vendredi 17 juillet 2020

Morale sexuelle et communisme

Morale sexuelle et communisme de 1917 à 1940

Appel à contributions

Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique

Nous soumettons ci-après un appel à contribution pour un numéro de la revue Cahiers d’histoire.Revue d’histoire critique à paraître dans le courant de l’année 2021. Ce dossier a pour thème la morale sexuelle et le communisme de 1917 à 1940. Notre réflexion appelle des contributions aussi bien sur les débats quant à l’avortement, la prostitution, le mariage, la famille, l’homosexualité, et plus généralement ce qui met en jeu la morale sexuelle et les enjeux de libération de ce qu’on nomme parfois les mœurs. Ces propositions d’articles peuvent concerner les débats au sein des milieux communistes autour de ces enjeux, les positions d’actrices et d’acteurs lié·es à cette histoire, mais aussi la dimension juridique quant aux questions sexuelles et l’organisation de la vie sociale.


Argumentaire

Les Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, sont une revue généraliste qui se donne comme objectif, à travers une grande diversité de thématiques, de développer une histoire polarisée autour du fonctionnement des dominations sociales dans toutes leurs dimensions politiques, économiques et culturelles. Cette approche s’accompagne d’une démarche réflexive sur les formes de production et les usages du savoir historique dans ces processus de domination.

Nous soumettons ci-après un appel à contribution pour un numéro de la revue Cahiers d’histoire.Revue d’histoire critique à paraître dans le courant de l’année 2021. Ce dossier a pour thème Morale sexuelle et communisme de 1917 à 1940.

La notion de morale suppose, comme le note le philosophe Yvon Quinioux, un dispositif idéaliste. Le matérialisme, pour qui la vie détermine la conscience plutôt que le sujet, analyse les rapports sociaux dans le cadre des fonctions sociales-économiques[1]. Le communisme a souvent été accusé d'amoralisme, voire de dépravation sexuelle, avec la menace fantasmée du “partage des femmes”[2]. Mais il faut plutôt souligner les croisements persistants et répétés des engagements communistes avec les différents aspects des normes de la morale sexuelle et l'enchevêtrement des enjeux : ceux de la lutte contre l’exploitation et ceux du combat contre ces normes. Le socialisme et les revendications féministes ont cheminé de concert depuis le XIXe siècle, à Londres avec Flora Tristan (1803-1844), Sylvia Pankhurst (1882-1960) ou Paris avec Louise Michel[3]. La féministe et révolutionnaire bolchévique Alexandra Kollontaï (1872-1952) lie étroitement les formes d’union et la morale sexuelle, aux formes de production. Elle appelle de ses vœux l’union libre, fondée sur l’égalité des sexes. Lénine définit le bolchevik, comme un homme dont les qualités intellectuelles et morales sont le produit d’une pédagogie adaptée à l’objectif de la révolution[4]. Le mouvement communiste, tout comme il veut régénérer le socialisme, propose une révolution des mœurs et une nouvelle morale sexuelle.

Les tensions entre les particularités nationales et le mouvement international se révèlent sans doute avec le plus de force lorsqu’il s’agit des questions liées à la morale sexuelle, du fait tout d’abord de la très grande diversité des situations nationales, dans ses multiples déclinaisons locales, culturelles et religieuses. Mais aussi, du fait de l’extrême diversité des situations entre des partis qui participent au pouvoir et des partis communistes très minoritaires, dont les positions politiques n’influencent que très marginalement la vie nationale comme en Grande-Bretagne ou aux États-Unis.

Il est impossible de séparer les évolutions des communismes et celle des sociétés dans leur ensemble. Ainsi la question de l’avortement illustre ces évolutions contradictoires. En France, comme en URSS, la question du contrôle des naissances, a longtemps été ainsi au cœur de ces polémiques. En 1920, la loi française condamne l’avortement en tant que crime (contre celles qui le pratiquent et celles qui y recourent). La même année dans la Russie soviétique, un décret du 18 novembre 1920 le légalise, tout comme la liberté d’union et de divorce, alors que les valeurs bourgeoises sont mises au pilori et que le travail des femmes est valorisé[5]. L’entre-deux-guerres connaît alors le choc des contradictions entre les impératifs économiques et les normes sociales. Les enjeux productifs et reproductifs du travail féminin ne peuvent être dissociés de ceux de la morale. Ce productivisme induit aussi des stéréotypes genrés et des représentations virilisées.

