De mal en peine : méthodes et outils d’estimation de la douleur
Appel à communications
Colloque du projet junior DESDEMONE
A Lyon les 10 et 11 février 2022
Suivant la définition donnée par le Comité de taxonomie de l’International Association for the Study of Pain (IASP), la douleur est une « expérience désagréable, sensorielle et émotionnelle associée à un dommage tissulaire présent ou potentiel ou décrite en ces termes ». Les outils d’estimation de la douleur constituent à la fois des objets spécifiques de recherche et des outils méthodologiques de la recherche. Il s’agit au cours de ces deux journées de permettre un dialogue entre les disciplines et les approches autour de ce problème spécifique qu’est l’estimation de la douleur.
Les échelles d’évaluation de la douleur sont mobilisées pour objectiver une sensation subjective qui réclame une compréhension et une intervention extérieure, médicale ou non. Ces outils ont un usage pratique dans le cadre de la médecine, mais cette discipline n’est pas la seule qui a besoin d’estimer et de classifier les phénomènes douloureux. En effet, qu’il s’agisse en droit de catégoriser les douleurs subies à indemniser ou de réglementer les protocoles de recherche sur des sujets humains ou animaux, les échelles de douleur et leurs liens avec des échelles de valeur sont au cœur du débat social. Depuis plusieurs décennies, les sciences humaines et sociales se sont également intéressées au phénomène douloureux, à ses variations, à sa plasticité, ainsi qu’à ses contextualisations sociales et culturelles. Or l’étude de la variation suppose la création d’un cadre, d’outils et de méthodes particulières.
Cette émulation de la recherche qui fait se rencontrer sciences sociales et sciences médicales, chercheurs et professionnels de la santé, rend particulièrement utile et pertinente une réflexion qui prend pour objet spécifique les catégories et les outils permettant d’étudier le phénomène douloureux :
Quels éléments du phénomène douloureux peuvent être transmis, partagés et classifiés ? Quelles raisons motivent la création de classifications des douleurs ? Comment ces catégories ainsi créées influencent-elles notre perception du phénomène ? Comment décrire et rendre intelligibles les normes de comportement ou de représentation de la douleur et leurs variations ?
Pour étudier ces différentes questions, nous avons retenu quatre axes de recherche dans lesquels peuvent s’intégrer les futures communications. Les pistes envisagées ne sont cependant pas exhaustives, et toute proposition offrant un point de vue éclairant sur ces objets est bienvenue.
Axes d’étude
Axe 1 : Biologie et médecine
Les communications pourront traiter de l’estimation de la nociception et de douleur en contexte médical ainsi que les avantages et limites des différents systèmes d’estimation. Elles pourront s’intéresser aux outils utilisés en recherche ou en clinique chez l’humain comme chez l’animal. Les possibilités ou difficultés posées par l’étude des modèles animaux pour étudier les mécanismes à l’œuvre chez l’humain pourront également être abordées.
Axe 2 : Sémiologie
Une approche sémiologique de la douleur pourra être développée. La douleur est fréquemment considérée comme un indicible, intraduisible : comment alors penser l’expression par le langage d’une sensation profondément subjective et que les mots ne sauraient traduire ? Les échelles de douleur et méthodes d’estimation questionnent la douleur et ses signes, expressions et manifestations.
Axe 3 : Douleurs et sociétés
Les catégorisations des douleurs varient selon les contextes sociaux, politiques et religieux. L’estimation de la douleur permet de fixer des compensations (dans le domaine judiciaire) et les bornes de la douleur acceptable (dans le domaine de l’éthique). Les communications pourront également s’intéresser aux bouleversements introduits par des événements violents (guerres par exemple) ou aux grilles d’interprétation religieuses qui peuvent dessiner de nouvelles catégories d’intensité et donner des sens différenciés aux événements douloureux.
