Enfanter : pratiques et discoursAppel à communications Cycle de trois journées d’étude
Janvier-mai-juin 2022, Lyon
Nous accueillons avec intérêt des propositions de communication émanant :
- des sciences sociales dans leur diversité (sociologie, histoire, anthropologie, psychologie, étude des sciences et des techniques, économie, droit, philosophie…) ;
- des professionnel-les du secteur de la santé (médecine, maïeutique, santé publique…) ;
- d’actrices-eurs associatives-ifs ou militant-es dans le champs de la santé, la périnatalité et la parentalité.
Les travaux suivants, achevés ou en cours, sont les bienvenus : thèse de troisième cycle, thèse d’exercice en médecine, mémoires de master, mémoires de fin d’étude en maïeutique, etc.
Les journées auront lieu en présentiel à Lyon (lieux à définir), mais basculeront en visioconférence en cas de crise sanitaire. Les dates exactes des journées seront communiquées début octobre 2021.
L’objet : de l’accouchement à l’enfantement En France, depuis que l’accouchement est devenu un événement hospitalier, à partir de la moitié du XXe siècle, les travaux en sciences humaines et sociales (Oakley, 1980 ; Sargent et Stark, 1989 ; Carricaburu, 1994 ; Jacques, 2007 ; Knibiehler, 2016 ; Morel, 2016) se sont principalement intéressés à sa médicalisation, sous l’angle de la prise de pouvoir des médecins sur les corps des femmes. Tout en reconnaissant notre dette envers ces recherches, nous proposons d’élargir cette approche médico-centrée sur l’accouchement en interrogeant l’enfantement dans ses multiples dimensions. Nous préférons « enfantement » à « accouchement » qui, d’un terme actif (accoucher), est devenu passif (« être accouchée » par), désignant l’action des obstétricien-nes (ob-stare, ceux qui se tiennent debout et regardent la femme couchée) (St-Aman, 2015).
En passant de l’analyse de l’accouchement à celle de l’enfantement, il s’agit aussi d’étendre l'objet de l’étude en ouvrant son espace-temps au-delà de l’hôpital et du moment de la naissance. Appréhender l’enfantement, c’est également s’intéresser à la naissance comme « un processus qui va de la maturation d’un projet, aux premiers mois de la vie de l’enfant » (Charrier et Clavandier, 2015 : 11). Nous proposons deux niveaux d’analyse, celui des pratiques et celui des discours.
Les pratiques liées à l’enfantement recouvrent le suivi (ou non) des recommandations médicales, les pratiques ordinaires de grossesses (Han, 2013), le rapport aux objets techniques et technologies médicales, les échanges d'expériences via les réseaux sociaux et groupes d'échanges, etc. Les discours sur l’enfantement renvoient aux « structure[s] d’énoncés, de termes, de catégories et de croyances qui [sont] historiquement, socialement et institutionnellement spécifique[s] », ils sont « contenu[s] ou exprimé[s] dans des organisations et des institutions aussi bien que dans des mots » (Scott, 1994 : 284). Dans cette perspective, les discours peuvent être véhiculés par des textes mais aussi par d’autres supports comme des images fixes ou animées, des sons, etc. Les discours peuvent concerner, à l’échelle individuelle, les expériences, les attentes, le corps, les douleurs, les relations de soin, le devenir parent, etc. À un niveau collectif, certains discours peuvent véhiculer des injonctions envers les femmes ou les parents (injonctions sanitaires, morales, marchandes…), d’autres, sur le plan politique, peuvent revendiquer l’émancipation des femmes de la domination obstétricale (Cascales et Négrier, 2018).
L’approche : penser l’enfantement au prisme des inégalités sociales Nous proposons, au fil de ces trois journées d’études, d’interroger les différenciations sociales et les rapports de pouvoir autour de l’enfantement. Les analyses en termes de médicalisation de la grossesse et de l’accouchement ont souvent mis en exergue une opposition ou une tension entre les femmes et les médecins ou l’institution médicale – souvent traité-es comme des entités cohérentes (Akrich et Pasveer, 1996; Oakley, 1980). Par ailleurs, des études épidémiologiques ont mis en lumière des disparités entre femmes (selon les revenus, la nationalité par exemple) sans pour autant les penser comme des manifestations de rapports de domination (Vilain et Scheidegger, 2007).
