vendredi 23 août 2019

La vie quotidienne des étudiant(e)s

La vie quotidienne des étudiant(e)sConditions de vie et de travail, loisirs, engagements (XIXe -XXe siècles) 


Appel à communication

Maison de la recherche - 9 rue du temple 
Arras, France (62) 


«L’histoire de l’enseignement supérieur apparaît comme le parent pauvre de l’histoire de l’éducation en France»[1]. C’est ce que soulignait Emmanuelle Picard, il y a dix ans, dans la revue Histoire de l’éducation, lors d’un numéro spécial consacré à « l’enseignement supérieur ». Depuis, de nombreux travaux ont été réalisés, proposant souvent de bonnes monographies d’institutions universitaires[2]. Mais les travaux dans ce domaine portent essentiellement sur la sociologie du corps enseignant et à leur positionnement politique dans les affaires de la cite[3]. Dans la répartition chronologiques de ces travaux, les années 1870-1914 dominent fortement[4], alors que ceux s’intéressant à l’entre-deux guerre sont plus rares. Les études abordant la période postérieure à la Seconde Guerre mondiale sont nombreuses, mais les étudiant(e)s y sont abordés comme groupe social, un groupe social croissant de façon exponentielle et dont on tente de mesurer le degré réel de démocratisation dans le recrutement[5]. Ils sont avant tout étudiés d’un point de vue politique, comme acteurs de revendications, de manifestations, autours de leurs associations et du rôle majeur joué par l’UNEF en particulier[6].

Cette journée d’étude artésienne se propose d’étudier sur une durée de deux siècles, de 1808 date de la reconstruction napoléonienne par les décrets du 17 mars 1808 organisant l’université impériale et débouchant sur la refondation des facultés, à la fin du XXe siècle, un public qui, au-delà des généralités, demeure assez peu connu : celui des étudiants et étudiantes. Nous nous limiterons à l’étude des élèves des universités françaises, d’État ou bien libres (après 1875), la comparaison entre les deux pouvant se révéler féconde. Les élèves des grandes écoles ont quant à eux déjà fait l’objet de travaux. C’est le cas des normaliens[7] ou des polytechniciens[8] entre autres.

C’est avec l’ouvrage de Jean-Claude Caron en 1991, sur les étudiants de l’époque romantique[9], que ces derniers deviennent réellement sujets d’étude. Pierre Moulinier en complétera l’étude pour la deuxième partie du XIXe siècle[10]. En outre, leur pendant féminin, les étudiantes, n’ont été le sujet que de peu d’études[11]. Ces dernières se sont principalement concentrées sur les étrangères au sein de l’université française ou sur certaines filières ayant connu un fort taux de féminisation, notamment la médecine[12].

Ainsi, reste une population en partie méconnue, notamment dans ce qu’elle vit au quotidien. Vivent-ils/elles chez leurs parents ou ont-ils/elles leur logement dans la ville universitaire et sous quelle forme (chambre louée, résidence universitaire…) ? Comment subviennent-ils à leurs besoins entre ressources parentales, petits boulots ou travail à temps complet ? Quelle est leur assiduité aux cours et comment l’institution gère-t-elle cette question selon les périodes ? Comment travaillent-ils/elles à leurs études et préparent-ils/elles leurs examens et concours ? Quelles représentations se font-ils de leurs enseignants et de l’institution universitaire ? Quelles forment d’actions mettent-ils/elles en placent lorsqu’ils/elles ont besoin de se mobiliser pour ou contre l’institution ? S’engagent-ils/elles d’autres manières (politique, droits civiques, bonnes œuvres) ? Que font-ils/elles de leur temps libre et quelles sont les structures associatives et de loisirs existant dans les villes universitaires ? Quels réseaux de sociabilité rejoignent-ils/elles? Quelles amitiés ou amours tissent-ils/elles ?

