dimanche 15 décembre 2019

La santé au prisme de la question environnementale

La santé au prisme de la question environnementale : politiques publiques, mobilisations citoyennes

Appel à contributions


C’est de ce rapport entre santé et environnement que le numéro 19 de la revue Amnis se propose de traiter. Au-delà de l’actualité récente (on fait référence ici à l’incendie de l’usine Lubrizol qui a eu lieu à Rouen dans la nuit du 25 au 26 septembre 2019) qui est venue confirmer la pertinence de ce choix acté quatre mois plus tôt, trois raisons justifient d’interroger ce que la crise environnementale fait à la santé. Aborder cette thématique donne l’occasion à la revue de poursuivre sa réflexion sur les questions fortes qui se posent au monde contemporain dans le champ du politique et du social. Elle constitue en outre un objet qui se prête particulièrement bien aux lectures pluridisciplinaires auxquelles Amnis est attachée depuis sa création. En dernier lieu, le principe de la responsabilité sociale de la recherche qui a toujours inspiré ses différents contributeurs trouve avec cette thématique un terrain où s’illustrer avec force. Face à la catastrophe, il s’agira en effet de traiter sereinement des enjeux de l’impact sanitaire de la crise environnementale dans un contexte où le discours public tend à en brouiller les repères et à délégitimer les modes d’action de certains acteurs sociaux.


Argumentaire

De plus en plus prégnant dans les préoccupations citoyennes depuis la fin du XXe siècle, l’impact sanitaire de la crise environnementale constitue l’un des défis majeurs posé à nos sociétés. Recensant dans un article publié le 21 novembre 2018 les effets que « le chaos climatique », en tant que déclinaison majeure de la crise, aurait sur nos vies, le quotidien Le Monde identifiait la santé comme l’un des principaux domaines concernés avec l’alimentation, l’eau, la sécurité, l’économie, les infrastructures. Inspiré d’une étude publiée par la revue Nature Climate Change, elle-même fondée sur 3300 analyses menées depuis 1980 sur le changement climatique, cet article détaillait les « thématiques affectées » dans le domaine sanitaire. Leur lecture témoigne que la rupture majeure annoncée n’épargnera aucune strate de nos vies : du bien être des individus (soumis au risque accru de dépression, de suicides, de troubles mentaux) en passant par les conséquences alimentaires liées au désordre climatique (malnutrition, famines, intoxications alimentaires) jusqu’à la résurgence des maladies vectorielles et épidémiques. Faisant écho aux grandes peurs millénaristes du passé, la catastrophe qui s’annonce alimente même de nouvelles catégories nosologiques : angoisse climatique, éco anxiété, solastalgie (terme désignant une détresse psychique ou existentielle liée aux changements environnementaux).

C’est de ce rapport entre santé et environnement que le numéro 19 de la revue Amnis se propose de traiter. Au-delà de l’actualité récente (on fait référence ici à l’incendie de l’usine Lubrizol qui a eu lieu à Rouen dans la nuit du 25 au 26 septembre 2019) qui est venue confirmer la pertinence de ce choix acté quatre mois plus tôt, trois raisons justifient d’interroger ce que la crise environnementale fait à la santé. Aborder cette thématique donne l’occasion à la revue de poursuivre sa réflexion sur les questions fortes qui se posent au monde contemporain dans le champ du politique et du social. Elle constitue en outre un objet qui se prête particulièrement bien aux lectures pluridisciplinaires auxquelles Amnis est attachée depuis sa création. En dernier lieu, le principe de la responsabilité sociale de la recherche qui a toujours inspiré ses différents contributeurs trouve avec cette thématique un terrain où s’illustrer avec force. Face à la catastrophe, il s’agira en effet de traiter sereinement des enjeux de l’impact sanitaire de la crise environnementale dans un contexte où le discours public tend à en brouiller les repères et à délégitimer les modes d’action de certains acteurs sociaux.