Notre approche s’inscrit dans les travaux récents sur le « travail procréatif », expression qui « permet d’étudier l’enchevêtrement entre les sphères domestiques et le système reconnu comme productif sans se limiter pour autant au “travail ménager” » (Mathieu et Ruault, 2017 : 14). Il s’agit de remettre en question le caractère supposément « naturel » ou « instinctif » de la procréation et d’interroger l’enfantement comme un ensemble d’actions et de préoccupations.
Nous proposons de mettre à l’épreuve l'opposition binaire entre pouvoir médical / contrepouvoir des femmes et sages-femmes, en remettant au centre de l’analyse les différenciations sociales entre les actrices-eurs, et plus largement les rapports sociaux dans leur historicité (Kergoat, 2012) et leur intersectionnalité (Crenshaw, 2005). Nous entendons interroger les inégalités et les rapports de pouvoir de genre, de classe, de race (définie comme une catégorie sociale, produite en situation (Mazouz, 2015)), ainsi que les inégalités liées à l’âge ou au handicap. Les communications proposées peuvent se centrer sur un de ces rapports sociaux ou en articuler plusieurs.
Journée 1. Médicalisation, humanisation et retour au « naturel » Semaine du 24 au 28 janvier 2022
Préparation classique à l’accouchement versus accompagnement global, accouchement sous péridurale versus accouchement physiologique, biberon versus allaitement, poussette versus portage, parentalité classique versus parentalité positive : depuis plus d’une dizaine d’années, ont émergé des pratiques et discours alternatifs autour de l’enfantement se réclamant du respect de la « physiologie » du bébé et de la femme. Historiquement, ce courant alternatif (si tant est que l’on puisse le qualifier au singulier) trouve sa source dans les années 1970, avec le mouvement « d’humanisation de la naissance » (Jacques, 2007 : 124 ; Vuille, 1998 : 109) réclamé par une partie du mouvement des femmes, et amorcé du côté des médecins par Frédéric Leboyer et Michel Odent.
Ces derniers contestaient la méthode dite d’« accouchement sans douleur » introduite en France par Ferdinand Lamaze dans les années 1950, l’accusant de « dresser les femmes et les culpabiliser en cas d’échec » (Caron-Leulliez, 2008 : 25). Ainsi, « les raisonnements en termes de libre maternité (un enfant SI je veux, QUAND je veux) ont cédé le pas aux revendications sur la manière de mettre au monde et d’élever un enfant (COMME je veux) » (Quagliariello et Ruault, 2018 : 46-7).
Une deuxième période (années 1980 à 2010) inclut la généralisation progressive de l’analgésie péridurale dans les années 1980-1990, la classification des maternités en trois niveaux de risque en 1998, le « tournant du plan périnatalité 2005-2007 » visant à préserver « la sécurité émotionnelle des femmes enceintes » (Molena, 2007), l’augmentation radicale de la prime d’assurance des sages-femmes accompagnant des accouchements à domicile en 2009, et les revendications d’usagères de pouvoir accoucher de manière moins technicisée : ces éléments ont contribué à l’émergence d’un accouchement d’un nouveau type, l’accouchement physiologique en maternité.
Une troisième période amorcée dans les années 2010 a vu émerger les dénonciations des violences obstétricales (Michel et Squire, 2018), notamment avec le mouvement MeToo, puis le rapport sur Les actes sexistes durant le suivi gynécologique et obstétrical (Bousquet, Couraud, Collet, 2018). Parallèlement, entre 2015 et 2020, une expérimentation de neuf maisons de naissance sur le territoire national est mise en place. Ces structures autonomes, entièrement gérées par des sages-femmes, permettent un suivi personnalisé des femmes ayant le projet d’enfanter de façon moins médicalisée.
