Folies, mélancolies et autres ravissements.
Raison et déraison - Liaisons et déliaisons
Raison et déraison - Liaisons et déliaisons
Appel à communications
Journée d’étude 1
Programme Gradiva-Créations au féminin - 2016
« Être à soi-même son propre objet de folie et ne pas en devenir fou, ça pourrait être ça, le malheur merveilleux. Tout le reste est de surcroît. » (Marguerite Duras)
La thématique de la folie et de la mélancolie est en droite ligne avec celle de la jouissance que l’association Gradiva a placée au centre de sa réflexion dernièrement : de la jouissance et du désir - notamment féminins - à la folie et à la mélancolie que nous déclinerons dorénavant au pluriel. Nous proposons en effet une approche de la raison et de la déraison, de la liaison et de la déliaison sociale qu’elles impliquent, qui soit plurielle et diversifiée : non pas exclusivement la folie dans une dimension clinique et uniforme (donc subtilement effrayante de par cette univocité), mais toutes ses déclinaisons, de l’égarement au délire, de l’aliénation à l’extravagance, de l’excentricité au débordement ; non pas la mélancolie, mais toutes ses variations, de l’écœurement à l’amertume, du déplaisir à l’apathie, de la morosité au désœuvrement. Et encore ne sont-ce là que quelques références qui oscillent entre des jeux de synonymie et de profondes nuances qu’il nous appartiendra de démêler.
Ces folies et ces mélancolies, ces désirs et ces jouissances seront plus particulièrement étudiées au travers de la dimension du féminin qu’il s’agisse des œuvres de femmes ou des figurations de folles et de mélancoliques. Si le fou (du roi) a bénéficié d’une considération, voire d’une certaine déférence, qu’en est-il des folles ? Ont-elles aussi leurs rois ? Ou leurs reines ? La déliaison, l’exclusion, la forclusion induites par folies et mélancolies, quelles que soient leurs formes, sont-elles uniformément radicales et dévastatrices ou varient-elles en fonction des genres ? Peut-on envisager une spécificité générique du deuil mélancolique ?
Par ailleurs, nous proposons de réfléchir sur le ravissement et sur les mécanismes qui s’opèrent quand il génère une démarche d’ordre esthétique et/ou sacrée : le ravissement est une conduite « borderline » certes, mais il est aussi une conduite admissible et admise ; un délire qui renvoie aux confins des espaces et des institutions sociales certes, mais également une exaltation facteur d’inclusions et d’une certaine reconnaissance : celles que l’on s’autorise envers les singularités créatrices et/ou mystiques, ces singularités que l’on repère et que l’on localise à la fois comme étant en dehors des sociétés, déliées par rapport à leurs normes et comme sur la limite même de ces normes, comme dépassant et préservant les normes dans un seul et même mouvement, comme garantes du lien social en quelque sorte alors même qu’elles s’en délient ou s’en distancient par un comportement « déraisonnable ». Le fait d’être privés (ou de « se » priver ) non pas de la stricte rationalité, mais « de la maîtrise de ses activités conscientes », le fait de faire reculer les limites pour les expérimenter plus puissamment et violemment semble « autoriser », donner un surcroît d’autorité aux créateurs et aux créatrices reconnu.e.s comme tel.les. Il sera intéressant d’observer comment se décline cette « autorisation » au cours des siècles pour les hommes et pour les femmes ; quelle est la part faite à la « folie créatrice » d’une part et à la folie dite pathologique et strictement enfermée dans ses ressorts cliniques, de l’autre
?
Enfin, nous accorderons, dans nos réflexions, une importance particulière aux corps, partant du principe que ce que dit Pierre Bourdieu du « corps sportif » pourrait être appliqué au « corps fou », la folie étant à nouveau entendue dans toutes ses nuances et ses gradations, peut-être même convoquée dans une acception étymologique ayant trait au végétal ( folium.folii : feuille, feuillage), à sa dimension parfois im-maitrisable et proliférante. Le sociologue précédemment cité affirme : « On peut poser en loi générale qu’un sport a d’autant plus de chances d’être adopté par les membres d’une
classe sociale qu’il ne contredit pas le rapport au corps dans ce qu’il a de plus profond et de plus profondément inconscient, c’est-à-dire le schéma corporel en tant qu’il est dépositaire de toute une vision du monde social, de toute une philosophie de la personne et du corps propres. »1
Quel est le « schéma corporel » véhiculé par les créations ayant trait à la folie ? Le « corps fou » - dont il faudra déterminer les traits et les caractéristiques - ne peut-il pas constituer le socle de nouveaux liens, de liaisons innovantes ? ; en définitive, les fondements de l’affirmation de singularités, de sujets singularisés par leur « folie », une folie encline aux liens et non plus « à lier ». La création serait alors le vecteur de « folies ouvertes », d’une jouissance passionnée et passionnante, ravageuse parfois, mais inventive et salutairement transgressive, en dépit de sa dimension fictionnelle, ou peut-être en raison de cette même dimension.
Les propositions concernant la journée d’étude du 21 mai 2016 sont à envoyer à Catherine Flepp (catherine.flepp@gmail.com) et à Nadia Mékouar-Hertzberg (nadia.mekouar-hertzberg@univ-pau.fr) sous la forme d’une dizaine de lignes, accompagnées d’une brève bio-bibliograhie. La date limite d’envoi des propositions est le 2 avril 2016.
1 Bourdieu Pierre, La Distinction. Critique sociale du jugement, Paris, Minuit, 1979, p. 240.
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