santé mentale ; conception dont il faut aujourd’hui se déprendre si l’on souhaite réellement améliorer le sort et l’accompagnement de celles et ceux, plus nombreux chaque jour, qui vivent (avec) des troubles de santé mentale.
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