Ce survol historique permet de contextualiser les interrogations suivantes, qui ne sont ni exhaustives ni exclusives :
- En 18 ans, le recours à la péridurale en France est passé de 58 % en 1998 à 81,4 % en 2016, soit une augmentation de 40 % (Blondel et al. 2016). En 2016, « [s]eulement 14,6 % des femmes ne souhaitaient pas d’APD [analgésie péridurale] avant leur accouchement, et 21,1 % étaient indécises » et « plus de 35 % des femmes ont rapporté avoir utilisé une méthode non médicamenteuse pour gérer la douleur durant le travail, seule ou en association avec une analgésie médicamenteuse » (Blondel et al., 2016 : 53). Pour autant, on ne connait pas les orientations d’accouchement des femmes en fonction de leurs positions socio-économiques : qui accouche comment ? En 2012, dans son rapport sur les discriminations économiques liées aux lieux d’accouchement, le CIANE déplorait le fait que seules les femmes de milieux favorisés pouvaient se permettre d’accoucher à domicile du fait de la faible prise en charge par l’assurance maladie. Quelle est la part de la contrainte économique dans l’orientation vers tel ou tel type d’accouchement ? L’adossement des maisons de naissance aux hôpitaux, parfois dénoncé par les sages-femmes comme une mise sous tutelle, ne serait-il pas un facteur d’égalité d’accès ? Les aspirations et le sens donné à l’accouchement sont-elles différentes selon les caractéristiques sociales des femmes ou des couples (Fox et Worts, 1999) ? Que disent ces orientations des motivations des femmes : sont-elles expérientielles, écologiques ou politiques (Quagliariello, 2015) ? Comment les travaux historiques et les comparaisons internationales éclairent-elles ces questions ?
- Les appels à une humanisation de l’enfantement mettent à l’épreuve sa médicalisation : si un accouchement physiologique est dé-technicisé sans être dé-médicalisé (Charrier et Clavandier, 2013), ne faudrait-il pas distinguer, en plus, la technique (comme ensemble de pratiques, y compris corporelles) et la technologie (comme arsenal d’instruments de mesure et d’intervention) ? Toutefois, l’horizon d’un accouchement physiologique dont la femme serait l’« actrice » principale ne serait-il pas une illusion projetée par la « rhétorique du choix » posant des « sujets autonomes, doués de volonté », sans attaches à leur environnement humain et matériel (Akrich, 1999) ? Ou pourrait-on voir dans l’accouchement à domicile « cumuler la meilleure part des mondes anciens et modernes en s’appuyant sur un collectif de travail élargi : conjoint, sage-femme, bébé, environnement familial, huiles essentielles, stéthoscope, cortex et néocortex, présence des proches et téléphone portable, intimité du domicile et horizon d’un transfert toujours possible à l’hôpital » (Pruvost, 2016 : 24) ?
- Les tensions entre médicalisation et humanisation questionnent aussi les logiques et enjeux professionnels entre sages-femmes et gynécologues-obstétricien-nes : au-delà de l’opposition entre approche « relationnelle » et approche « technicienne » de leurs métiers, « on connaît moins le rôle que jouent l’âge, le genre, l’évolution des socialisations professionnelles, ou encore les expériences personnelles dans ces définitions contrastées du travail » (Burton-Jeangros, Hammer, Maffi, 2014 : 17-18). Les évolutions actuelles des conditions d’accouchement vont-elles de pair avec des changements dans la formation des soignant-es ? Qu’impliquent ces évolutions en termes de relations entre soignant-es et soigné-es ? Ont-elles transformé les rapports inter-professionnels ?
Journée 2. Sanitarisation et (ré)appropriation des savoirs et des pratiques de santé Semaine du 2 au 6 mai 2022
La grossesse fait l’objet de multiples recommandations médicales : alimentation, sommeil, activités physiques prescrites ou proscrites, surveillance du poids des femmes, prévention de multiples risques… La procréation n’a pas seulement été médicalisée, au sens d’une prise en charge par des professionnel-les de santé, elle a aussi été sanitarisée. La sanitarisation (healthization) désigne l’extension « des questionnements de santé à tous les niveaux de la vie quotidienne (alimentation, activité physique, etc.) » (Conrad, 1992) qui « transforme la santé en morale » (El Kotni et Faya Robles, 2018). Cette extension d’une « morale sanitaire » peut concerner l’avantgrossesse, par exemple avec la promotion de la consommation de vitamine B9 pour les femmes qui envisagent une grossesse, comme l’après-naissance, aussi bien pour les mères que pour les enfants. La prime enfance est en effet un enjeu majeur des politiques sanitaires : elle est de plus en plus souvent investie d’un poids déterminant dans l’évolution corporelle, psychique et sociale de la personne (Parazelli, 2020).