C’est à toutes ces questions et à bien d’autres, liées à la vie quotidienne des étudiant(e)s sur deux siècles, que cette journée d’étude va tenter d’apporter des réponses autours de quatre axes :
Les axes attendus pour la journée d’étude du 27 mars 2020

Axe 1 : La vie matérielle des étudiant(e)s

Ici, nous cherchons à étudier la manière dont les étudiant(e)s vivent au jour le jour. Nous savons qu’actuellement le coût annuel moyen de la scolarité par étudiant(e) est de 13 873 euros[13]. Cela implique un budget de 837,72 euros par élève selon l’UNEF. L’enseignement supérieur n’est pas gratuit et ne l’a jamais été, voire implique des ressources assez importantes. Bien sûr, cela varie en fonction des situations, notamment si l’étudiant(e) vit chez ses parents ou loue son propre logement, s’il cuisine ou mange au restaurant… Ce coût des études dès lors la question de possibles exemptions de droits et de frais pour certains étudiants, celle aussi des aides proposées à cette population étudiante, à savoir des bourses, des logements spécifiques à bon marché, des lieux de restauration qui puissent leur être dédiés. Il pose également la question des emplois que ces étudiant(e)s peuvent avoir à effectuer en parallèle de leurs études. Enfin, dans cet axe, nous cherchons à connaître les postes de dépense des budgets, la part faite au logement, à la nourriture, à l’habillement, à l’achat de livres, aux loisirs…

Axe 2 : Le travail universitaire des étudiant(e)s

Le quotidien des étudiant(e)s est, normalement, rythmé par les cours qui leur sont donnés à l’université, les séances de travail en bibliothèque, les temps de révisions, en groupe ou seul. On sait finalement peu de choses sur ce travail universitaire, son rythme, ses besoins, ses contraintes. Ce dernier varie certainement beaucoup en fonction des filières étudiées, des époques dont on parle, des sexes mais aussi des classes sociales. Les facultés n’en demeurent pas moins des lieux d’étude, fréquentés par une jeunesse diversifiée. Il est aussi possible d’aborder les relations qu’ils entretiennent les uns aux autres, du travail studieux en groupe aux chahuts faits pendant les cours ou en dehors des cours. Des animosités peuvent aussi se créer entre les étudiants et les enseignants ou entre étudiants qui dégénèrent en conflits ouverts. Quelle place prennent les examens et les concours dans cette vie universitaire ? Dans cet axe nous chercherons également à percer les motivations des jeunes personnes qui se lancent dans des études supérieures.

Axe 3 : Les loisirs des étudiant(e)s

Les années d’études supérieures marquent aussi une forme de passage entre l’adolescence et l’âge adulte, entre l’autorité parentale et les rigueurs du monde du travail. C’est donc un temps de transition, plus libre, le plus souvent en dehors de la maison parentale. Dans ce contexte, les relations amicales prennent une toute nouvelle importance. De nouveaux lieux sont fréquentés, comme les cafés ; certaines activités culturelles peuvent occuper beaucoup de temps, comme les concerts, le théâtre ou l’opéra. Les différents sports sont aussi des activités proposées et fortement pratiquées par cette jeunesse à la recherche d’activités, les structures sportives universitaires se développent d’ailleurs rapidement à la fin du XIXe siècle. Ces années d’apprentissage sont aussi celles des possibles rencontres amoureuses et de la découverte, souvent, de la sexualité. Il est alors intéressant de connaître les lieux de rencontre entre les sexes, la place du mariage dans ces existences, et celles des amours plus illégitimes, notamment avec les grisettes des quartiers latins.
Axe 4 : Les engagements des étudiant(e)s

Ces étudiants et étudiantes de l’Université forment un public aux intérêts différents mais capables de se regrouper autour de mobilisations communes ou divergentes. En premier lieu, ils sont capables de se mobiliser quand l’Université est remise en cause, menacée dans ses droits ou ses acteurs principaux, en particulier lors des changements de régimes politiques. Ces manifestations peuvent aller des chahuts de cours aux associations constituées. Ces dernières sont d’ailleurs le reflet de comportements propres aux étudiant(e)s, j’entends par là l’importance des charivaris, monômes… qui affirment leur existence en tant que corps. Le temps des études supérieures est également celui d’une possible éducation et sensibilisation aux questions politiques et les campus deviennent vite des lieux investis par des groupements multiples, plus ou moins structurés, qui veulent mobiliser les étudiants intéressés au service de leur cause. Clandestins ou publics, ces engagements débouchent-t-ils sur des temps de conflits, d’affrontements ? Quelle place également pour les engagements religieux, les actions humanistes ou humanitaires et les œuvres de charité ou caritatives ? 
Modalités de soumissions des propositions de communication

Les propositions de communication comprendront une présentation rapide de l’identité du contributeur (nom, prénom, statut, lieu d’exercice, laboratoire), un titre clair et un résumé du projet de communication qui dégagera la problématique et explicitera les sources utilisées (20 lignes maximum).

