Bordeaux, 23-24 novembre 2017
Bordeaux vient d’inaugurer la Cité du vin en juin 2016, manifestant ainsi son attachement à la production viticole périurbaine et rurale de l’arrière‑pays. Ce lien entre une campagne productrice et un pôle urbain commercial est particulièrement ancien, et il était peut-être encore plus fort autrefois qu’aujourd’hui, car les consommateurs se rendent désormais dans les domaines et la vente directe emprunte de nouveaux réseaux, notamment immatériels. L’identification entre la ville et le vin reste néanmoins très marquée.
Or, depuis le XVe siècle, cette question du lien entre l’espace urbain et les produits de la vigne se posait principalement en termes de transports, de voies de communication et d’intermédiaires humains. Elle se prolongeait ensuite à l’intérieur de la ville par de multiples aspects, qu’ils soient économiques avec des activités particulières, ou paysagers. Le port de Bordeaux et le commerce du vin, largement étudiés, en constituent un très bel exemple. Aujourd’hui, elle s’inscrit plus dans des problématiques de commercialisation de valorisation et d’identité.
Au‑delà des échanges économiques immédiats et de l’exportation du vin par la voie maritime, ce colloque souhaite étudier la complexité des liens qui unissent la ville et le vin. Le sujet consiste surtout à s’interroger sur la marque spécifique, que le vin et ses produits dérivés comme l’eau‑de‑vie, pouvaient et peuvent encore imprimer à l’espace urbain. Par ailleurs, l’empreinte est‑elle plus ou moins forte selon la taille de la ville ? Si Bordeaux, Reims, Beaune, Lyon semblent des cités d’emblée marquées par la culture du vin, entendue au sens le plus large possible, qu’en est‑il d’Épernay, de Dijon, de Libourne, de Cognac ou même de plus petites villes encore mais non moins célèbres comme Saint‑Émilion, Limoux ou Arbois ? Le lien entre la ville et le vin devra donc être étudié à plusieurs échelles géographiques, pour mesurer l’influence du produit de la vigne sur l’évolution, la morphologie et la culture urbaine. Il sera aussi questionné de manière croisée, pour comprendre le rôle de la ville dans le développement des vignobles de l’arrière‑pays : si l’engagement des bourgeoisies, des élites nobiliaires et marchandes dans la croissance des espaces de viticulture spécialisée, le rôle de la ville et de ses structures réglementaires, institutionnelles ou commerciales reste à découvrir.
1. Ville et identité du vin, vin et identité de la ville
Le vin est produit sur un terroir plus ou moins bien défini mais si celui-ci lui confère sa particularité, il n’est véritablement reconnu que lorsqu’il entre dans les circuits commerciaux. Or, la ville est un acteur fondamental de la valorisation des produits de l’arrière‑pays, plus particulièrement si cette dernière a des attributions portuaires et accueille des clients étrangers. On parle du bordeaux, du cahors, mais aussi du vin de Jurançon, d’Épernay, de Malaga, de Porto… n’avons-nous pas là des lieux permettant de donner une identité au vin ? La ville ne devient-elle pas une sorte de label ou de marque permettant d’asseoir la réputation d’un vin ? En tissant des liens, des villes deviennent des génériques déterminants, c’est le cas de Bordeaux et on s’en rend particulièrement compte lorsqu’on découvre à l’étranger des pratiques frauduleuses. Ainsi, la ville et le vin s’identifient l’un à l’autre, parce que le rayonnement de la ville compte et parce que le vin contribue à transformer ou à modeler la ville. Les crus, comme certaines professions, à l’instar des tonneliers de Saint‑Macaire aux XVIIIe-XIXe siècles, ne fondent‑ils pas la réputation d’une ville ? Ainsi, quand la ville est proche d’un vignoble ou de limites commerciales, des corps de métiers très divers s’y installent et s’y développent comme les courtiers et les marchands. La ville est également, grâce à des musées dédiés ou des décorations spécifiques, un lieu du vin. Frises de pampres, bacchanales, maisons de négociants sont autant de constructions qui laissent une empreinte. En quoi les villes, par la culture qu’elles diffusent, contribuent‑elles à construire une identité viticole ? Peinture et poésie permettent aussi d’immortaliser le regard que l’on porte sur la ville. N’est-ce pas en effet sous le pinceau de Joseph Vernet que sont apparus sur les quais de Marseille et des grands ports français, des barriques et des bouteilles ? Le peintre, par des objets du quotidien appartenant au monde viticole, ne contribue-t-il pas à mettre en valeur la ville et son identité ? L’identité des vins régionaux est-elle renforcée par la mise en place, à partir du XXe siècle, d’espaces spécifiques de formation ? On pourra donc étudier dans ce cadre la construction des savoirs autour du vin et s’interroger sur le rôle des villes dans la réflexion et la transmission de certaines pratiques viticoles. Ainsi, on s’intéressera aux écoles d’œnologie, aux pratiques professionnelles autour du vin (écoles de commerce, filières professionnelles, écoles hôtelières par exemple).
2. Culture de la vigne et du vin et développement urbain
Les nombreuses maisons viticoles, les circuits d’œnotourisme montrent la patrimonialisation de la culture du vin et l’enjeu économique que cette‑dernière représente pour les villes qui les accueillent. Cette économie du vin dans la ville s’inscrit aussi dans des réseaux de commercialisation : les caves, les éditeurs spécialisés type Féret, les libraires. S’élabore ainsi un pôle culturel viticole que l’on retrouve dans les bibliothèques municipales, universitaires et dans les musées des villes des régions viticoles.