Parallèlement à ce processus de sanitarisation, les savoirs et les pratiques médicales font l’objet de réappropriations, voire de détournements : ateliers d’auto-gynécologie, acquisitions de savoirs de santé par des patientes-expertes, échanges et débats entre usagères sur des forums de discussion ou dans des groupes de parole… Déplacer la focale des professionnel-les aux usager-es amène à questionner la production domestique de soins : l’entretien de la santé et les pratiques de guérison sont aussi le fait des « profanes », en lien ou non avec les professionnel-les (Cresson, 2001). Comme les autres productions domestiques, le travail profane de soins soulève la question de l’inégale division des tâches entre les femmes et les hommes, et les conséquences de cette inégalité en termes de trajectoire professionnelle, mais aussi en termes de santé, puisque la fatigue et la charge mentale pèsent davantage sur les femmes. Mais se soigner ou soigner les autres, c’est aussi acquérir des connaissances et des savoir-faire, et on peut à cet égard se demander si le travail domestique de soin peut être un vecteur d’émancipation ou d’empowerment.
Cette seconde journée d’étude interroge la mobilisation des savoirs et des pratiques de santé autour de l’enfantement :
- Du côté des interactions avec les professionnel-les d’une part : on sait en effet que la « compétence médicale » est inégalement distribuée selon la classe sociale (Boltanski, 1971), et que les attitudes des professionnel-les sont différenciées selon la manière dont ils ou elles perçoivent et catégorisent les patient-es (Sauvegrain, 2012). Comment sont reçus et (ré)interprétés les discours ? Comment les caractéristiques sociales des usager-es influencent-elles la réception des discours et représentations médicales, qu’il s’agisse des explications sur les phénomènes physiologiques ou pathologiques, des préconisations, des jugements de valeur explicites ou implicites ? A quelles conditions les usager-es peuvent-elles/ils se réapproprier ces discours ?
- D’autre part, du côté des représentations sanitaires véhiculées par les institutions et les professionnel-les de la santé au sens large (médecins, sage-femme, mais aussi psychologues, épidémiologistes, organismes de santé publique ou de prévention), les discours médicaux ou savants sont en effet toujours reliés à des considérations politiques et morales : définition de la féminité par la fertilité par exemple (Fausto-Sterling, 1992), assignation aux femmes de la responsabilité des « échecs » reproductifs dans le traitement de l’infertilité (Tain, 2013), recours à des catégories raciales pour justifier des traitements différenciés (Prud’Homme, 2016). L’extension du sanitaire dans les différentes facettes de la vie quotidienne ne risque-t-elle pas de contribuer à véhiculer des représentations oppressives ?
- La question du risque représente un autre ensemble de questionnements. Omniprésente dans le domaine de l’obstétrique, la notion de « risque » imprègne largement les approches médicales de la périnatalité. Or dans le domaine de la prévention sanitaire, on sait que les attitudes sont socialement différenciées, les personnes bénéficiant des conditions de vie les plus favorables étant plus réceptives à un discours qui individualise le risque et promeut une responsabilité sanitaire individuelle, tandis que les moins favorisées adhèrent moins souvent aux campagnes de préventions qui mettent l’accent sur le mode de vie (Peretti-Watel et al, 2009). On peut ainsi se demander comment les perceptions de ce qui constitue ou non un risque sont façonnées par les caractéristiques sociales des personnes et par leur expérience passée. Quelles stratégies sont déployées pour contenir, éviter ou ignorer le risque ? L’adhésion au discours du risque signifie-t-elle nécessairement une soumission au pouvoir médical ? À l’inverse, la distance envers les préconisations médicales relève-elle toujours de la contestation ?
- La réappropriation individuelle et collective des savoirs et des pratiques médicales constitue un dernier axe d’analyse. La proximité avec le domaine médical est liée au niveau de diplôme, à l’appartenance sociale et au type de métier exercé. Mais l’acquisition de connaissances sur la santé et la maladie peut aussi s’inscrire dans des événements biographiques tels qu’une maladie ou la maladie d’un proche, elle peut aussi être activement promue par des cadres collectifs à l’instar des pratiques féministes de « self-help » (Koechlin, 2019) ou des mobilisations ouvrières sur les conditions de travail (Pitti, 2013). Qui se réapproprie les savoirs et les pratiques médicales, et avec quels effets ? La réappropriation collective des savoirs médicaux signifie-t-elle une remise en cause de la santé publique ou s’inscrit-elle dans son prolongement ? Quelle dynamique peut-on identifier entre réappropriation collective et réappropriation individuelle ?
