Techno*Care / Les technologies du « care » en santé
Appel à communications
12 décembre 2017
Ecole des Mines Paris Tech - 60 boulevard Saint Michel
Paris, France (75006)
Dans le domaine de la santé, la distinction entre les ordres du cure (traitement de la maladie) et du care (soin du malade) fait figure de lieu commun depuis de nombreuses années. Une telle dichotomie s’est notamment alimentée des travaux critiques publiés à partir des années 1970 au sujet de l’emprise du pouvoir médical (Illich, 1976 ; Zola, 1977) et de son expansionnisme en direction de sphères de la vie sociale a prioriétrangères au domaine sanitaire (Conrad et Schneider, 1985). Le développement d’une biomédecine (Löwy, 2011) de plus en plus technicisée et standardisée (Timmermans et Berg, 2003) est alors apparu comme l’avatar paradoxal d’un regard clinique (Foucault, 1963) qui, porteur d’un projet d’objectivation scientifique de la maladie au détriment de l’attention aux symptômes vécus par le malade, aurait progressivement marginalisé la pratique clinique elle-même. C’est au regard de cette médecine « lourde », hospitalo-centrée, hyperspécialisée et construite sur le modèle du traitement des maladies aiguës, que les anthropologues Kleinman et Van der Geest ont pu affirmer de manière provocatrice que « le care (…) a relativement peu à voir avec la médecine » (2009). Dans leur viseur, la multitude de technologies biomédicales qui s’interposent aujourd’hui entre le thérapeute et son patient (imageries numériques, robots chirurgicaux, tests génomiques, etc.) et qui limitent la part d’attention à l’autre dans sa singularité. Les théories du care, initialement développées dans le cadre d’une psychologie morale d’orientation féministe (Gilligan, 1983) ont en effet permis de souligner les manques d’une pratique médicale gouvernée par l’usage croissant des biotechnologies. La profession infirmière, notamment, s’est emparée de cette notion, revendiquant les activités centrées sur la reconnaissance et la réponse aux besoins concrets et quotidiens des personnes comme étant son apanage spécifique par rapport aux médecins (Rauthier Bautzer, 2012).
La pertinence empirique d’un tel clivage est cependant de plus en plus remise en cause aujourd’hui. L’espoir suscité par les promesses technologiques fait partie en effet de « ce qui compte vraiment » pour les individus malades et leurs proches (Liebing et Tournay, 2010). A l’ère du numérique et des technologies connectées, de la miniaturisation et des nanotechnologies, nombre d’innovations apparaissent comme des outils souples offrant aux individus de nouvelles ressources pour mieux vivre au quotidien, notamment en cas de maladie chronique (Mol, 2009). Que ce soit dans le domaine de l’assistance à l’autonomie des personnes âgées, des traitements ambulatoires oraux développés dans le cadre de la médecine personnalisée du cancer, ou des outils connectés de self-tracking à visée préventive, les innovations biotechnologiques sont de plus en plus intégrées à la vie des individus, malades ou non, pour les aider à gérer leur état de santé hors les murs de l’hôpital. Elles permettent également à des collectifs de malades de se créer, de développer des formes d’auto-support, mais aussi de construire des connaissances afin de susciter une attention sociale et politique plus grande (Rabeharisoa, Akrich et Moreira, 2014). En bouleversant parfois les frontières entre professionnels, en modifiant les mandats des spécialistes, ces nouveaux instruments créent un espace des possibles, un espace de choix dont les malades peuvent se saisir. La mise en concurrence entre la chirurgie et la radiofréquence, par exemple, laisse aujourd’hui aux patients des options moins invasives dont ils peuvent se saisir pour réduire l’écart entre choix thérapeutique et vécu de la prise en charge.
Ces instruments participent également à redéfinir l’objet-même de ce dont les acteurs doivent se soucier. L’espace des préoccupations et des pratiques du care s’élargit pour inclure un rapport spécifique aux technologies et aux infrastructures (Puig de la Bellacasa, 2011 ; Denis et Pontille, 2015). Ces innovations conduisent donc à s’interroger sur les nouvelles formes de care qu’elles induisent ainsi que sur les conditions de leur appropriation par une pluralité d’acteurs. La pratique de la télé-consultation par exemple, constitue une forme de care « à distance » (Pols, 2012), de proximité médiatisée qui invite à se pencher sur les paradoxes du care dans la biomédecine (Derbez, 2017). La mise en œuvre de tels dispositifs invite à approfondir les réflexions actuelles sur les « ambivalences » du care (Vozari, 2012) et sa « compatibilité » avec certaines pratiques ou dispositifs en apparence antagonistes (Hennion et Vidal-Naquet, 2015). En cela, il s’agira d’explorer toute la richesse de la définition proposée par Joan Tronto selon laquelle le care est « une activité générique qui comprend tout ce que nous faisons pour maintenir, perpétuer et réparer notre « monde », de sorte que nous puissions y vivre aussi bien que possible. Ce monde comprend nos corps, nous-mêmes et notre environnement, tous éléments que nous cherchons à relier en un réseau complexe, en soutien à la vie » (2009 : 143).
Cette manifestation scientifique se veut une occasion de réunir les travaux de chercheurs en sciences sociales interrogeant à la fois ce que le care fait à la technologie et ce que la technologie fait au care. Ainsi, toutes les propositions de communication seront les bienvenues qui seront centrées sur la question de savoir : Quelles sont les différentes conceptions du soin qui peuvent être attachées aux technologies de santé ? En quoi le care est-il aujourd’hui un moteur de l’innovation en santé ? Comment les nouvelles technologies transforment-elles les pratiques de care ? Est-ce que cette perspective est mobilisée par les acteurs du monde de la santé dans la diffusion de ces technologies et à quelles fins (sanitaires, économiques, politiques, etc.) ? En quoi ces innovations reconfigurent-elles les catégories et les frontières à l’intérieur du monde de la santé comme dans ses rapports avec d’autres mondes sociaux ?
Modalités de soumission
Les propositions de communication d’un maximum de 4000 signes (espaces compris) sont à déposer
avant le 14 juillet 2017
sur la plateforme : technocare.sciencesconf.org
Communication de la sélection : 4 septembre 2017
Date de transmission du texte des communications aux organisateurs : 10 novembre 2017
Date de l'événement : 12 décembre 2017
Pour toute demande d’information, vous pouvez contacter les organisateurs du colloque par courriel à l’adresse suivante : technocare.sciencesconf.org
Comité d’organisation
(également repsonsable de la sélection des propositions)
Benjamin Derbez, post-doctorant, CSI, Mines ParisTech
Eric Dagiral, MCF, CERLIS, Université Paris-Descartes
Ashveen Peerbaye, MCF, LISIS, Université Paris-Est Marne la Vallée
David Saint Marc, Chercheur associé, Centre Emile Durkheim, Université de Bordeaux
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