jeudi 11 avril 2019

L'homme augmenté en Europe dans l'entre-deux guerres

L'homme augmenté en Europe, rêve et cauchemard de l'entre-deux guerres

Appel à communications


Lille
12 et 13 décembre 2019


Le transhumanisme contemporain, né à la fin du XXe siècle, est souvent rapproché de précédents soit par les transhumanistes eux-mêmes, soit par les observateurs, critiques ou non. La période d’entre-deux-guerres concentre les filiations. Il peut s’agir de penseurs comme Julian Huxley, John Haldane ou Jean Coutrot. Il peut s’agir aussi de courants de pensée comme l’eugénisme considéré dans sa diversité. Doit-on théoriser là un proto-transhumanisme (Bostrom) ? En effet, pour Bostrom l’entre-deux-guerres porterait en germe, dans la pensée de nombre d’intellectuels de l’époque, toutes les caractéristiques du transhumanisme contemporain. Au contraire, pour nombre de critiques du transhumanisme, celui-ci ne serait qu’une reformulation de la pensée eugéniste de l’époque, et de ses aberrations. Ces rapprochements servent bien souvent des vues partisanes et n’aident pas forcément à y voir clair. Ils se confrontent à trois écueils : celui de réduire les filiations du transhumanisme à la généalogie d’une occurrence en se contentant de recenser celles et ceux qui en ont employé le terme, sans tenir compte qu’un mot ne dit pas tout ni toujours la même chose ; celui d’élargir indéfiniment le transhumanisme en y intégrant toutes les idées « progressistes », « technicistes », « futuristes » ou les imaginaires technologiques d’une époque, au risque de perdre finalement l’objet dans une nuit où toutes les vaches sont noires ; enfin, celui de rechercher dans le passé des conceptions actuelles du transhumanisme, et d’en interpréter les sources pour y découvrir les signes de présence de ce qu’on y projette.

Il semble cependant que s’immerger dans l’entre-deux-guerres permettrait de clarifier la réflexion. En effet, nombre de penseurs de l’époque, dans l’espace européen, ont porté le vœu d’élever l’homme au-delà de sa condition « naturelle » par différentes techniques, que celles-ci modifient les comportements, les corps, ou les aspirations humaines. Entre les deux guerres, des débats ont lieu un peu partout en Europe (France, Angleterre, Italie, Russie, Allemagne, Espagne…). Des intellectuels, des scientifiques, des industriels et politiques concourent à l’élaboration de discours qui configurent différemment les rapports entre le politique et le technologique. Certains mouvements ont déjà été bien balisés et étudiés. On y compte, entre autres, un certain nombre de régimes totalitaires qui visent, par la coercition politique, l’avènement d’un « homme nouveau » né de la refonte des structures sociales, économiques et culturelles de la nation. Les tenants de la pensée eugénique défendent pour leur part une configuration biopolitique (qui peut être aussi totalitaire), où la technologie et la politique s’absorbent mutuellement dans une mission de contrôle des naissances et de l’hérédité à des fins d’amélioration des populations. A ces deux premiers types de discours s’en rajoute un troisième, d’ordre capitaliste et technocratique, qui voit dans la rationalisation des politiques publiques, la gestion ingénieuriale des institutions et la diffusion des technologies au sein de l’espace social, les moyens privilégiés de la résolution des problèmes humains et d’une forme nouvelle d’épanouissement humain.