La date limite de proposition des communications est fixée au 15 octobre 2019.

Elles sont à adresser à :
Amélie PUCHE, doctorante contractuelle au laboratoire CREHS de l’Université d’Artois : amelie.puche@gmail.com
Jean-François CONDETTE, professeur en histoire contemporaine (ESPE-Lille-Nord-de France), laboratoire CREHS de l’Université d’Artois : jfrancois.condette@espe-lnf.fr

Le comité d’organisation expertisera les propositions et donnera sa réponse aux contributeurs pour la fin du mois d’octobre 2019.

Si le nombre de propositions retenues est supérieur à huit, une seconde journée d’étude pourra éventuellement être organisée en octobre ou novembre 2020.


Comité d'organisation
Mme PUCHE Amélie, laboratoire CREHS, Université d’Artois
CONDETTE Jean-François, laboratoire CREHS, Université d’Artois


Notes

[1] Emmanuelle Picard, dans l’avant-propos du numéro 122, Histoire de l’éducation, avril-juin 2009.

[2] Parmi de nombreux exemples citons : Jean Al Grammal (dir.), L'Université à Nancy et en Lorraine : Histoire, mémoire et perspectives, Nancy, PUN, 2015 ; Françoise Olivier-Utard, Une université idéale ? Histoire de l'université de Strasbourg de 1919 à 1939, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 2015 ou encore René Favier, Le roman de l’Université : Grenoble 1339-2016, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 2018.

[3] Il y a notamment des dictionnaires qui ont été publiés et sont extrêmement utiles : Christophe Charle, Les professeurs de la faculté des lettres de Paris, Dictionnaire biographique, 1809-1939,Paris, éditions du CNRS, 1986, 2 vol. ; Christophe Charle et Eva Telkes, Les Professeurs de la Faculté des sciences de Paris, 1901-1939. Dictionnaire biographique, Paris, éditions du CNRS, 1989 ; Françoise Huguet, Les Professeurs de la Faculté de médecine de Paris. Dictionnaire biographique 1794-1939, Paris, éditions du CNRS, 1991. Mais aussi des études régionales comme par exemple : Jean-François Condette, Les lettrés de la République. Les enseignants de la Faculté des lettres de Douai puis Lille sous la Troisième République (1870-1940). Dictionnaire biographique, Lille, Université Lille III, 2006.

[4] George Weisz, The emergence of modern universities in France: 1863-1914, Princeton, Princeton University Press, 1983.

[5] Pierre Bourdieu, Jean-Claude Passeron, Les héritiers, les étudiants et la culture, Paris, Minuit, 1964.

[6] Voir les travaux du GERME : Jean-Philippe Legois dir., Cent ans de mouvements étudiants, Paris, Syllepse, 2007.

[7] Victor Karady, « Scientists and class structure : social recruitment of students at the parisian École normale supérieure in the nineteenth century », History of Education, n° 2, 1978, p. 99-108 ou Jean-Noël Luc, Alain Barbé, Des normaliens, histoire de l’École normale supérieure de Saint-Cloud, Paris, Presses de la FNSP, 1982.

[8] Bruno Belhoste, La Formation d’une technocratie. L’École polytechnique et ses élèves de la Révolution au Second Empire, Paris, Belin, 2003.

[9] Jean-Claude Caron, Générations romantiques : les étudiants de Paris et le Quartier latin, 1814-1851, Paris, A. Colin, 1991.

[10] Pierre Moulinier, La Naissance de l’étudiant moderne (XIXe siècle), Paris, Belin, 2002.

[11] Depuis le travail pionnier d’Edmée Charrier (L’évolution intellectuelle féminine, Paris, Albert Meterlinck, 1931) peu a été fait : Michelle Tournier, L’Accès des femmes aux études universitaires en France et en Allemagne (1861-1967), Paris, Université Paris V, 1972 ; Carole Lécuyer, « Une nouvelle figure de la jeune fille sous la IIIe République : l’étudiante », Clio, Histoire, femmes et société, 4, 1996, p.166-176.

[12] Pierre Moulinier, « Les premières doctoresses de la Faculté de médecine de Paris (1870-1900), des étrangères à plus d’un titre », acte du colloque Histoire / Genre / Migration aux XIXe et XXe siècles, Paris, éditions de l’ENS, 2006.

[13] Laura Burrati, Le Monde, 25 février 2016.



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