Notre réflexion appelle des contributions aussi bien sur les débats quant à l’avortement, la prostitution, le mariage, la famille, l’homosexualité, et plus généralement ce qui met en jeu la morale sexuelle et les enjeux de libération de ce qu’on nomme parfois les mœurs. Ces propositions d’articles peuvent concerner les débats au sein des milieux communistes autour de ces enjeux, les positions d’actrices et d’acteurs lié·es à cette histoire, mais aussi la dimension juridique quant aux questions sexuelles et l’organisation de la vie sociale.


Modalités de contribution

Les résumés des propositions d’articles compteront entre 300 et 500 mots et seront accompagnés d’un titre provisoire et de 5 à 6 mots-clés ainsi que d’une courte notice biographique.
Ils devront parvenir avant le 30 septembre 2020

aux coordinatrices et coordinateurs de ce dossier, à l’adresse mail suivante :


Les auteur·res dont les propositions auront été retenues devront proposer pour le 15 janvier 2021 leur article complet qui ne devra pas excéder 40 000 signes.

Les auteur·es auront soin de veiller à respecter les normes éditoriales de la revue Cahiers d’Histoire. Revue d’histoire critique : https://journals.openedition.org/chrhc/1296
Les coordinateur·rices du dossier
Bertrand Michel,
Héloïse Morel,
Olivier Mahéo,
Thierry Pastorello.


Références

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Notes

[1] Yvon Quiniou, , « La question morale dans le marxisme », Autres Temps, vol. 68, no. 1, 2000, pp. 10‑18.

[2] Sur les accusations d’amoralité voir notamment les écrits du philosophe Yvon Quiniou qui démontrent clairement la place des normes morales et des jugements de valeur dans l’œuvre de Marx (Ibid.)

À propos du partage des femmes, initié comme une farce par Aristophane par la voix de Praxagora qui instaure le communisme intégral dans la Cité, son thème est repris par Campanella dont les Icariens prônent la chasteté mais aussi la mise en commun des femmes. Certains compagnons “icariens” d’Etienne Cabet plaident en faveur de cette communauté sexuelle en Icarie, à Corning en Iowa. Voir Véronique Mendès « Voyage en Icarie. Jeunesse et conflits de générations, 1848-1898 », Siècles. Cahiers du Centre d’histoire « Espaces et Cultures », n° 28, décembre 2008, pp. 37‑58. Pour Aristophane voir acques Droz, Histoire générale du socialisme, Paris, PUF, 1972.

Christophe Prochasson cite longuement Campanella dans : Christophe Prochasson, Les intellectuels et le socialisme: XIXe-XXe siècle, Paris, Plon, 1997.

[3] Joseph Fourier propose de mesurer le niveau d’émancipation de la société à l’aune de celui des femmes. Auguste Bebel (1840-1913) écrit lui en 1879 la Femme et le socialisme, qui assigne à la IIe Internationale la tâche de libérer la femme. Sur ces questions voir Françoise Thébaud, Écrire l’histoire des femmes et du genre, ENS Éditions, 2007.

[4] Annie Kriegel les Communistes 1920-1970, Paris : Ed. du Seuil, 1985 p. 66

[5] En 1936, un décret met fin à cette légalisation pour criminaliser l’avortement. Il est à nouveau autorisé en 1955. Voir Hélène Yvert-Jalu, « L’avortement en Union Soviétique », adh Annales de démographie historique, vol. 1990, no. 1, 1990, pp. 431‑437. https://www.persee.fr/doc/adh_0066-2062_1990_num_1990_1_1783

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