Le numéro qui naîtra de cet appel n’épuisera certainement pas la diversité des pistes ouvertes par le croisement de la variable sanitaire et environnementale. Cette évidence conduit à privilégier des axes de travail auxquelles les propositions d’articles s’efforceront de répondre. Du point de vue des aires culturelles, on attendra qu’elles correspondent à celles qu’Amnis cultive, correspondant aux sociétés européennes et américaines. Si les mutations climatiques ont leur rythme propre, si les évolutions des écosystèmes se déploient souvent sur la longue durée, si les limites de l’anthropocène peuvent s’avérer mouvantes selon l’espace concerné ou l’objet exploré, les propositions prendront en compte le profil contemporanéiste de la revue en privilégiant le cadre chronologique qu’elle a choisi (XIXe-XXIe siècles). Au-delà du XXe siècle, laboratoire emblématique de la crise environnementale (Mc Neil, 2000) et en son sein (second XXe, [Pfister, 2010]), l’historiographie s’est enrichie des travaux qui ont démontré l’ancienneté de cette question, en particulier pour le XIXe siècle (Massard-Guilbaud, 2010, Le Roux, 2011). On portera une égale attention aux articles éclairant des situations ancrées dans l’un ou l’autre siècle ou inscrites dans les premières décennies du XXIe siècle.
Axes thématiques

Afin d’éviter une trop grande dispersion thématique, la réflexion à conduire devra s’inscrire dans cinq axes majeurs :

1) Les articles pourront éclairer : les catégories permettant de penser le lien entre santé et environnement ; la façon d’interroger le lien entre santé et environnement dans une perspective interdisciplinaire, ses enjeux sociétaux dans le champ des sciences humaines et sociales. En quoi éclairer des situations advenues dans le passé peut fournir des modèles d’aide à la décision pour répondre aux urgences du présent ? C’est l’une des questions qui pourra être abordée.

2) Au chapitre des relations entre les sociétés et les écosystèmes dans lesquels elles évoluent, les propositions qui interrogeront les interactions entre les phénomènes environnementaux et les risques naturels et biologiques retiendront l’attention. Quels facteurs, quels processus contribuent à générer un substrat environnemental constituant une menace pour la santé publique ? En quoi le cas des épidémies virales et vectorielles dont la résurgence préoccupe les autorités sanitaires constitue un poste d’observation pertinent de ce point de vue ?

3) Alors qu’à la fin des années 1970, le contexte sanitaire invitait l’historien Emmanuel Le Roy Ladurie à affirmer que « les grands problèmes de l’environnement aujourd’hui sont davantage chimiques que microbiens », la question de l’impact des pollutions demeure une dimension essentielle de la crise environnementale. Cette question pourra être abordée qu’elle concerne les dommages causés à la santé par l’activité industrielle, l’utilisation de pesticides, la qualité de l’air, etc.

4) Fidèle à l’approche sociale et culturelle du politique que la publication privilégie, le numéro accordera une attention soutenue aux articles qui envisageront l’impact sanitaire de la crise environnementale sous l’angle des politiques publiques. Les axes précédemment évoqués croiseront sans nul doute cette thématique. Le «long passé des quarantaines » (Zylberman, 2013) témoigne en effet de la mise en place ancienne de politiques de santé publique par les acteurs institutionnels, renforcées face à l’unification microbienne du monde (Le Roy Ladurie, 1978) à travers la mise en place d’un cadre international d’action (Bourdelais, 2001, Chiffoleau, 2012). De même les travaux consacrés aux effets des pollutions industrielles ont démontré que la gestion de la contamination est devenue tôt « une affaire d’Etat » (Massard-Guilbaud, 2010). Ouverte sur les sciences politiques et sociales, la revue attendra particulièrement que la question soit abordée sous l’angle de l’écologisation des politiques publiques à partir de la fin du XXe siècle (Marc Mormont, Natures Sciences Sociétés, 2013).