Au regard de cette première ébauche d’une typologie des régimes de pensée de l’entre-deux-guerres, rien ne permet a priori de conclure que l’époque portait en ses germes tous les traits du transhumanisme actuel, ou que ce dernier ait procédé de l’un de ces courants d’idées à l’exclusion des autres. Cette incertitude historique demande de réinterroger les sources du transhumanisme, à l’écart des écueils mentionnés plus haut : l’homme augmenté du transhumanisme serait-il né à l’occasion de rencontres entre penseurs de l’homme nouveau (systèmes totalitaires), de l’homme sélectionné (pensée eugénique) ou de l’homme domestiqué par la technique (régime technocratique) ? Si tel est bien le cas, pourrait-on isoler ces rencontres, et retracer l’histoire des idées auxquelles elles ont donné naissance ? A moins que l’histoire des idées de l’entre-deux deux-guerres puisse permettre d’isoler l’apparition d’un courant d’idées qui ne procède pas des idéologies modernes de l’homme nouveau, de l’homme sélectionné ou de l’homme domestiqué – bien qu’il leur fut contemporain et en fut inévitablement marqué. Mais quels seraient les représentants historiques de ce courant et leurs interactions avec les autres intellectuels de leur époque ? Quels seraient les traits distinctifs, les sources et la nature d’un tel mouvement transhumaniste sur la période étudiée, si tant est qu’il puisse se distinguer des autres imaginaires anthropologiques de l’époque ? Si nous formulons l’hypothèse que certains travaux de Jean Coutrot, de John Haldane ou de Julian Huxley pourraient être considérés comme les précurseurs d’un tel mouvement de pensée (lequel n’aurait peut-être que peu de ressemblance avec nos représentations présentes du transhumanisme), d’autres voix au plan européen ont pu contribuer à l’avènement d’une telle voie. Elles formeraient l’étoffe d’un réseau continental plus large qui demande encore d’être éclairci par l’analyse historique et philosophique. 

Nous nous proposons d’ouvrir ce dossier par une enquête comparative entre les différents contextes européens. Cette enquête devra s’attacher à définir clairement les types de projets sur l’homme élaborés dans l’entre-deux-guerres, leur nature, le sens des mots mobilisés par les discours qui se sont approprié cette question sur le continent européen. L’enquête proposée doit porter sur la circulation des idées, des réseaux et des échanges humains qui les ont rendu possibles. Elle aura pour objectif, d’une part, de détailler et de discuter l’hypothèse de l’émergence d’un courant de pensée « transhumaniste » dans l’entre-deux-guerres et d’autre part d’en isoler les significations par rapport aux transhumanismes contemporains, quitte à en proposer une autre dénomination si nécessaire. L’enquête doit permettre d’autre part de baliser des critères d’identification d’un transhumanisme de l’entre-deux-guerres, en laissant ouverte la porte aux interrogations sur la nature de l’objet étudié : idée mobilisatrice, courant de pensée, école, imaginaire sociotechnique. 



Soumettre un abstract

Les abstracts (500 mots maximum) peuvent nous être envoyés, en français comme en anglais, sous format MS Word à : franck.damour@univ-catholille.fr

Nous vous demandons de nommer et soumettre votre abstract de la manière suivante :

Soumission : Prénom Nom. docx (ou.doc) /.pdf (Exemple : "Soumission : MaryAndy.docx")



Echéances

Les abstracts peuvent être soumis jusqu'au 25 juin 2019.

Les notifications d'acceptation seront communiquées le 20 juillet 2019 au plus tard aux auteurs.

Les auteurs dont l'abstract est accepté recevront toutes les informations nécessaires à leur venue.



Comité d’organisation
• Franck Damour, Université Catholique de Lille, France

• Olivier Dard, Sorbonne Université, LABEX EHNE, France

• David Doat, Université Catholique de Lille, France



Comité scientifique

• Francesco Paolo Adorno, Università degli studi di Salerno, Italie

• Jenny Andersson, Sciences Po Paris, France

• Stéphane Cormier, Université de Bordeaux, France

• Fabien Ferri, Université de Franche-Comté, France

• Jean-Yves Goffi, Université Grenoble Alpes, France

• Hélène Machinal, Université de Bretagne Occidentale, France

• Barbara Meazzi, Université Côte d'Azur, France

• Alexandre Moatti, Université Paris-Diderot, France

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