Journée 3. Normes procréatives et pluralité du « devenir parent » Semaine du 27 juin au 1er juillet 2022
L’assignation des femmes à la maternité est structurante tant dans les faits que dans les représentations : la part de femmes sans enfants a fortement diminué au fil du XXe siècle (Masson, 2013), et la non-parentalité volontaire apparaît aujourd’hui bien souvent comme une forme de déviance (Debest, 2014). L’assignation à la maternité est inscrite dans les rapports sociaux de classe et de race qui évoluent au fil du temps, comme l’ont montré les travaux d’E. Dorlin sur les discours médicaux à l’époque moderne (Dorlin, 2009) et de M. Paris sur les avortements et stérilisations forcées à la Réunion au XXe siècle (Paris, 2020). Les femmes catégorisées comme blanches sont investies de la responsabilité de « reproduire la Nation », celles qui sont catégorisées comme non blanches et/ou comme « étrangères » sont suspectées de faire « trop » d’enfants, des enfants « désenfantisés » et constitués en menace (Ouassak, 2020). Si devenir parent est une expérience largement partagée, elle ne signifie pas la même chose pour tout le monde et n’implique pas les mêmes conséquences.
Le devenir parent est par ailleurs encadré socialement. Il est encadré par des attentes diffuses sur les bonnes conditions et le bon moment pour avoir un enfant, ce que N. Bajos et M. Ferrand nomment la « norme procréative » (Bajos et Ferrand, 2006). Il l’est aussi par des lois et par des pratiques institutionnelles : restriction de l’accès à la PMA aux couples hétérosexuels, obligation de passer par l’adoption pour les mères lesbiennes n’ayant pas porté l’enfant, promotion de la limitation du nombre de naissances dans les pratiques médicales, présupposé « d’incompétence parentale » à l’encontre des personnes en situation de handicap (Doé, 2019). L’encadrement de l’enfantement est aussi un contrôle sur les émotions qui se déploie notamment dans la prise en charge professionnelle (Guy et Vozari, 2019).
Cette troisième journée d’étude interroge le devenir parent sous l’angle de la normativité et des écarts à la norme :
- Il s’agit de questionner le statut des écarts aux « bonnes conditions » de devenir parent : s’agit-il de déviance au sens sociologique d’une pratique non-conforme aux attentes sociales (Becker, 1997), de pratiques marginales, d’une contestation des normes, d’un retournement du stigmate (Goffman, 1975) ? Quelles sont, dans l’histoire et à l’heure actuelle, les contraintes qui pèsent sur les personnes qui souhaitent devenir parent ? Comment ces contraintes s’inscrivent-elles dans l’histoire croisée de la médecine, des rapports femmes/hommes, des politiques coloniale et postcoloniale ? Les travaux historiques peuvent d’ailleurs révéler une multiplicité de normes et de pratiques qui contrastent avec un passé fantasmé.
- La notion de « culture parentale » peut être utile pour aborder la diversité des façons de penser le rôle de parent et la construction de problèmes publics autour de la parentalité (Macvarish et al., 2015 ; Martin, 2018). Dans cette perspective, on peut se demander s’il existe des « souscultures » ou des « contre-cultures » parentales au sein desquels le devenir parent prend une signification particulière. Les recherches sur les classes populaires ont, par exemple, mis en avant la valorisation de l’entrée « précoce » en parentalité, notamment pour les femmes, la famille apparaissant comme un lieu d’épanouissement au contraire du travail salarié (Testenoire, 2006 ; Geay et Humeau, 2016). Les travaux de G. Pruvost sur les modes de vie « alternatifs » montrent comment l’accouchement à domicile peut prendre place et sens au sein d’un engagement politique (Pruvost, 2018). On peut ainsi questionner la manière dont les naissances occupent des représentations et des pratiques qui dépassent le seul cadre de l’accouchement. La notion de culture peut également être interrogée au prisme des rapports sociaux : peut-on par exemple parler de « cultures parentales de classe » au sujet non seulement de l’éducation des enfants (Le Pape, 2009), mais aussi de la manière et du moment de devenir parent ?