Toutefois, culture de la vigne et le développement urbain ne vont pas toujours de pair car, dès le XIIIe siècle, les espaces viticoles ont été de plus en plus repoussés face à la pression démographique des cités, et le nom de certains terrains à bâtir et de quartiers permet justement de mesurer les conséquences de l’extension urbaine. Par ailleurs, face à ces enjeux de développement, le terroir viticole peut‑il être créateur d’industries et d’activités liées à la vigne ? Ainsi, les entreprises de tonnellerie, celles qui fabriquent les tracteurs et les machines à vendanger, les cuves, les outils spécialisés, les bouteilles et les produits de traitement sont‑elles toujours installées dans les villes ? Ou bien, la culture et l’imaginaire du vin proposés aux visiteurs de la ville, tout comme autant que les impératifs de production industrielle, rendent‑ils désormais cette cohabitation impossible ?
3. Commerce du vin dans la ville
La question du commerce du vin dans la ville ne doit pas conduire à réexaminer les flux portuaires qui ne sont pas directement l’objet de cette réflexion. Par commerce, il faut ici entendre principalement le commerce urbain propre, les débits de boisson, les cabarets, les commerces de détail. Comment cette distribution était‑elle organisée ? Il faudra s’interroger sur une éventuelle influence de ce commerce sur la topographie et la stratification socioéconomique de la ville. À ces questions socioprofessionnelles et spatiales s’ajoute celle de l’encadrement législatif de la vente du vin par les autorités compétentes, de la forme des pots aux horaires d’ouverture des établissements de boissons. Le contrôle occupe une place considérable : frelatages des vins ou modification des contenants. La chambre de commerce, les douanes, l’intendance et les forces de police seront donc des acteurs à privilégier dans cette facette du lien entre ville et vin.
4. Consommation du vin dans la ville : plaisirs, excès, répression et éducation
L’encadrement réglementaire de la vente de vin dans la ville va de pair avec celui de sa consommation. Les banquets et les réjouissances publiques sont des lieux privilégiés de consommation du vin. Se pose la question des vins bus : privilégiait‑on les vins locaux pour en faire une promotion nette ou voyait‑on aussi une forme d’éclectisme gourmet ? La question se pose aussi pour les vins populaires : pour les villes proches des vignobles, il est très légitime de supposer que le consommé était un vin récolté à proximité, pour une question de coût assez évidente. Mais comment cet impératif économique ancien, qu’il convient malgré tout d’interroger, évolue‑t-il avec la révolution des transports au XIXe siècle et des communications au XXe siècle ? Les récits des banquets et les sources relatives à leur organisation commencent à être assez bien connus, en revanche, les livres de comptes de cabaretiers ou de marchands détaillants de vin seraient ici des sources intéressantes à exploiter. Par ailleurs, la consommation du vin dans la ville invite à réfléchir sur les excès de boisson et la manière dont les autorités publiques ou des initiatives privées ont tenté d’y remédier, sinon de les comprendre et de les accompagner. Les discours sur le vin et la santé ont des accents très différents selon les époques, le vin source de vie et fortifiant, ou le vin et ses excès répréhensibles. Dans la promotion de la consommation de vin ou dans la lutte contre l’alcoolisme, les écoles professionnelles liées au vin ont joué un grand rôle, tout comme les académies et sociétés d’agriculture, les professionnels de santé dont il faudrait réexaminer les discours.
Modalités pratiques d'envoi des propositions
Réponses à envoyer avant le 6 mars 2017
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Contacts
marguerite.figeac@u-bordeaux.fr
stephanie.lachaud@u-bordeaux-montaigne.fr
florence.verdier@u-bordeaux-montaigne.fr
Organisation
Marguerite Figeac‑Monthus, Professeur d’histoire moderne, CEMMC / EA 2958, Université de Bordeaux
Stéphanie Lachaud-Martin, Maître de conférences en histoire moderne, CEMMC / EA 2958, Université Bordeaux Montaigne
Laboratoire : Centre d’Études des Mondes Moderne et Contemporain – Université Bordeaux Montaigne
Comité scientifique
Ana Maria Binet, Professeur des universités, Université Bordeaux-Montaigne.
Philippe Chassaigne, Professeur d’histoire contemporaine, Université Bordeaux-Montaigne.
Laurent Coste, Professeur d’histoire moderne, Université Bordeaux-Montaigne.
Gérard Béaur, Directeur de recherche CNRS, Directeur d’études EHESS/ CRH
Bernard Galinato, Professeur d’histoire du droit, Université de Bordeaux
Michel Figeac, Professeur d’histoire moderne, Université Bordeaux-Montaigne
Marguerite Figeac-Monthus, Professeur d’histoire moderne, Université de Bordeaux (organisatrice)
Pascal Griset, Professeur d’histoire des techniques, Université de Paris-Sorbonne
Olivier Jacquet, Ingénieur de recherche, Université de Bourgogne
Stéphanie Lachaud-Martin, Maître de conférences, Université Bordeaux-Montaigne (organisatrice)
Sandrine Lavaud, Maître de conférences en histoire Médiévale, Université de Bordeaux-Montaigne
Caroline Le Mao, Maître de conférences en histoire moderne, Université Bordeaux-Montaigne
Corinne Marache, Maître de conférences en histoire contemporaine, Université Bordeaux-Montaigne
Jocelyne Pérard, Professeur des universités, Université de Bourgogne
Gilles de Revel, Professeur d’œnologie, Université de Bordeaux
Raphaël Schirmer, Maître de conférences en géographie, Université de Bordeaux-Montaigne.
Serge Wolikow, Professeur d’histoire contemporaine, Université de Bourgogne