Axe 4 : Arts et représentation
Les communications pourront porter sur des corpus artistiques, ou rendre compte de recherches en arts et littérature consacrées à des corpus médicaux dans la continuité des recherches sur la représentation de la douleur dans les modernités. Sont aussi vivement encouragées les interventions portant sur des productions et propositions artistiques contemporaines, qui interrogent les normes de représentation de la douleur.
Soumission des propositions :
Chercheurs confirmés, jeunes chercheurs et professionnels concernés par le thème d’étude sont invités à soumettre leurs propositions de contribution (300 mots maximum, accompagnés d’une courte notice bio-bibliographique) jusqu’au 1er août 2021 inclus à l’adresse projet.desdemone@gmail.com.
Les communications peuvent être faites en français ou en anglais.
Le projet junior DESDEMONE (Douleurs et Souffrances : descriptions, expressions, méthodes et outils de notation et d’estimation) est un projet de recherche porté par trois doctorantes :
– Maureen Boyard (Université Lyon 3 – CIHAM UMR 5648),
– Fanny Boutinet (Université Lyon 3 – IHRIM UMR 5317),
– Clémence Vendryes (Université Aix-Marseille – IREMAM UMR 7310/IFPO).
Il a pour projet de favoriser un dialogue pluridisciplinaire sur les questions d’estimation et de classification de la douleur et de permettre un partage de méthodes, d’outils et de réflexions sur ce thème. Pour plus d’informations et suivre ce projet de recherche : https://desdemone.hypotheses.org/
Les propositions seront relues par les membres du projet, avec le soutien scientifique de :
Julie Henry, MCF en philosophie à l’ENS Lyon (Triangle UMR 5206)
Lucie Bidouze, médecin généraliste au centre hospitalier Gérard Marchant (Toulouse)
Bibliographie indicative
Raphaële Andrault, Ariane Bayle, exposition : « Le médecin face à la douleur, 16e-18e siècles », Lyon, 2019 et 2021.
Raphaële Andrault, Ariane Bayle, « Le médecin de l’Époque moderne face à la douleur », Pour la science n°508, février 2020, p. 74-79.
Isabelle Baszanger, Douleur et médecine, la fin d’un oubli, Paris, Seuil, 1995.
Florence Chantoury-Lacombe, Peindre les maux : arts visuels et pathologie, XIVe-XVIIe siècle, Paris, Hermann, 2010.
Nicolas Danziger, Vivre sans la douleur ?, Paris, Odile Jacob, 2010.
Bernard Durand, Jean Poirier et Jean-Pierre Royer (dir.), La douleur et le droit, Paris, Presses Universitaires de France, 1997.
Marilina Gianico et Michel Faure (dir.), Raconter la douleur : La souffrance en Europe (XVIIe-XVIIIe siècles), Paris, Garnier, 2018.
David Le Breton, Anthropologie de la douleur, Paris, Éditions Métailié, 1995.
René Leriche, Chirurgie de la douleur, Paris, Masson et cie, 1937.
Geneviève Lévy (dir.), La Douleur. « Au-delà des maux », Paris, Éditions des Archives contemporaines, 1992.
Claire Marin et Nathalie Zaccaï-Reyners (dir.), Souffrance et douleur. Autour de Paul Ricoeur, Paris, PUF, 2013.
Javier Moscoso, Histoire de la douleur. XVIe-XXe siècle, Frédérique Langue (trad.), Paris, Les Prairies ordinaires, 2015.
Christophe Perruchoud, Manuel pratique d’algologie. Prise en charge de la douleur chronique, Paris, Elsevier Masson, 2017.
Roselyne Rey, Histoire de la douleur, Paris, La Découverte, 2011.
Elaine Scarry, The body in pain: the making and unmaking of the world, Oxford, Oxford University Press, 2004.
Lisa Silverman. Tortured Subjects: Pain, Truth, and the Body in Early Modern France, Chicago, University of Chicago Press. 2001.
Guy Simonnet, Bernard Laurent, David Le Breton, L’Homme douloureux, Paris, Odile Jacob, 2018.
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