- Comment les personnes qui aspirent à avoir un enfant s’engagent-elles dans des parcours apparemment « hors-norme » : avoir un enfant quand on est étudiant-e (Gaide, 2018), une mère célibataire (Rozée, 2013), un couple lesbien (Descoutures, 2010), quand on est désigné-e comme « trop âgé-e » (Bessin et Levillain, 2012) ? Quels rôles les ressources économiques, culturelles et sociales jouent-elles dans la possibilité de déroger à la « norme procréative » ? Quelles sont les réactions des proches ou des professionnel-les (de santé, de la petite enfance) à ces parcours ? Comment les parents font-ils face aux discriminations et à la stigmatisation, avec quelles ressources ?
Calendrier et format des propositions La date de chaque journée sera précisée début octobre 2021 :
Journée 1 : semaine du 24 au 28 janvier 2022
Journée 2 : semaine du 2 au 6 mai 2022
Journée 3 : semaine du 27 juin au 1er juillet 2022
Les propositions de communications d’une longueur de 3000 signes maximum (espaces compris) sont à rédiger à partir du modèle joint et à envoyer
au plus tard le 10 septembre 2021 à
ronald.guilloux@univ-lyon1.fr et
elsa.boulet@univ-lyon2.fr. Les réponses seront envoyées au plus tard le 15 octobre 2021.
Afin de prévoir une enveloppe budgétaire, nous vous remercierions de préciser dans votre proposition de communication vos besoins de financement (notamment pour les personnes ne pouvant pas bénéficier d’une prise en charge par leur institution ou employeur : doctorant-es, etc.).
Une publication est prévue à l’issue du cycle des trois journées d’études. La sélection des communications retenues pour publication aura lieu à la suite de la troisième journée.
Organisation Elsa BOULET, sociologue, postdoctorante au Lirsa/CEET, Conservatoire national des arts et métiers, chercheuse associée au Centre Max Weber (Université Lyon 2, Université Jean Monnet Saint Etienne, ENS de Lyon, CNRS). elsa.boulet@univ-lyon2.fr
Ronald GUILLOUX, sociologue, maître de conférences à l’Université Lyon 1, Laboratoire Sciences, Société, Historicité, Éducation et Pratiques (S2HEP) et Institut des Sciences Pharmaceutiques et Biologiques (ISPB). ronald.guilloux@univ-lyon1.fr
Comité scientifique Madeleine AKRICH, sociologue, Directrice de recherche au CSI, École des Mines, France
Philippe CHARRIER, sociologue, Chercheur au Centre Max Weber, France
Mounia EL KOTNI, anthropologue, Chercheuse au CEMS, EHESS, France
Maud GELLY, sociologue et médecin, Chercheuse au CRESPPA-CSU, France
Solène GOUILHERS, sociologue, Collaboratrice scientifique, Institut des études genre de l’Université
de Genève et Haute École de Santé Vaud (HES-SO), Suisse
Benoît HACHET, sociologue, Professeur agrégé à l’EHESS, chercheur à l’Iris, France
Kévin LAVOIE, chercheur en travail social, Professeur adjoint, École de travail social et de criminologie, Université Laval, Canada
Marie-Clémence LE PAPE, sociologue, Maîtresse de conférences à l’Université Lyon 2, chercheuse au Centre Max Weber, France
Myriam PARIS, politiste, Chercheuse au CRESPPA, France
Virignie ROZÉE, démographe, Chargée de recherche, UR 14 « Santé et droits sexuels et reproductif », Ined, France
Muriel SALLE, historienne, Maîtresse de conférences à l’Université Lyon 1, chercheuse au LARHA, France
Marie-Josèphe SAUREL-CUBIZOLLES, épidémiologiste, Chercheuse au sein de l’équipe EPOPé (Épidémiologie obstétricale, périnatale et pédiatrique), Inserm, France
Priscille SAUVEGRAIN, sage-femme et sociologue, Chercheuse au sein de l’équipe EPOPé, Inserm, France
Saad ZBIRI, économiste, Docteur en économie et santé publique de l’Université Paris-Saclay, France
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