5) Attachée à l’analyse des mouvements sociaux et à leurs dynamiques (Mc Carthy et Zald, 1979), à leurs singularités comme aux jeux de miroir qui se jouent entre eux par-delà l’espace transatlantique, la revue entend également faire de la question des mobilisations citoyennes un axe fort du numéro à paraître. Inscrites dans une tradition historiographique notamment anglo-saxonne (Mauch, Stoltzfus, Weiner, 2006) ; Rootes, 200 ), que la thèse de Pablo Corral Broto pour l’Aragon est venue illustrer d’un nouveau jour dans le cadre de la dictature franquiste (2016), cette question ouvre sur les nouveaux dispositifs de mobilisation mis en œuvre notamment par les jeunes générations face à la crise environnementale. A quels répertoires d’action empruntent ces mouvements protestataires ? Que disent-ils de l’angoisse climatique, de la menace des « tempêtes microbiennes » (Zylberman, 2013), perçue à l’échelle globale, de celle inscrite au contraire dans l’échelle du quotidien renvoyant à la pollution de l’air ? Autant de pistes que ce numéro invite à explorer.
Modalités de proposition

Les propositions d’article (30 lignes) pourront être rédigées en français, en anglais ou en espagnol. Elles devront être envoyées avec un Curriculum Vitae de l’auteur avant le 20 janvier 2020 à l’adresse suivante : amnis@revues.org.

Les articles acceptés seront à remettre le 30 juin 2020 au plus tard. Après avoir été soumis au comité scientifique de la revue et à deux rapporteurs externes, les articles seront publiés sur le site de la revue (http:/amnis.revues.org) dans le courant de l’année 2020.

Isabelle Renaudet, Aix Marseille Université, CNRS, TELEMME 

Comité scientifique
Angel Alcalde, University of Melbourne, Australie, Histoire.
Óscar Álvarez Gila, Universidad del País Vasco, (Vitoria), Espagne, Histoire.
Sylvie Aprile, Université de Paris-Ouest Nanterre, France, Histoire.
Avner Ben-Amos, Université de Tel-Aviv, Israël, Histoire.
Zoraida Carandell, Université de Paris-Ouest Nanterre, France, Littérature et culture espagnoles.
Martine Chalvet, Aix Marseille Université, France, Histoire.
Paulo Bernardo Ferreira Vaz, Universidad Federal de minas Gerais, (Belo Horizonte), Brésil, Communication Sociale.
Alec G Hargreaves, Florida State University (Tallahassee), Director Winthrop-King Institute for Contemporary French and Francophone Studies, Etats-Unis, Littérature française et études francophones.
Pierre-Cyrille Hautcœur, EHESS, École des Hautes Etudes en Sciences Sociales (Paris), France, Sciences Economiques.
Jérôme Jamin, Université de Liège, Belgique, Sciences politiques.
Gerd Krumeich, Université de Düsseldorf, Allemagne, Histoire.
Stéphane Michonneau, Université de Lille, France, Histoire.
Ellen McCracken, UCSB, (University of California Santa Barbara), Etats-Unis, Littérature et etudes culturelles latino-américaines.
Mónica Moreno Seco, Universidad de Alicante, Espagne, Histoire.
Edilma Osorio Pérez Flor, Facultad de Estudios Ambientales y Rurales, Pontificia Universidad Javeriana, Colombie, Sociologie, Anthropologie.
Maitane Ostolaza, Université Paris Sorbonne, France, Civilisation espagnole.
Manuelle Peloille, Université d’Angers, France, Civilisation espagnole.
Alejandro M. Rabinovich, Consejo Nacional de InvestigacionesCientíficas y Técnicas (CONICET), Universidad Nacional de La Pampa (UNLPam), Argentine, Histoire.
Mario Ranalletti, Instituto de estudios históricos, Universidad Nacional de Tres de Febrero, Argentine, Histoire.
Jean-Robert Raviot, Université de Nanterre (Paris X), France, Civilisation russe.
Philippe Schaffhauser, Centro de Estudios Rurales. Colegio de Michoacán, Mexique, Sociologie et anthropologie sociale et culturelle.
Pierre Schoentjes, Université de Gand, Belgique, Littérature française.
Leonard V. Smith, Oberlin College (Ohio), Etats-Unis, Histoire.
Taline Ter Minassian, INALCO, (Paris), France, Histoire.
Dominic Thomas, UCLA, (University of California Los Angeles), Etats-Unis, études culturelles et politiques des mondes francophones.
Amarela Varela Huerta, Academia de Comunicación y Cultura, Universidad Autónoma de la Ciudad de México, Mexique, Sociologie.
Luis Veres, Universidad de Valencia, Espagne, Littérature latino-américaine.


Contacts
Severiano Rojo Hernandez
courriel : severiano [dot] rojohernandez [at] univ-amu [dot] fr

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